L'orgue romantique "ressuscité" grâce à la persévérance d'un passionné
Des notes s’échappent de l’église de l’Assomption de Vergongheon, en Haute-Loire. Ange-Marie, 11 ans, fait danser ses doigts agiles sur le clavier de l’orgue romantique de 1951. Au premier abord, la présence de la musicienne et de l’instrument n’a ici rien d’extraordinaire. Et pourtant, c’est un petit miracle. Car, cet été encore, le chœur de l’édifice roman était vide et la seule musique entendue ici-bas était celle d’un enregistrement.
Soins chirurgicauxL'orgue est jouable mais pas encore complet. Yannick Colmont doit encore se rendre en Alsace pour récupérer une douzaine de tuyaux.Dimanche 15 septembre, l’orgue, resté silencieux depuis vingt-quatre ans, a accompagné son premier office religieux. Une messe inoubliable pour Yannick Colmont, l’organiste de l’abbatiale d’Issoire, à l’origine de la "résurrection" du Merklin Kuhn.
Il n’avait pas sonné depuis l’année 2000, c’est un vrai bonheur que l’orgue puisse reprendre vie, qu’il soit utilisé à ce pour quoi il a été construit
, confie le musicien qui l’a sauvé de l’oubli en 2020 après en avoir fait l’acquisition. L’orgue, dont il ne subsiste qu’une dizaine d’exemplaires dans le monde, avait été perdu de vue et prenait la poussière dans la chapelle de l’Institut des jeunes aveugles de la rue des Roses, à Clermont-Ferrand. Le Merklin Kuhn est alors démonté pièce par pièce et conservé dans une grange près de Billom.
Finalement, il rejoint quelque temps plus tard la nef unique de la chapelle de l’hôpital Paul-Ardier d’Issoire. Un lieu propice à une longue convalescence. La console électropneumatique, fonctionnant à l’aide d’un moteur électrique, les sommiers, les porte-vent, les tuyaux… chaque organe de l’instrument fait l’objet d’un diagnostic et de soins particuliers. Puis, avec l’aide précieuse de Benoît Juillard, spécialiste de la restauration d’instruments à vent, et après 400 heures d’un travail chirurgical, Yannick Colmont touche enfin au but.
Un outil pédagogiqueL'instrument a nécessité 400 heures de travail pour sa restauration et sert désormais à l'apprentissage des jeunes élèves.Mais un nouveau rebondissement vient s’écrire sur la partition. Le chantier de rénovation de l’hôpital exige le déplacement du Merklin Kuhn. Mais pour quelle destination?? L’organiste, titulaire du grand orgue de l’abbatiale Saint-Austremoine, part en quête d’un nouvel édifice pour son protégé.
L’information voyage au sein de la paroisse des Monts et des Mines, à cheval sur les départements altiligérien et puydômois. Finalement, Jean-Paul Pastourel, maire de Vergongheon, le diocèse et le curé Stéphane Smoch, acceptent de recueillir l’orgue. Le déménagement a lieu le 19 août. Deux semaines ont été nécessaires pour le remonter et lui redonner un second souffle.
On peut en jouer, mais je dois encore me rendre en Alsace afin de récupérer 12 tuyaux, les basses, pour qu’il soit complet
, note l’organiste qui donne d’ores et déjà des cours à de jeunes élèves.
Retour sur la scène liturgique"Il sonne bien !", avoue Ange-Marie qui, en attendant qu’une place se libère à l’École de musique d’Issoire, suit l’enseignement prodigué par Yannick Colmont. "C’est un très bel outil pédagogique, poursuit-il. Le toucher sensitif est différent du piano, ça impose d’avoir une plus grande rigueur, une meilleure maîtrise des doigts et de précision dans le jeu." Point d’orgue de ce retour sur la scène musicale liturgique, dimanche 3 novembre aura lieu l’inauguration qui, comme le veut la tradition, s’accompagnera d’une bénédiction. Alléluia?!
Yannick Colmont donne aussi des cours sur le grand orgue de l'abbatiale d'Issoire. Restauration de la chapelle du centre hospitalier. Si, le temps des travaux de modernisation et d’agrandissement de l’hôpital Paul-Ardier, la chapelle fait office de lieu de stockage, viendra le moment d’une restauration complète dont le financement reste à trouver. C’est dans ce but qu’une association devrait prochainement voir le jour. Mais ce n’est pas tout. "Cela permettra aussi de sauver un autre orgue, actuellement en Belgique, pour l’installer dans la chapelle et proposer la musique aux patients du service long séjour", annonce Yannick Colmont.
David Allignon