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Октябрь
2024

De 1862 à aujourd'hui : la fabuleuse histoire de la gare de Vichy

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Vendredi 11 juillet 1862, le train avec lequel l’empereur Napoléon III entre pour la première fois en gare de Vichy arrive avec trois quarts d’heure de retard. Ça ne s’invente pas.

Les alentours de la gare de Vichy vont bientôt changer de visage

Un an plus tôt, il effectuait sa première cure dans la cité thermale. Il lui avait fallu, auparavant, atteindre la gare de Saint-Germain-des-Fossés après sept heures sur les rails, puis grimper dans une calèche pour une heure de route mouvementée. Sans doute l’étape de trop pour l’empereur : il donne dès lors l’impulsion qui manquait pour doter la cité thermale de sa propre station ferroviaire.Estampe de la gare de Vichy en 1862, Vichy sous Napoléon III Clerget, Hubert (1818-1899), archive Fond patrimoniaux Ville de VichyReproduction de l'arrivée de Napoléon III en gare de Vichy, lors des Fêtes Napoléon en 2024. Photo Renaud Baldassin

Un impératif concurrentiel

Dans les cartons depuis 1848, lorsque le conseil municipal en formule la demande pour la première fois, la gare de Vichy est avant tout pensée pour être touristique. Pour Napoléon III, qui cherche une ville d’eau qui concurrencerait les grandes stations thermales allemandes, la desserte ferroviaire est un impératif.Gare de Vichy en 1862, estampe de Bertrand, Joannès (1823-1887), archive Fonds patrimoniaux Ville de Vichy

L’architecte Denis Darcy et l’ingénieur en chef de la compagnie du PLM (Paris Lyon Méditerranée) pour les lignes du Bourbonnais, Pierre-Dominique Bazaine, se mettent à l’ouvrage fin 1861. La décoration du bâtiment est, elle, confiée au sculpteur Flandrin et au peintre Eugène Lacoste. Car il faut sortir le grand jeu pour cette halte destinée à accueillir le grand monde et les plus hautes autorités qui suivront l’empereur en visite diplomatique, en cure thermale, ou les deux.Estampe gare de Vichy 1864, le salon d'été, Chemin de fer du Bourbonnais, archive Fonds patrimoniaux Ville de Vichy

Prévu pour accueillir les curistes et les vacanciers, le bâtiment se compose de deux parties. Celle dédiée aux voyageurs, avec sa façade habillée de briquettes, est l’entrée principale : les touristes accèdent au hall en passant sous une grande arche ornée d’un écusson aux armes de la ville. En plus des quatre salles d’attente qu’elle comporte, une petite touche fait la différence : un luxueux salon de plus de 6 mètres de hauteur y est aménagé afin que la haute société et l’élite internationale patientent dans les meilleures conditions. Ce salon accueillera notamment le grand-duc Alexis, frère du tsar de Russie, en 1891.

Le bâtiment connaît une succession de modifications… Plus ou moins esthétiques

Terminus jusqu’en 1881. Avant de s’ouvrir sur Puy-Guillaume, la Montagne bourbonnaise et son Tacot par Cusset en 1912 et enfin Clermont-Ferrand par Randan en 1931, la gare de Vichy va recevoir des équipages mythiques durant des décennies : le Vichy Express, train de luxe trihebdomadaire venant de Paris, le Londres-Vichy Pullman, un train couchettes haut de gamme inauguré en 1927… Les liaisons directes entre Vichy et Paris ne seront d’ailleurs pas étrangères au choix de la cité thermale comme nouvelle capitale durant la Seconde Guerre mondiale.Reproduction d'un wagon de luxe à destination de Vichy, installée dans l'exposition Vichy Internationale, en 2024. Photos François-Xavier GuttonAutorail Bugatti ZZ AK en gare de Vichy en 1934, copyright CC BY-SA 3.0 Wikimedia Commons

« Avant, il y avait un Vichy-Nice direct par Lyon une fois par jour. C’était un train de nuit couchette qui a dû s’arrêter dans les années 80. » Pascal Ruffaut, cheminot retraité, a travaillé vingt-trois ans en gare de Vichy et le reste de sa carrière dans de nombreuses petites gares de la région. « La plupart sont fermées aujourd’hui. »

Comme beaucoup d’embauchés des chemins de fer, il garde une affection particulière pour le rail. La gare de la cité thermale n’a pas de secrets pour lui qui a été témoin de quelques-unes de ses multiples transformations.Parvis de la gare de Vichy, galerie construite en 1907, archive fonds patrimoniaux Ville de VichyGalerie métallique construite en 1907 sur le parvis de la gare de Vichy, archive Fonds patrimoniaux Ville de Vichy

Entre 1906 et 1907, une galerie est construite devant le bâtiment, ainsi que trois abris métalliques perpendiculaires, pour couvrir les omnibus qui mènent les curistes à leurs hôtels. Ça, Pascal ne l’a pas connu, mais le bardage en tôle peinte installé en 1977 qui occultait toute la façade, « ce truc bleu moche », si.

