Le calvaire d'un jeune homme enlevé, séquestré et violemment frappé dans le Puy-de-Dôme
Une affaire digne du scénario d’un film sur la mafia napolitaine… C’est pourtant dans le Puy-de-Dôme que les faits se sont produits. Et filmés par les prévenus, mais pas destinés au septième art. La genèse de ce dossier apparaît en 2019, lorsque la victime et l’un des trois prévenus, Burak Keskin, étaient camarades de classe au Centre de formation d’apprentis de Clermont-Ferrand. La victime se fait dérober son téléphone par ce dernier et refuse de lui rendre. Suite à cette histoire, le prévenu est renvoyé de l’établissement.
"Tu vas payer?!"Dès lors, la victime subit du harcèlement et nombre d’intimidations. Début avril 2021, l’un des collègues de la victime, 18 ans à l’époque, lui donne rendez-vous sur le parking de Sémaphore, à Cébazat, en pleine après-midi. Il s’agit en fait d’un guet-apens. Ce jour-là, le collègue arrive avec le troisième prévenu dans une Clio. La victime grimpe à l’intérieur, mais déboule alors l’ancien camarade de classe à l’arrière du véhicule. Et le calvaire de débuter. "Tu vas payer?! Woula, tu vas payer?! Sur le Coran, j’te déchire", entend-on sur l’une des vidéos des prévenus, diffusée à l’audience. "Si on en est arrivé là, c’est suite à notre différend au CFA, confirme Burak Keskin. J’ai donné l’ordre d’aller lui soutirer de l’argent et le frapper." "Il se présente aujourd’hui dans un état d’esprit radicalement différent que lors de sa garde à vue", ajoute son conseil, Me Jean-François Canis, en défense (*).
Dans la Clio, la victime reçoit "vingt-cinq coups de poing au visage", relate le président Charles Gouilhers. De même qu’un flot d’injures et de menaces. Les ravisseurs l’emmènent au distributeur de billets de La Poste, à Blanzat, et le contraignent à retirer 300 euros. Il est ensuite reconduit à sa voiture, à Cébazat. Le visage en sang, mais surtout très traumatisé. De nouvelles menaces continuent d’affluer ensuite par SMS.
"Encore en proie à des angoisses"Quelques semaines plus tard, le 3 juin, il est 13 heures lorsque le jeune homme sort de chez lui. Le trio, toujours à bord de la Clio, passe dans la rue et s’arrête à sa hauteur.
C’est reparti pour une longue, très longue après-midi… Les prévenus l’attrapent et le force à monter dans la Renault. Direction un distributeur du Crédit Agricole pour tenter de retirer 2.000 euros. En vain, le compte en banque de la victime est vide.
Retour chez le jeune homme. Le logement est fouillé de fond en comble. Une console, des vêtements, le téléphone portable, mais surtout la voiture de la victime, une Twingo, sont dérobés. L’instigateur tente même de lui faire signer une certification de cession du véhicule. La voiture sera finalement vendue plus tard par le trio.
Mais l’après-midi est loin d’être terminée. Les agresseurs réclament encore et toujours de l’argent. Le jeune homme appelle son grand-père qui consent à lui en prêter. Le convoi se rend alors chez le grand-père et repart avec 700 euros. Mais ce n’est pas suffisant au goût des prévenus. La victime téléphone de nouveau à son aïeul, qui accepte cette fois-ci de lui prêter sa carte bancaire. Le trio parvient à retirer 1.000 euros.
Une fois l’argent réparti chez la victime, des coups pleuvent à nouveau. Il est enfin laissé chez lui, dans un état de sidération. Ses proches parviendront finalement à le convaincre de déposer plainte. "Aujourd’hui, il est encore en proie à des angoisses", explique Me Peggy-Anne Julien, partie civile. "L’instigateur" est condamné à quatre ans de prison, dont trois avec sursis probatoire. Le "collègue" écope de trois ans, dont deux avec sursis probatoire. Enfin, le "conducteur" est condamné à deux ans, dont un avec sursis probatoire.
(*) Les deux autres prévenus étaient défendus par Maîtres Marie-Emilie Hébrard et Bertrand Chautard.
Julien Moreau