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Октябрь
2024

En Creuse, 23 lycéens se rallient à la bannière du patrimoine

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Le 7 octobre, la fondation La Sauvegarde de l’art français, par l’intermédiaire de sa représentante Philomène Vuillard, a présenté une sélection de cinq œuvres, objets ou lots d’objet aux élèves de première professionnelle SAPAT (Services aux personnes et aux territoires) au lycée agricole d’Ahun.

Dix jours plus tard, ils se sont rendus sur le terrain pour les examiner de plus près.

Une bannière à Lavaveix- les-Mines 

Leur périple a débuté à Lavaveix-les-Mines, où ils étaient attendus par Stéphane Charles. Ce conseiller municipal en charge des questions de patrimoine est également musicien de fanfare. Dans la salle des fêtes, il avait installé des instruments de musique, des photographies anciennes, et surtout une bannière datant des années 1880. L’occasion, pour les élèves, de se plonger dans l’histoire minière de la commune.

La première fanfare de Lavaveix est créée à l’initiative de la société de la mine qui lui donne un nom en adéquation avec ses valeurs : « Tout par le travail ». 1908 est une année charnière pour la fanfare, pour la mine et pour la commune : un syndicat apparaît et François Abgrall prend la tête de la fanfare. Celui qui fut maire de Lavaveix de 1908 à 1920 fait en sorte les musiciens, jusqu’alors considérés comme de simples exécutants, prennent les rênes de leur fanfare, rebaptisée « L’Espérance ».

Géraldine Thévenot, conservatrice des antiquités et objets d'art de la Creuse, Philomène Vuillard, de La Sauvegarde de l'art français et Annouck Rousselin, professeur d'éducation socio-culturelle au lycée agricole d'Ahun ont détaillé, avec les élèves, les deux faces de la bannière.

Une histoire qui se lit sur la bannière puisque les lycéens ont pu distinguer que ce nouveau nom, brodé sur fond vert, avait été ajouté à la bannière originelle dont la particularité est d’être décorée des deux côtés. Entre « L’Espérance » et l’inscription « Fanfare de Lavaveix-les-Mines », ils ont décrypté le signe héraldique de la bonne foi, ces deux mains qui se serrent. Le dos de la bannière, destiné à être vu par les musiciens lors des défilés, porte, lui, la mention « Tout pour l’union et le travail ».

Tissus déchirés ou râpés, médailles ternies, pommeaux écaillés : « Textile, métal, bois : trois corps de métier devront intervenir pour restaurer cette bannière », a résumé Philomène Vuillard.

Un corbillard à Saint-Pardoux-les-Cards

« C’est un beau corbillard, pas une simple carriole » estime Géraldine Thévenot, conservatrice des antiquités et des objets d’art auprès du département de la Creuse. C’est vrai que le corbillard hippomobile qui sommeille dans une grange de Saint-Pardoux-les-Cards est à la fois une antiquité et un objet d’art. Une antiquité parce qu’il a été construit à une date qu’on ignore, probablement au XIXe siècle, par un certain M. Bellegy qui devait être charron à Chénérailles. Et un objet d’art qui témoigne d’une époque disparue.

Selon les dires de Joëlle Marceau et de Michel Dechaud, les deux adjoints au maire qui ont accueilli les lycéens, il a tout de même servi jusque dans les années 1970, décennie où les voitures automobiles des entreprises de pompes funèbres ont pris définitivement l’avantage.

Les lycéens voteront-ils pour abonder le budget qui permettrait de sortir le vieux corbillard de la grange ?

Il est probable qu’il en sera toujours ainsi. Si la municipalité cherche à restaurer le corbillard, c’est surtout pour le conserver, sans doute pas pour le réutiliser (« à moins qu’il y ait des demandes » souffle M. Dechaud en aparté…).

D’ailleurs, les élus réfléchissent à un lieu où il pourrait être exposé. Si ses structures paraissent saines, le corbillard montre beaucoup de fatigue dans ses ornements.

Pas de doute, si, après être passé dans les mains de nombreux corps de métiers, le corbillard revit, il reviendra de loin. Ce qui réjouit Annouck Rousselin, professeure au lycée, qui souligne qu’il s’agit « d’une pièce de patrimoine que l’on n’a pas l’habitude de voir ».

Un monument aux Morts à Chénérailles

Le monument aux Morts de Chénérailles est dû au ciseau de Paul Graf. Un sculpteur dont l’histoire n’a pas retenu le nom, bien que certaines de ses œuvres figurent au Musée d’Orsay, comme l’indique Géraldine Thévenot.

Un peu plus que centenaire, l’édifice a été inauguré le 11 novembre 1922 révèle Antoine Galindo, adjoint au maire qui dirige la visite, document à l’appui. Gageons que voici un siècle, ce monument qui présente un personnage féminin représentant la Victoire avait fière allure. Ce n’est plus le cas : le mal principal vient que voici quelques années la municipalité d’alors a fait revêtir le monument d’une peinture acrylique. Croyant le protéger, les promoteurs de cette rénovation ont commis une funeste erreur : la peinture « mange » le monument et, jour après jour, l’effritement gagne du terrain.

