La chronique du temps présent d'Emma Becker vous invite à découvrir la naissance d’un vrai méchant
Il rôde dans le cinéma d’horreur indépendant une nouvelle figure propre à vous redonner l’envie d’aller au cinéma. Voilà longtemps que les aficionados du genre attendaient un méchant digne de s’asseoir à la table de Leatherface ou de Freddy Krueger ; ces gens bien informés n’auront pas pu rater, en 2017, l’apparition d’Art le clown, dans un film à petit budget du doux nom de Terrifier.
Un clown tueurAu début, on se méfiait : un clown tueur, on avait déjà vu ça mille fois. Dans ce premier Terrifier, Art le clown, sorte de mime peint de noir et blanc, promène sa bobine angoissante dans une ville attifée pour Halloween. Dans un sac poubelle, des instruments rouillés qui parlent à sa place. Encore un slasher, me direz-vous. Certes, mais un slasher honnête et truculent, ça ne court pas les rues. A peine remis, on se disait que Damien Leone, le réalisateur, méritait notre entière attention.
Trouvailles et référencesEn 2022, Terrifier 2 est un ravissement ; le film est une débauche de trouvailles géniales, émaillé de références aux classiques dont est nourri Leone – et le véritable miracle, ce sont les effets spéciaux et le maquillage. Donner au public envie de vomir, c’est facile – ça ne demande aucun génie.
Provoquer des malaises, faire sortir des gens d’une salle de cinéma, c’est déjà moins évident, or c’est exactement la publicité qui est venue accompagner la sortie de Terrifier 2.
Un bain de sang rouge vifEt c’est vrai que les meurtres sont graphiques, retors, qu’on a parfois envie de se cacher les yeux, mais on le fait en gloussant, et très vite on patauge dans ce bain de sang rouge vif, dans ces mannequins saccagés, avec la même jubilation qu’Art le clown et son réalisateur. Parce que ça n’est pas réaliste ; parce qu’ici l’ultra-violence, les mauvais rêves, la tension narrative sont solaires, témoignent d’un tour de force de gamins trop doués ravis de renouveler un genre en perte de vitesse.
Sadisme désopilantJe me suis ruée en salle pour voir le troisième volet ; ici, Art vandalise les fêtes de fin d’année, grimé en Père Noël, la barbe sanguinolente d’une victime scotchée au menton. On nous promettait des meurtres encore plus tordus : là, c’est un chef-d’oeuvre de créativité et de sadisme désopilant, la photographie est superbe, l’image toujours aussi rétro, et on ne quitte qu’à regret ce clown qu’on devrait haïr et cette équipe, derrière, qui prend tant de plaisir. Il y a, dans cette démonstration d’industrie et de vitalité, beaucoup du Braindead de Peter Jackson. On ressort de là avec la sensation d’avoir assisté à l’émergence d’une nouvelle légende – et forts d’un espoir : que Leone creuse plus avant ce sillon inédit, entre éclats de rires, coups de coude d’initiés et vapeur chaude de faux sang et de bidoche joyeuse. Tous en salle, donc !
Emma Becker
Les chroniques du temps présent s'inscrivent dans la tradition créée par Alexandre Vialatte.