Quels sont les vins et le cidre préférés de nos journalistes ? Et pourquoi ?
Ces bouteilles ont été testées et approuvées. Voici quatre nouveaux "crus" choisis avec soin par nos journalistes parmi les vins et cidres préférés de la rédaction :
Ce qu’en dit Madame PlacardQui saura trouver métras ? D’abord, la quête. Longue. N’espérez pas dénicher une quille d’Yvon Métras sous le comptoir du premier caviste venu. L’homme est rare, ses vins distribués au compte-gouttes. Qui tombe sur l’un de ses flacons, en beaujolais ou fleurie, dont il est l’un des princes depuis la fin des années 80 avec Lapierre et Chauvet, doit d’abord apprendre la patience. Un Métras peut dormir de longues années en cave. Une fois débouché, tout réside dans l’approche.Un monde de velours. Voici la cuvée dite d’entrée de gamme, Madame Placard (23 euros). Au moins une heure d’ouverture est recommandée. Des notes animales appuyées sur un parfum de cuir gêneront les nez chatouilleux. Là encore, ne pas se presser et prendre soin d’oxygéner le vin pour qu’il s’apaise. Le style Métras tient dans un toucher de bouche unique, soyeux et délicat. Le gamay trouve ici une déclinaison rare, drapée dans un monde de velours égayé de minuscules fruits rouges. Balade en forêt. Madame Placard a enfin trouvé la clé et file d’un pas résolu en forêt un matin d’automne. La terre colle aux semelles. Il est des souvenirs de vins qu’on n’oublie pas. Métras en est, toujours. À accompagner d’un jambon braisé et d’amis assez éveillés pour savoir que le beaujolais fait aujourd’hui des merveilles. Pour ceux qui veulent poursuivre l’histoire Métras, ses Fleurie jouent eux aussi une trame très douce, à laquelle ils ajoutent une matière plus sérieuse. Mais c’est encore plus dur à trouver.Stéphane Vergeade
Le doux maury de JorelQuestion d’équilibre. Souvent, tout est question d’équilibre. On n’y prête pas toujours assez d’attention car la particularité du bon équilibre dans le vin… c’est de passer inaperçu. Comme une gentillesse du vigneron, qui soigne tous les éléments qu’il convie dans sa bouteille. Cela nous laisse à penser que Manuel Jorel, depuis ses vignes de la haute vallée de l’Agly, entre Corbières et Pyrénées, doit être un sacré gentil. Son maury, année 2017, réussit l’harmonie délicate entre alcool (16° pour ce vin doux naturel) et fruit, qu’il garde vivant et onctueux.Respect de la nature. Amoureux de son terroir parfois escarpé et respectueux de sa terre caillouteuse, en bio depuis ses débuts il a vingt ans, Manuel Jorel travaille à la main, avec un parcellaire fragmenté, donc riche de sa diversité. Son maury VDN et ses autres vins profitent même d’une belle cave enterrée, dans le bourg de Saint-Paul-de-Fenouillet. Fidèle à une philosophie proche de la nature, il a la main très légère sur les sulfites, juste le minimum pour ne pas prendre de risque.Muté en douceur. Le vin doux naturel est muté (ajout d’alcool) sur grains et Manuel Jorel retarde au maximum la vendange, pour limiter cet apport d’alcool. Puis le vin est élevé en demi-muids durant trois ans. Dans le verre, c’est un rubis dense qui séduit l’œil, et des notes de cerises bien mûres qui caressent le palais. Ce vin aime sans doute le salé-sucré, les fromages, un joli flan pâtissier aussi. Le vigneron est présent dans quelques salons, Primevère en mars à Lyon, Ecovino dans le Puy-de-Dôme en avril, la Levée de Loire (professionnels) à Angers en février. Son maury est facturé 19 euros.Philippe Cros
La foire au beaujo’Un trésor en rayon. Ennuyeuses, les foires aux vins ? Convenons qu’à trop jouer dans la cour des grands bordeaux, les rayons des hypers sont plus caisses en bois et crus classés que pépites rocks et vins nature. Le beaujolais y est négligé. Snobé, peut-être. Trop risqué. Manque d’image, de marché et de buveurs. Faux. L’autre jour, nous sommes tombés sur un beaujo’ villages du domaine des Nugues 2018. Il en restait une cargaison. 8 euros le flacon. Un trésor à enfourner dans le chariot. Histoire de famille. La famille Gelin est installée à Lancié depuis 1976. Autour de la commune, il n’y a que des grands. Chirouble, Fleurie, Villié-Morgon. Ici, le vin est affaire de transmission. Et de soin apporté à la plante. Le domaine est certifié haute valeur environnementale. Les cuvées maison déclinent le gamay avec authenticité et racontent la terre sans tricher. Après six ans, inutile d’attendre ce beaujolais aux reflets rubis qui racontent encore le fruit joyeux.La terre sincère. Il faut ouvrir cette bouteille à l’apéro, carottes plantées dans un verre de cantine et terrine-cornichons (oui, les fins palais vont grincer...) sur le pouce. L’affaire respire la framboise et, délicieuse coquetterie finale, ose une pointe poivrée façon syrah appelant le sourire et le verre à suivre. Ce n’est pas cérébral mais plein d’images. On aperçoit une colline à l’automne, l’herbe humide, la terre sincère. Beaujo’ classique et exemplaire de ce que le coin peut offrir. Sans doute les meilleurs rapports qualité-prix du moment et cela vaut toute l’année, foire ou pas.Stéphane Vergeade
À tomber dans les pommesTerroir cidricole. Aurélien Marois est passé par des terres viticoles, notamment en Bourgogne. Mais c’est en Normandie, dans son Pays d’Auge natal, qu’il est finalement retourné auprès des vergers qui autrefois l’entouraient. Son parcours dans le vin n’est sans doute pas anodin dans les choix qui guident aujourd’hui sa production de cidre, puisqu’il a mis en bouteille tout une gamme de cuvées élaborées en parcellaires. À l’image de La Garenne, un cidre Pays d’Auge en provenance d’un coteau exposé est, sud-est.Des bouteilles millésimées. Le domaine d’Aurélien Marois s’étend sur 18 hectares à Cambremer, à une vingtaine de kilomètres des plages de Cabourg et de Deauville. Les arbres fruitiers, sous lesquels pâturent des vaches, représentent plus de sept hectares de la surface totale, actuellement en conversion. Les variétés sont locales - binet rouge, domaine, rambeau, fréquin-rouge - bichonnées et récoltées à la main. Jusqu’au chai, le Normand défend un travail « peu interventionniste ». Et comme dans le monde du vin encore, les bouteilles sont millésimées.L’accompagner. Il n’y a peut-être pas la mer derrière votre fenêtre, ni l’ombre d’un bon fromage normand un peu coulant qui patiente dans le frigo. Deux options s’offrent alors : ouvrir la bouteille où que l’on soit, à l’occasion, imaginons, d’un goûter du dimanche, un gâteau moelleux comme un oreiller pour l’accompagner. Ou partir à l’aventure. Rouler jusqu’à atteindre la route du cidre et savourer cette cuvée au milieu des vergers. Comptez une dizaine d’euros.Caroline Girard