Gare de Vichy après les travaux de 1977, photo d'archive collection Patrick Kessler

Il n’est pas le seul à ne pas apprécier cette esthétique, mais il faudra attendre 2009 pour que la Ville et la SNCF dégagent la devanture et verdissent l’esplanade, jusqu’alors vaste parking de bus et de voitures.

« La particularité de cette gare, c’est vraiment sa clientèle de curistes, j’ai toujours connu ça. Et dans les années 2000, j’ai commencé à remarquer une affluence, les dimanches matin, de Clermontois et Moulinois, qui viennent passer la journée ici et repartent le soir. »

« Des trains de flotte »

Celui qui, à une époque, a eu les clés de la gare, est aussi incollable sur ses aspects moins visibles du grand public. « La ligne entre Vichy et Cusset est très active, mais uniquement pour le fret. Le ballast qui est acheminé de la carrière des Malavaux est notamment utilisé pour les chemins de fer. Du côté de Puy-Guillaume, ça roule du sable et de la soude : environ quatre trains par semaine pour fabriquer les bouteilles. Et de Saint-Yorre… C’est des trains des flottes ! »

Ce qui a le plus changé dans cette gare selon Pascal ?

« Il y a beaucoup moins de transports de marchandises qu’avant et les petites lignes et petites gares autour ont toutes fermé… Le buffet aussi. Tout est automatisé désormais. C’est un plus en matière de sécurité, mais ça a entraîné des diminutions de personnel et de maintenance. »

Le souterrain de la gare a été construit durant une campagne d'agrandissement, en 1930.Anciens entrepots SERNAM en 2024

Le buffet n’est pas le seul bâtiment ferroviaire qui n’est aujourd’hui plus utilisé, même si ce dernier, racheté à la mairie en avril, devrait recevoir prochainement l’enseigne La mère moustache. « L’ancien bâtiment du Sernam, au sud de la gare, accueillait le service de colis par le train jusque dans les années 80. Il a ensuite été utilisé comme stockage pour les eaux de Saint-Yorre », se souvient le cheminot. Quant au restaurant Le 7, qui occupait l’ancien bâtiment voyageur, il a fermé au printemps 2024, laissant vide ce monument qui appartient toujours à la SNCF.

Près de 1,5 million de voyageurs ont cheminé via la gare de Vichy en 2023, la positionnant en seconde place de l’Auvergne. Et en première nationale pour l’histoire dont elle a été témoin ? Les internautes ont jusqu’à demain soir pour en décider, sur le site internet de Gares & Connexions dédié au concours national « La plus belle histoire de gare ».

Avant Vichy, Saint-Germain-des-Fossés a connu son heure de gloire nationale

La gare de Saint-Germain-des-Fossés ouvre au service à l’été 1854, prolongeant la ligne Paris-Moulins jusqu’à Clermont-Ferrand via Gannat dès l’année suivante. Le nom de Saint-Germain-des-Fossés résonne encore dans tout le pays. Étonnant pour une ville de 3.600 habitants, tout comme la taille de sa gare, qui peut aujourd’hui sembler disproportionnée. Nombre de Français y sont pourtant passés à l’heure des permissions durant leur service militaire. Il y a quelques dizaines d’années, des voyageurs venus de Bordeaux, Nîmes, Nantes ou Paris s’y croisaient encore. Saint-Germain-des-Fossés était alors un nœud ferroviaire national et un centre de formation SNCF incontournable pour les recrues auvergnates. Au plus fort de son activité, à la fin des années 1930, plus de 800 cheminots y travaillaient. La commune lui doit son expansion démographique et économique au siècle dernier : la plupart des familles de l’époque comportaient au moins un cheminot. Victime, successivement, de la fermeture de la gare de triage en 1984, de la ligne Lyon-Bordeaux, de la fin des arrêts marqués par le train Paris-Clermont, puis de la construction d’un contournement pour les convois allant de Clermont à Lyon qui s’y arrêtaient auparavant, la gare de Saint-Germain n’accueille plus, aujourd’hui, que des TER régionaux, et des intercités Lyon-Tours. L’activité fret reste la plus importante : une cinquantaine de cheminots y sont encore en activité.

Sandrine Gras

Photos François-Xavier Gutton