Pourquoi les contrôles sanitaires dans les commerces de bouches et les restaurants ont triplé dans le Puy-de-Dôme ?
Le refus est cinglant. Non, cette commerçante puydômoise, qui a dû baisser le rideau temporairement après une inspection sanitaire, ne souhaite pas témoigner. Et v’lan, elle nous raccroche le téléphone au nez. Non sans nous avoir fait comprendre sa grande colère par rapport à la situation. Le sujet des fermetures administratives a toujours été sensible compte tenu des enjeux financiers, psychologiques et en termes d’image. Il faut avouer qu’un macaron sur sa vitrine avec inscrit « Niveau d’hygiène à corriger de manière urgente » n’augure rien de bon pour l’affluence du commerce.
600 inspections dans les commerces et restaurants en 2023Depuis plusieurs mois, le sujet est revenu sur le table. La raison ? La hausse des contrôles sanitaires décidée par l’État, dont une grande partie confiée au privé, en l’occurrence Bureau Veritas en Auvergne-Rhône-Alpes. Dans le Puy-de-Dôme, ces visites ont été multipliées par trois. Boulangeries, restaurants, supermarché, boucheries… Treize établissements du département ont déjà été sommés de fermer et de mettre en place des mesures correctives, à la suite d’un contrôle. C’est beaucoup moins que l’an dernier, proportionnellement au nombre d’inspections. Mais suffisant pour créer une onde de choc dans la profession.
Bureau Veritas, qu'est-ce que c'est ? En deux mots, un couteau suisse. L’entreprise française a été fondée en 1828. Ses champs d’action sont multiples : les matières premières, la marine, l’industrie, les infrastructures, l’inspection, l’audit… Implantée dans 140 pays, elle s’appuie sur un réseau de 1.500 agences et laboratoires, et emploie 84.000 personnes.
« Depuis le mois de juin, ça tape vraiment fort », confie un boucher qui préfère rester anonyme. Ces contrôles d’hygiène ne sont pas une nouveauté. L’artisan en a connu un, il y a quatre ans, qui lui a valu la vignette « très satisfaisante ». La probabilité pour que son commerce soit de nouveau passé au peigne fin était autrefois de dix à quinze ans. Aujourd’hui, forcément, ce délai sera beaucoup plus court.
« Je n’ai rien à cacher mais c’est angoissant, surtout dans cette période délicate pour le commerce », soupire-t-il. « Clients, fournisseurs… On doit bien nous en parler quatre fois par jour. Ces derniers nous mettent la pression en nous disant “attention les gars, ça va tomber”. Et puis, le démarchage des vendeurs d’hygiène ou des organismes de formation, est énorme. En vingt ans de boucherie, je n’ai jamais vu ça ! »
Pour préparer au mieux aux contrôles, Jean-Luc Helbert, boucher et président de la chambre de métiers de l’artisanat (CMA) du Puy-de-Dôme, joue la carte de la pédagogie. « Avec la préfecture, nous avons mis en place la “Quinzaine de la prévention” dans certaines entreprises. Plusieurs réunions avec les services de l’État et la CMA, la chambre de commerce et d’industrie (CCI), ont eu lieu. L’idée est d’expliquer aux entreprises ces contrôles, comment ils sont faits et ce que les inspecteurs en attendent. Histoire de ne pas être pénalisé le jour J. » Et le président de s’adresser aux entreprises, tel un père de famille : « Il y a des règles, il faudra rentrer dans les clous. »
« A quelle sauce allons-nous être mangés ? »Les 3.800 établissements concernés n’ont pas été pris au dépourvu. Plusieurs opérations de communication ont été mises en place, en amont, par la préfecture, en lien avec les organisations professionnelles, pour informer et sensibiliser les gérants sur la réglementation et les enjeux sanitaires. Pour autant, l’inquiétude subsiste chez certains. Amplifiée par la publication récente, sur la page Facebook de la préfecture, du nom d’une boulangerie de campagne visée par une fermeture administrative. Une communication musclée qui s’applique désormais à tous les commerces épinglés.
Le secteur de la boulangerie n’est pas épargné. Au bout du fil, Franck Théret, vice-président de la Fédération des artisans boulangers du Puy-de-Dôme et de l’Allier, finit par lâcher : « J’ai des remontées de boulangers qui se mettent la pression… » Si le boulanger assure être « tout à fait sensible à la démarche », l’augmentation des contrôles le fait réagir : « A quelle sauce allons-nous être mangés ? » Selon lui, les remontées du terrain de la part d’artisans sont mitigées. Franck Théret parle même d’une « épée de Damoclès » au-dessus de la tête de ses confrères. Climat anxieux.
Du côté de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP), en charge de ces contrôles, on rappelle qu’ils ont d’abord pour but de protéger le consommateur. Et on se veut rassurant au vu du premier bilan de cette année, qui montre qu’une grande majorité des établissements visités sont dans les clous. « Nous avons affaire à des professionnels impliqués et qui ont à cœur de bien faire », souligne Sandrine Ayral, directrice adjointe à la DDPP.
Comment signaler et s'informer en tant que consommateur ?
N’importe quel consommateur, témoin d’une mauvaise pratique dans un restaurant ou qui s’estime lésé par un commerçant, peut effectuer un signalement sur le site Internet signal.conso.gouv.fr.
Celui-ci existe aussi en format mobile. On peut notamment y visualiser la répartition géographique des problèmes remontés. Dans le Puy-de-Dôme, il y aurait une dizaine de signalements par jour, estime la DDPP.
Autre outil numérique utile : Alim’Confiance, sur le site du ministère de l’Agriculture. Depuis 2017, cette plateforme donne accès aux résultats des contrôles sanitaires réalisés dans tous les établissements de la chaîne alimentaire. Attention, tout n'est pas à jour.
Adrien Fillon et Olivier Choruszko