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Октябрь
2024

La Creuse est toujours l'un des départements les moins pourvus en médecins de France

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Après la publication de l’Atlas de la démographie médicale, Nathalie Dalby, présidente du Conseil de l’ordre des médecins de la Creuse, livre son analyse sur la situation locale. Le département reste l’un des plus en difficulté en France, où les spécialistes se font de plus en plus rares.

1. L’un des départements les moins pourvus de France

En Creuse, les derniers chiffres évoquent 166 médecins en activité régulière, pour 100.000 habitants. Quand la moyenne nationale flirte avec 300. Soit une baisse d’environ 27 % des effectifs depuis 10 ans. « Que l’on parle du libéral ou des hôpitaux, les conditions d’exercice en Creuse restent extrêmement tendues. Les médecins ne peuvent plus absorber les demandes de nouveaux patients », constate Nathalie Dalby, présidente du Conseil de l’ordre des médecins en Creuse. La population de plus en plus vieillissante est pourtant demandeuse d’une offre de soins. Dans un même temps, l’âge moyen des médecins en Creuse ne fait qu’augmenter. Atteignant presque 56 ans, lorsque la moyenne nationale n’est que de 50 ans. « La proportion de praticiens de moins de 40 ans est assez faible et ne compense pas les départs à la retraite. D’autant plus que dans les deux années à venir, ils s’annoncent nombreux. Des praticiens à la retraite donnent de leur temps en Creuse, ça arrive. » Le constat est tout aussi alarmant pour les médecins généralistes. La Creuse n’en compte que 96,6 pour 100 000 habitants (149 en Haute-Vienne). Soit une baisse de 34,2 % depuis 2010.

 

démographie médicale en Creuse 

Heureusement que des praticiens de cliniques ou du CHU de Limoges font des vacations à Guéret ou Aubusson. 

2. Des spécialistes qui s’évaporent du département

L’offre de spécialistes est tout autant dégradée. Ils ne représentent que 60,3 médecins pour 100.000 habitants. Contre 134,3 en moyenne en France. En Creuse, tous les spécialistes manquent à l’appel. En dermatologie, 1,7/100.000 hab en 2010, et 0 en activité régulière selon les derniers chiffres de l’Atlas. Chez les ophtalmologues, les effectifs ont chuté de 82 %. Passant de 5/100.000 hab, à seulement 0,9 cette année. De 8,3 à 6 pour les cardiologues. Seuls les gynécologues obstétriques ont gagné en effectif. De 0,8 à 2,6 en activité régulière. Néanmoins trop peu face aux besoins. « Heureusement que des praticiens de cliniques ou du CHU de Limoges font des vacations à Guéret ou Aubusson. Il y a une réelle désaffection des spécialistes pour le territoire. Même si c’est trop peu, et que les délais de rendez-vous s’allongent, sans eux, je ne sais pas comment on pourrait fonctionner. » Rien qu’à Guéret, l’hôpital affiche une longue liste d’offres d’emploi sur son site internet. Deux sages-femmes, un radiologue, un pharmacien, un pédiatre, un ORL, un gynécologue ou encore un anesthésiste. « Il fonctionne pourtant bien, même si les urgences doivent fermer régulièrement par manque de personnel ou de professionnels de santé momentanément absents. Heureusement, les médecins qui y travaillent sont très investis. »

3. Des inégalités territoriales, un manque d’attractivité

« L’absence d’hôpital universitaire ne nous arrange pas les choses. Ces derniers temps, on a connu plusieurs mois sans inscription de jeunes médecins . Et lorsqu’il y en a, ce n’est jamais assez. Les jeunes veulent s’installer en réseau, ne pas travailler seul. Lorsqu’on voit la tension ici, ils prennent peur. Ils ne s'imaginent pas passer leur journée à consulter sans savoir quand ils vont débaucher. » Sans surprise, la Creuse est toujours moins attractive que la côte Atlantique, très plébiscitée. Formant de réelles disparités. Le plan d’attractivité du département, “Avec nous, dîtes 23”, vient d’être mis au goût du jour pour la période 2024-2026. Il va se fixer trois axes de travail : Favoriser l’installation d’étudiants, de professionnels de santé en accompagnant les projets professionnels et personnels et participier à certains financements.Dans un autre temps, l’effectif des médecins en activité à diplômes étrangers entre 2010 et 2024 a fortement augmenté. De 28 à 55 médecins en Creuse (+82,1 %). « Ils ne restent souvent pas longtemps. C’est un tremplin pour eux. Mais heureusement qu’ils sont là. Sans eux, plusieurs structures ne fonctionneraient pas. Loin des idées reçues, les instances ne veulent pas de médecins étrangers formés au rabais. Ils passent des équivalences. Elles reconnaissent leurs qualifications professionnelles. »

Lorsque les urgences fonctionnent en état “dégradé” à Guéret, les structures périphériques sont prévenues. Que ce soit l’Indre, ou l’Allier. Il y a une réelle solidarité qui est née

4. Chez les voisins, de grandes difficultés aussi 

Même si les départements limitrophes ne sont pas les plus pourvus non plus, la Creuse a tissé un réel lien avec les structures médicales alentours. « On le voit, de nombreux Creusois n’hésitent plus à se déplacer à Limoges, Montluçon, ou sur des communes limitrophes. Lorsque les urgences fonctionnent en état “dégradé” à Guéret, les structures périphériques sont prévenues. Que ce soit l’Indre, ou l’Allier. Il y a une réelle solidarité qui est née depuis quelque temps. C’est assez important. » Dans l'Indre, par exemple, la situation est encore plus dégradée qu’ailleurs. Les chiffres donnent le département comme le moins pourvu en médecins de l’Hexagone. Seuls le Puy-de-Dôme ou la Haute-Vienne, parfois l’Allier et la Corrèze restent mieux lotis. Les Creusois s’y ”réfugient”. Même si chez les voisins, le désert médical prend lui aussi un peu plus d’ampleur chaque année.

Pacôme Bienvenu

Question à... Nathalie Dalby. Médecin et présidente du Conseil de l’ordre des médecins de la Creuse.

Quel bilan faîtes-vous de cette nouvelle étude démographique ? La Creuse y est trop souvent citée, mais pas pour les bonnes raisons. Ce n’est pas une situation viable, ni pour les medecins, ni pour la population. Les prochaines années risquent aussi d’être compliquées.  Les médecins souffrent aussi de cette situation ? Bien sûr. Il n’est plus possible de partager le travail, qui s’accumule. En Creuse, certains praticiens en tombent gravement malade. Sont fatigués. Se prennent souvent des remarques quand ils ne peuvent pas accueillir un nouveau patient. Ils font de leur mieux, je vous assure. Comment en est-on arrivé ici ? Malgré le travail sur l’attractivité, la Creuse n’est pas le premier territoire qui attire. Même ceux qui ont des attaches ne reviennent pas forcément s’y installer. Simplement parce qu’ils peuvent travailler n’importe où ils veulent. Les jeunes de bonnes conditions de travail, un bon cadre de vie. Ce qui est difficile de promettre dans cette situation.Et à l’avenir ? Il faut que cet esprit fraternel entre les médecins perdure. Cela va être très dur, même avec la nouvelle réforme qui prévoit de former plus demédecins. Cela prend 10 ans. On ne verra pas l’amélioration demain. Les départs à la retraite sont inquiétants. En libéral, comme à l’hôpital.  Propos recueillis par Pacôme Bienvenu