Le temps n'était pas très clément pour découvrir le monument. Sous la conduite de M. Galindo (à droite sur la photo), les lycéens ont ensuite gagné la maison de la culture où ils ont pu se restaurer.

De plus, à l’origine, les 59 noms des morts de la Grande Guerre étaient gravés sur le monument. Ils ont été ensuite reproduits sur des plaques de marbre noir pas du tout en harmonie avec le reste du monument, ce qui désole particulièrement M. Galindo.

Lycéenne, Soane livre son diagnostic : « Il faudrait le nettoyer pour le remettre au propre avec l’aide de personnes compétentes », juge-t-elle en insistant sur les détails, comme « remplir les vides pour cacher les fissures ». Elle préconise également d’enlever les plaques de marbre noir pour les fixer sur une stèle à créer à côté du monument. Sa condisciple Sarah préconise, elle, d’élever « un préau qui tienne la route » pour protéger le monument centenaire.

Quatre tableaux à Moutier-Rozeille

Les 23 élèves du lycée agricole d’Ahun ont débarqué du car place de l’Eglise où ils ont été accueillis par le maire, Jean-Paul Burjade. Sans attendre, armés de cahiers ou feuilles volantes, les lycéens ont investi la salle du Conseil de la mairie où ils ont pu découvrir quatre tableaux dénommés Les Quatre saisons, de Madeleine Lukas, peintre, illustratrice.

Jean-Paul Burjade maire, a raconté aux élèves du lycée agricole d'Ahun, l'histoire des tableaux accrochés à la mairie.

Ils se sont approchés pour mieux analyser les œuvres et les décortiquer sous tous leurs aspects, ont pris des notes et ont interrogé. Et le maire a raconté. « Pendant la Seconde Guerre mondiale, François Tabard, manufacturier de tapisserie à Aubusson, a accueilli pendant plus d’un an, Madeleine Lukas, réfugiée. En remerciement, cette dernière lui a fait cadeau des tableaux qu’il a exposés dans la salle de la mairie dont il fut maire de 1947 à 1969 ».

Les élèves ont relu et comparé leurs notes.

Décrochées par les édiles suivants, les œuvres ont été entreposées dans le secrétariat de mairie. En 2008, lorsque Jean-Paul Burjade a pris ses fonctions, les Quatre saisons sont revenues orner la salle du conseil.Lise, Gaëtan, Ornella, Noémie, Louna, qui ont été tirés au sort pour parler plus tard de ces œuvres, lors d’un concours d’éloquence, remarquent déjà en vrac : « C’est bien on voit la joie sur les personnes », « vu de près ça fait plus brouillon que vu de loin », « c’est une représentation inhabituelle… », « … Oui mais c‘est ça qui est bien ».

Une fontaine au Moutier-d’Ahun

Pour la cinquième étape de cette journée découverte du patrimoine et la cinquième œuvre choisie, les lycéens, leurs professeurs et Philomène Vuillard de La Sauvegarde de l’art français ont retrouvé, dans les locaux de la Métive, Guy Cathelot, le maire du Moutier-d’Ahun, ainsi qu’Éric Redon, conseiller éducation artistique et culturelle à la DRAC.

Accompagné du cantonnier, Guy Cathelot, maire du Moutier-d’Ahun, a examiné la fontaine avec les professeurs et élèves.

Le « joyau » pressenti pour être restauré est la fontaine se trouvant dans les jardins de l’association. Après avoir évoqué l’histoire du bâtiment – un ancien moulin nommé moulin de l’abbaye – le maire lors d’une passionnante allocution est revenu sur celle de la fontaine : « Il apparaît donc que la fontaine a été démantelée par son propriétaire antiquaire entre 1983 et le moment de son acquisition par la commune en 1989. Je pense qu’aujourd’hui, la colonne et ses vasques doivent orner une fontaine quelque part en France, ou même à l’étranger, ce que l’on ne peut, hélas, que regretter ».

L’élu a ainsi participé à l’enquête et invité les élèves à regarder les photos anciennes qu’il a pu trouver. Eric Redon a également pris la parole pour saluer l’initiative, donnant des pistes de recherches aux jeunes.

Guy Cathelot, maire du Moutier-d’Ahun, Carine Chaulet, professeur documentaliste, et les élèves ont regardé les anciennes photos de la fontaine.

Philippe Aufort, l’écrivain chargé de l’un des deux ateliers prévus, est enfin intervenu pour dire son enthousiasme et annoncer aux lycéens le programme : laisser parler leurs imaginaires et en faire un livre. Les adolescents se sont regardés, ont ri et ouvert de grands yeux… Puis sont enfin sortis pour contempler l’objet de toutes ces attentions, et dont la beauté est vantée par les artistes en résidence, comme l’a évoqué Camille qui travaille à la Métive. Une source d’inspiration en somme, qui aura peut-être la chance d’être l’heureuse lauréate du concours.