Maroc : la justice annule une condamnation inédite pour viol conjugal
En 2019, dans la ville marocaine de Tanger une condamnation sans précèdent avait été prise par la justice à l'encontre d'un homme pour le viol de son épouse.
Cette décision est tombée à l’eau en ce mois d’octobre. La Cour de cassation marocaine a annulé cette condamnation alors qu’une réforme du Code de la famille est en cours.
La plus haute juridiction du pays, qui a cassé le jugement de la cour d'appel de Tanger le 10 octobre, n’a pas encore rendu publiques les motivations de sa décision, mais les associations de défense des droits des femmes ont dénoncé un «retour en arrière».
La police judiciaire de Larache située dans la ville de Tanger dans le nord du Royaume, avait été saisie en 2018 d’une plainte d’une jeune femme qui dénonçait des violences ainsi qu'un viol commis par son époux.
L’enquête a été initialement ouverte par la justice pour viol, avant que l’affaire ne soit requalifiée en violences et abus conjugaux par le tribunal marocain de première instance. Le mari en question avait finalement été condamné à deux ans de prison pour «violences et abus conjugaux», sans que soit retenu le motif de viol conjugal avant que la cour d’appel de Tanger ne requalifie l’affaire par la suite en «viol conjugal».
La législation marocaine criminalise le viol par l’article 486 du Code pénal, qui ne prévoit aucune disposition consacrée au viol conjugal. Dans plusieurs pays du monde arabe, le contrat de mariage laisse la femme dans un état de consentement présumé et tout rapport sexuel non consenti entre époux n’est pas puni par la loi, à l'exception de la Tunisie.
Le viol conjugal, un tabou ?
La Tunisie, premier pays musulman à interdire la polygamie (depuis 1958) où le port du voile n’a jamais été obligatoire, est considérée, en raison du statut unique de la femme, à l'avant-garde des droits des femmes dans le monde arabe.
De surcroît, la société tunisienne connait une évolution constante relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes. En juillet 2017, le Parlement avait voté à l’unanimité une loi punissant sévèrement tout acte de violence à l’encontre des femmes ainsi qu'une modification de l’article 227 du Code pénal qui autorisait l’auteur d’un viol sur une mineure de moins de 15 ans à échapper au procès en l’épousant.
Cette loi 58 vise, selon le Code pénal tunisien à «mettre en place des mesures susceptibles d’éliminer toutes formes de violence à l’égard des femmes fondées sur la discrimination entre les sexes afin d’assurer l’égalité et le respect de la dignité humaine, et ce, en adoptant une approche globale basée sur la lutte contre les différentes formes de violence à l’égard des femmes, à travers la prévention, la poursuite et la répression des auteurs de ces violences, et la protection et la prise en charge des victimes».
Quant à la violence sexuelle, elle concerne tout acte ou parole dont l’auteur vise à soumettre la femme à ses propres désirs sexuels ou à ceux d’autrui, au moyen de la contrainte, du dol, de la pression ou d'autres moyens, de nature à affaiblir ou porter atteinte à la volonté, et ce, indépendamment de la relation de l’auteur avec sa victime.