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Октябрь
2024

L'incroyable histoire de Gérard de Suresnes, le SDF devenu star de la radio puis enterré dans l'Allier, reprend vie

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Il a fallu deux ans à Thibault Raisse pour trouver un éditeur acceptant son livre, Le Con de minuit, paru le 4 septembre dernier, chez Denoël. Le journaliste indépendant, ancien fait-diversier au Parisien, a essuyé « beaucoup de refus » pour son manuscrit racontant la vie de Gérard Cousin, dit Gérard de Suresnes, la voix de Débats de Gérard diffusés sur Fun Radio, entre 1997 et 2002.

Objectif : faire sortir Gérard Cousin de ses gonds

L’ancien chauffeur routier tentait tant bien que mal de tenir les rênes de l’émission, au milieu des cris, des moqueries, des rires et des insultes. Le but de l’équipe, emmenée par Max, animateur-star de l’ironique Star System, et les auditeurs complices : faire sortir Gérard de ses gonds. Ce que l’intéressé, qui se croyait maître à bord, faisait inévitablement.

L’homme est décédé le 6 mai 2005, à 43 ans, emporté par un cancer des poumons, et enterré à Désertines, dans le carré des indigents d’abord, avant que des fans lui financent une tombe digne de ce grand nom. Il était né le 17 juin 1961, à Puteaux (Hauts-de-Seine). « On me disait que son histoire intéresserait exclusivement ceux qui ont écouté son émission. J’ai toujours eu la conviction du contraire », explique l’auteur de 42 ans.

Montluçon par hasard. C’est une auditrice qui a conseillé à Gérard Cousin de quitter Paris pour s’installer à Montluçon. Il a emménagé en 2003 dans le bâtiment C de Fontbouillant, rasé depuis.

Enfant né dans un milieu très défavorisé

La destinée, tragique, de Gérard Cousin, contient une « dimension universelle ».

Ça parle d’un enfant de la DDASS, comment on lutte contre l’alcoolisme, on essaie de s’en sortir quand on n’a pas toutes les armes, pas l’instruction. C’est la chronique d’un type né dans un milieu très défavorisé, mort dans la solitude et la misère. On est dans la violence sociale de cet enfant qui, tout petit jusqu’à ses 18 ans, est placé, récupéré, de nouveau placé par sa mère.

Père, absent du tableau, et fils se croiseront dans un centre d’hébergement d’urgence de Nanterre des années plus tard, sans le savoir ni l’un ni l’autre…C’est un épisode bouleversant de ces pages qui se lisent comme un roman, et qui capteront bien au-delà des « Gégéphiles ». La communauté solide continue de faire vivre la mémoire de leur héros, en diffusant sur Internet l’ensemble de ses débats.

Près de trois ans d’enquête et de multiples témoins

Thibault Raisse en fait partie. L’adolescent des années 90 ne manquait pas le rendez-vous radiophonique du jeudi minuit. Les années ont passé, et l’homme a remisé cette période dans un coin de son cerveau. En 2015, en marge des attentats de novembre, tout refait surface.

Max, qui a refusé de participer au livre, était alors speaker au Stade de France. « Je me suis demandé ce qu’était devenu Gérard, et j’ai appris qu’il était décédé. Ça m’a foutu un choc. À 15 ans, je le voyais comme une super star. Il a voyagé à New York, a été le festival de Cannes, entrait dans toutes les boîtes de nuit. J’ai compris qu’un bout de l’histoire m’avait échappé et qu’il fallait que je résolve ce mystère. »Thibault Raisse, journaliste. (Photo François Berthier) 

En près de trois ans d’enquête, le journaliste a retrouvé de nombreux témoins, des membres de l’équipe, des fans, une de ses copines, Sandy. Il a surtout réussi à prendre contact avec Éliane, la première, et seule, épouse de Gérard Cousin, et leur fille, Roseline. L’ensemble des récits donne une vision complète du personnage, complexe.

Pourquoi la farce a-t-elle duré si longtemps ?

Reste une question à laquelle on n’aura jamais de réponse certaine. Pourquoi Gérard a-t-il accepté cette terrible comédie si longtemps ? Thibault Raisse a une hypothèse. 

Gérard a grandi dans une grande misère affective. Quand ce jeu cruel est arrivé dans sa vie, c’était une forme d’attention et d’intérêt. Autant on se moquait de lui, autant on sentait une grande affection. Il nous touchait. Il avait une naïveté qui confine à la poésie.

Ses vers, devenus mythiques, ont pour unique thème l’amour, sa seule quête.

Seher Turkmen