ru24.pro
World News in French
Октябрь
2024

Le gouvernement veut leur prendre 2 milliards d'euros : "Huit départements sur dix seront en faillite dans un an"

0

Il a rencontré Michel Barnier, longuement, tentant d’infléchir une orientation du Projet de loi de finances 2025 qui va provoquer une situation « intenable » pour les finances des collectivités départementales. Un choix d’autant plus incompréhensible pour François Sauvadet, président (UDI-Côte-d’Or) de Départements de France, qu’il alerte « depuis de longs mois » sur la « dégradation extrêmement rapide » de la situation budgétaire des 103 départements français.

Quel effort vous demande le gouvernement pour redresser les comptes publics ?

Je l’ai dit au Premier ministre, “Nous sommes conscients qu’il faut faire bouger les choses mais nous ne pouvons pas supporter à nous seuls 40 % des 5 milliards d’euros qui sont demandés aux collectivités”.

Ce qui est incompréhensible, c’est que Michel Barnier a dit qu’il fallait préserver les plus précaires. Justement, c’est nous qui sommes en première ligne avec la protection de l’enfance, le maintien à domicile des personnes âgées, l’insertion, le monde du handicap. Et ces dépenses sociales ont explosé. Elles représentent aujourd’hui 70 % du total de nos dépenses.

Quels leviers budgétaires pourriez-vous actionner pour compenser cette ponction ? 

Aucun. Nous sommes pieds et poings liés par les dépenses sociales imposées par le gouvernement et par des ressources qui sont fixées par ce même gouvernement et qu’il souhaite aujourd’hui ponctionner.

Les allocations individuelles de solidarité sont des dépenses non pilotables. C’est l’État qui en fixe les bénéficiaires et qui en fixe les montants, qui continuent d’augmenter.

Nous n’avons plus de recours à l’impôt. Au foncier bâti, on nous a substitué de la TVA en nous laissant entendre que ce serait une ressource « tonique ». Et aujourd’hui, on vient taxer cette compensation. On va nous prélever 2 % sur toutes nos recettes. On a une double peine. Nous sommes dans une impasse totale.

Faudra-t-il « sacrifier » certaines de vos missions ? 

Que doit-on faire ? Remettre en cause l’aide aux collégiens ? L’aide aux personnes dépendantes ? Aux demandeurs d’emploi ? Aux pompiers ? Doit-on arrêter d’entretenir nos 378.000 kilomètres de routes départementales ? D’aider les communes ?

Nous sommes à la fois en charge du social et nous sommes les premiers partenaires du monde rural. Nous ne défendons pas nos boutiques, les départements c’est une vision de la France, c’est de la solidarité sociale et territoriale.

Nous consacrons 10 milliards d’euros à la protection de l’enfance, c’est 30 % de plus qu’il y a dix ans. On a trente départements qui n’ont plus de pédopsychiatres, on fait comment ? On se sent bien seuls. Toute la société est confrontée à des violences juvéniles et l’État envisage de baisser les effectifs de la Protection judiciaire de la jeunesse.

Si ce n’est pas chez vous, où prendre alors l’argent ?

Le Premier ministre a pleinement conscience de la situation. Il est l’héritier d’une situation budgétaire catastrophique. Nous ne sommes pas responsables de ce déficit. Nous sommes au contraire la solution pour agir mieux pour les Français. Il faut réinterroger le fonctionnement de l’État qui veut se mêler de tout et cela crée des doublons.

Le couple qui fonctionne aujourd’hui dans notre démocratie, c’est celui formé par les communes et les départements. Il a fait la preuve de son efficacité en temps de crise.

Les départements sont l’échelon de l’action au quotidien. Il faut se réinterroger sur le fonctionnement des agences de l’État, elles sont 1.200 et consomment entre 80 et 100 milliards d’euros par an.

Les effectifs de nos agents ont baissé d’environ 20.000 agents depuis vingt ans. C’est 30 % de moins malgré les transferts de compétences. La part des dépenses de personnels est restée stable.

Si le PLF 2025 passe tel quel, comment vos collectivités encaisseraient-elles le choc ?

Il y a aujourd’hui 30 % des départements qui sont en difficulté. Si ces mesures s’appliquent, dans un an, 85 % ne pourront pas faire face à leurs engagements. Nous versons les prestations chaque mois et nos ressources baissent chaque mois, quand par exemple le marché de l’immobilier chute, nous perdons des droits de mutation.

À l’unanimité, nous demandons à l’État de renoncer à ce prélèvement supplémentaire et de régler dans la durée la question des ressources des départements confrontés à tous les sujets de société. À défaut, la perspective serait la destruction massive d’un échelon qui est essentiel au socle républicain.

Recueilli par Julien Rapegno