En Creuse, "la laine est considérée comme un déchet de l'élevage"
Tout commence dans l’assiette. Généralisable à l’ensemble des êtres vivants, cet adage semble être aussi de mise lorsqu’il s’agit de la filière laine. Car « la base de la laine, c’est l’élevage », explique Constance Fauchet, chargée de valorisation du patrimoine pour l’association Felletin Patrimoine Environnement. La qualité de la laine va donc dépendre des conditions d’élevage des bêtes, de leur nourriture, comme pour la viande. Mais là ce qui est en jeu, c’est le soyeux, le duveteux, le laineux finalement. « Avant d’arriver sur les Champs (Elysées), il y a l’étable », continue Constance Fauchet, et c’est sûrement à partir de là que tout l’enjeu de la filière laine se joue et va se jouer pour les années à venir.
La filière laine sur le fil du rasoir??D’ailleurs, « la laine est encore considérée comme un déchet de l’élevage » informe Lise Rolland, du collectif Les Bergères s’emmêlent en Creuse. Cette dernière, qui possède « le point de vue d’une éleveuse qui a de la laine toute l’année devant elle » sait qu’il faut « souligner le travail des éleveurs et l’importance des bonnes conditions d’élevage », et prendre conscience que :
« Il y a aussi un ras-le-bol, aujourd’hui, les éleveurs n’existent plus. Ils stockent la laine ou ils la brûlent »
La transformation de la laine coûte effectivement chère, ainsi que le transport. Il n’y a que deux laveries en France pour traiter environ 15.000 tonnes de laine chaque année.
C’est souvent dans les étapes qui suivent la tonte que la filière laine connaît des difficultés. Même si tout le monde possède un petit pull en laine dans son armoire, « aujourd’hui, les éleveurs vendent difficilement leur laine » avertit Jacques Chabrat, président de Felletin Patrimoine Environnement. Cette difficulté « vient sûrement du fait qu’il n’y a pas beaucoup de laveries » poursuit le président, pour laver et rendre la laine propre au filage et à l’emploi.
« La tonte est d’à peu près 2 € par mouton, sachant que la pelote de laine est à 0,15 centime le kilogramme »
Des chiffres qui montrent bien la difficulté à valoriser ce « déchet » en produit fini.
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Des éleveurs valorisant leur laine et leurs bêtesMais de ce constat la sonnette d’alarme n’est pas tirée, l’éleveuse creusoise y croit encore, « sinon je ne serai pas là, même si ce n’est pas simple » assure-t-elle. Pour vivre, Lise Rolland vend aussi de la viande, car seulement de la filière laine elle ne pourrait pas. Il faudrait « arriver à faire des choses un peu plus globales, mutualiser, et mettre en commun » propose l’éleveuse.
« Lainamac est déjà un énorme soutien dans ce processus-là de valorisation, de suivi et de formation dans la filière laine
D’autres y croient aussi, comme Caroline Cizeron, éleveuse d’alpagas dans la Loire à la ferme de Kalmia. A côté d’elle, se dressent deux têtes frisées, une blanche et une marron, Joyau et Acajou, deux de ses alpagas. Ils peuvent être rassurés car « je les élève uniquement pour leur laine » confirme l’éleveuse. Et puis « je ne suis pas une business woman, je ne cherche pas à faire du chiffre » rappelle-t-elle, car son élevage ne lui rapporte pas d’argent.
Caroline trouve son épanouissement dans tout autre chose, déjà dans son autre métier, assistante d’éducation, qui lui permet d’avoir un salaire, mais surtout dehors, dans les prés, en s’occupant de ses animaux. Elle tricote aussi, sa laine pour en faire des produits finis. Dans son métier de passion, la valorisation de son produit est aussi importante que le bien-être de ses animaux.
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Prendre soin de ses petites bêtes fait aussi écho à Lucile et son Toupet de Panpan. Elle a choisi de produire de la laine 100 % lapins angora dans la Marne. « Je m’occupe d’une vingtaine de lapins, c’est un petit élevage, on peut leur donner des prénoms, c’est une autre dimension », confie-t-elle, et chez elle « les lapins meurent de vieillesse ». Ses lapins sortent même un peu la journée. L’éleveuse a choisi les lapins car elle peut tisser un lien avec eux, mais aussi pour la douceur de leur fibre.
Avec sa production de laine angora, elle arrive donc à un volume « assez suffisant pour faire des pulls ».
« les lapins produisent plusieurs fois par an, comparé à un mouton qui n’est tondu qu’une fois »
Comme d’autres éleveurs, elle ne lave pas sa laine, mais en ce moment, l’éleveuse apprend la teinture végétale pour la réaliser à terme seule. « J’aurais aimé tout faire mais je préfère maîtriser la transformation et l’élevage avant de faire autre chose, c’est progressif » livre-t-elle. Et la filière laine c’est un peu pareil, la prise de conscience de l’importance de cette matière et de sa valorisation est progressive.
Site internet : Les Journées de la Laine
Texte : Marie Le MauxPhotos : Camille Moreau