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Japon: dans les campagnes, les femmes refusent d'être tenues responsables du déclin démographique

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A travers l'archipel, quelque 40% des municipalités sont menacées d'extinction selon une étude récente, en raison du vieillissement de la population et de l'exode des jeunes --notamment des femmes, soucieuses de fuir des pratiques sexistes persistantes.

Usages "obsolètes"

Ren Yamamoto, 25 ans, se dit mal à l'aise quand politiciens et médias attribuent le déclin démographique aux femmes qui s'installent dans les villes et qui n'ont des enfants que tardivement, voire pas du tout.

"Les femmes doivent-elles être tenues pour responsables?", déplore cette productrice internet habitant les montagnes de (est).

Quand elle recherchait un emploi, Ren Yamamoto a subi l'attitude "obsolète" d'entreprises locales qui imposent aux femmes de "rester en recul" en soutien des collègues masculins.

"Le Japon reste une société où les rôles hommes-femmes tendent à être figés", mais par contraste, dans des métropoles comme Tokyo, les femmes "souffrent moins de discrimination, ont plus de possibilités".

Ren Yamamoto documente sur un site web les raisons poussant les femmes à quitter les régions rurales et souhaiterait soumettre les témoignages recueillis aux autorités locales et nationales --largement dominées par les hommes: "L'image des femmes qu'offrent les débats au Parlement est loin de la réalité".

Pression

Avant de diriger aujourd'hui une entreprise de sports en périphérie de Tokyo, Akane Tanaka Schneider, 37 ans, a grandi à Niigata (nord-ouest) dans un climat oppressant.

"La communauté était sur votre dos: on m'a dit qu'à un certain âge, je devais me marier et avoir des enfants", confie-t-elle. Elle-même avait ses propres idées pour mener sa carrière et fonder une famille quand cela lui conviendrait.

"J'ai eu la chance de connaître un cadre où il semblait naturel de décider par moi-même", grâce à des périodes à l'étranger ou en travaillant pour une ONG, reconnaît-elle.

Mais "si l'on considère l'ensemble du Japon, la majorité des femmes ne semblent pas avoir cette possibilité" et sont poussées, sous l'effet des normes sociales, à se marier et à avoir des enfants.

Objet de vifs débats, la loi japonaise exige que les deux époux portent le même nom de famille --de facto, quasi-toujours celui du mari. En changeant de nom, "j'aurais l'impression qu'on me prive de ma vie, de ma carrière", réagit Akane Tanaka Schneider.

Monde politique masculin

Pour changer, le Japon a besoin de davantage de femmes en politique, juge Kaori Ishikawa, 39 ans, membre d'un gouvernement local et mère de deux enfants à Hitachi, agglomération de la région rurale d'Ibaraki (est).

Elle y a grandi avant des études supérieures à Tokyo. Après son mariage, elle est retournée à Hitachi comme femme au foyer, mais son père l'a poussée à s'engager en politique.

"La municipalité d'Hitachi encourage les femmes à élever leurs enfants ici, mais je me suis demandée si les voix des jeunes mères parvenaient aux décideurs politiques", souligne-t-elle.

Elue l'an dernier, Mme Ishikawa est la plus jeune des 24 membres de l'assemblée locale, pour la plupart des hommes âgés, à l'instar des parlementaires nationaux.

"Beaucoup de femmes pensent qu'élever ses enfants est négatif et les empêcherait de poursuivre ensuite leur carrière", leurs collègues étant promus à leur place en leur absence, soupire-t-elle. Leur expérience n'est pas reconnue "alors qu'on apprend beaucoup en élevant ses enfants".

Changer le monde des affaires

Le faible taux de natalité du Japon est une "urgence silencieuse", répète Shigeru Ishiba, qui s'est engagé à assouplir les horaires de travail pour faciliter la vie des familles.

Mais pour les jeunes générations, "les mesures habituelles de soutien à l'éducation des enfants ne suffisent pas à les convaincre de rester dans leur communauté d'origine" à la campagne, estime Keiko Kaizuma, experte en études de genre à l'université d'Iwate (nord).

Selon elle, c'est aux entreprises d'instaurer une véritable égalité hommes-femmes, en leur accordant les mêmes chances d'avancement.

Or, le monde des affaires japonais est bâti sur "un système d'ancienneté qui implique de construire sa carrière au sein d'une seule entreprise", complète Toru Nakazato, économiste à l'université Sophia (Tokyo).

Il faudrait changer cela pour "faciliter le retour des femmes sur le marché du travail sans qu'elles renoncent à leur carrière".