Comment Jimmy veut décarboner la chaleur industrielle
Créée en 2020 par Antoine Guyot et Mathilde Grivet, Jimmy ambitionne de révolutionner l'industrie en fournissant une chaleur décarbonée à bas coût grâce à l'utilisation de la fission nucléaire. Cette jeune pousse industrielle française est soutenue par l'État à travers le plan France 2030, et vise à installer son premier micro-réacteur (SMR) d'ici 2027. Implantée au Creusot (Saône-et-Loire), Jimmy, qui compte désormais plus de 80 salariés, combine technologie éprouvée, innovation d'usage et pragmatisme pour décarboner des secteurs industriels très consommateurs d'énergie thermique.
Un projet né d'une volonté de décarboner l'industrieL'idée de Jimmy est née d'un double constat : d'un côté, les industriels n'ont aucune alternative aux énergies fossiles pour faire de la chaleur alors qu'ils en consomment énormément, et de l'autre, on sait qu'on peut produire de la chaleur décarbonée grâce à la fission nucléaire, jusqu'alors réservée à la production d'électricité. " Pourquoi, alors que la fission produit directement de la chaleur, nous concentrons-nous uniquement sur l'électricité depuis les années 1960 ? ", s'est interrogé Antoine Guyot.
Jimmy s'est donc créée avec l'ambition de fournir aux industriels de la chaleur décarbonée à moindre coût, en remplaçant les brûleurs à gaz par des générateurs thermiques basés sur un micro-réacteur nucléaire. La start-up conçoit la machine, fait produire ses pièces par des fournisseurs qui possèdent ce savoir et l'exploite ensuite pour le compte d'industriels. " 75 % de la consommation énergétique industrielle est liée à la chaleur, et cela représente 20 % des émissions de gaz à effet de serre ", relève Antoine Guyot. L'objectif est donc de proposer une solution clé en main qui s'intègre aux infrastructures existantes, sans nécessiter de gestion complexe pour les industriels. " Nous sommes convaincus que le marché de la chaleur industrielle est le bon terrain pour décarboner l'industrie ", commente Antoine Guyot.
Une usine au Creusot et un projet de générateur dans la MarneJimmy est aujourd'hui en pleine phase d'industrialisation, entre un projet de générateur chez un industriel client dans la Marne, et un projet d'usine au Creusot. En avril 2024, la start-up a été la première à déposer un dossier de demande d'autorisation de création auprès des autorités, pour ce générateur. " C'était un premier jalon très fort et un signal très important pour l'ensemble de la filière ", affirme Antoine Guyot.
Pour se préparer à installer plusieurs générateurs, Jimmy avait besoin d'une base arrière, un endroit où faire de l'assemblage et stocker du matériel. Pour cela, la jeune pousse a choisi Le Creusot, un territoire emblématique de l'industrie lourde en France, pour installer sa plateforme industrielle. " Le Creusot offre un écosystème industriel riche, avec une chaine de sous-traitants locaux et des compétences techniques essentielles pour notre projet, souligne Antoine Guyot. De plus, Le Creusot est relativement proche de Paris : cela permet de conserver une homogénéité des équipes. Nous trouvions important que ceux qui ont conçu restent proches du terrain. "
Les défis de l'industrie nucléaireComme beaucoup de startups industrielles, Jimmy fait face à des défis réglementaires et financiers. Antoine Guyot souligne notamment les lourdeurs administratives. " La réglementation en vigueur est nécessaire et indispensable, mais est aujourd'hui conçue pour des installations nucléaires type EPR, dont les taille et puissance sont bien supérieures et incomparables avec les nôtres ", déplore-t-il.
Le deuxième défi est le financement. Jimmy a réalisé de belles levées dont une levée de 17 millions d'euros en 2022. En 2023, l'État lui a accordé une subvention de 32 millions d'euros dans le cadre du plan France 2030, un soutien majeur pour son projet industriel. " C'est une chance, mais au lieu de faire de la subvention, l'État pourrait aussi passer des commandes publiques. Ainsi, il retrouverait la valeur dans laquelle il investit, tout en forçant les startups industrielles à être opérationnellement excellentes ", analyse Antoine Guyot.
En ce qui concerne le nucléaire spécifiquement, Antoine Guyot pointe aussi un enjeu humain : comment optimiser la collaboration dans un système aussi complexe ? " Pour cela, nous avons créé notre propre outil Python qui permet à tout le monde de coder son travail sur une même plateforme propriétaire et de pouvoir tester en permanence que le travail de quelqu'un ne va pas gêner le travail d'un autre. Cela a été un choix stratégique qui nous différencie et qui nous a permis d'aller extrêmement vite par rapport aux acteurs existants ", conclut Antoine Guyot.
Cet article a été publié initialement sur Big Média Comment Jimmy veut décarboner la chaleur industrielle