L’impôt sur les moches
A l’image de l’impôt sur les portes et fenêtres sous la Révolution, une nouvelle piste inédite pour le gouvernement actuel ?
On sait que le fisc n’est jamais à court de bonnes idées lorsqu’il s’agit de trouver de nouvelles sources de financement pour tenter de combler tant bien que mal une partie des déficits.
Dans le contexte actuel de déficits et d’endettement vertigineux, le gouvernement nouvellement aux affaires n’a donc d’autre préoccupation que de chercher activement des moyens de dégager de nouvelles recettes, sans toutefois donner le sentiment que nous entrerions dans une phase «d’ austérité ». Pour cela, toute idée est bonne à prendre.
Un impôt sur la laideur
C’est Jean-Marc Daniel qui en parle au cours de l’un des débats quotidiens avec Nicolas Doze sur BFM Business, suscitant l’incrédulité et le rire stupéfait de ses deux interlocuteurs : Après les « riches », les retraités, et les entreprises, ce sont maintenant de nouveau les célibataires qui intéressent les services fiscaux en tant que source privilégiée de recettes fiscales au service du financement de l’Etat. Ce qui n’a rien de très nouveau, mais renvoie à une anecdote très amusante.
Car déjà en 1914, alors que le projet de loi de Joseph Caillaux sur la création de l’impôt sur le revenu aboutissait enfin après une longue période de rejet, un livre paraissait, dans lequel l’auteur écrivait avec une certaine ironie qu’on est célibataire « parce qu’on est moche ». Ce qui permet alors de penser que, dans la mesure où les célibataires ont toujours davantage été taxés que les autres, alors il s’agit en quelque sorte d’un impôt sur la laideur. Ce qui a eu pour effet de ralentir ce que Jean-Marc Daniel appelle « la frénésie sado-fiscaliste de l’époque sur les célibataires ».
Au nom de l’égalité
Le texte actuel prétend « conforter l’égalité » devant l’imposition sur le revenu. C’est avec cette prétention, donc, qu’il s’agirait maintenant de renforcer une nouvelle fois la pression fiscale sur les célibataires (cherchez l’erreur). Or, remarque à juste titre Jean-Marc Daniel, le principe d’égalité supposerait que chacun paye à proportion de ce qu’il gagne, et non – comme le pratique l’impôt progressif – en fonction de ce qu’il gagne (point bien mis en évidence par Pascal Salin dans son ouvrage « L’arbitraire fiscal »). Rappelons d’ailleurs qu’actuellement seuls 44% des foyers fiscaux payent l’impôt sur le revenu (ce qui n’est pas sans susciter des questions de fond en matière électorale et donc de démocratie).
Or, comme nous y faisions référence en préambule de cet article, l’imagination de ceux qui cherchent où prélever l’impôt est toujours surprenante. A l’instar de l’impôt sur les portes et fenêtres sous la Révolution, Frédéric Bastiat avait imaginé sa célèbre pétition des marchands de chandelles, illustrant avec ironie l’absurdité et la perversité de certaines levées d’impôts (en l’occurrence ici à visée protectionniste).
Mais en matière d’imagination, il n’y a parfois qu’un pas entre fiction et réalité. Comme le révèle là encore l’exemple suivant.
Un impôt sur la beauté
On croirait avoir affaire à un concours entre humoristes. Alors : impôt sur la laideur ? impôt sur la beauté ?
C’est cette seconde option qui eut cette fois les faveurs de l’économiste nippon Takuro Morinaga, bien décidé en 2012 à trouver des solutions en matière de déclin démographique.
« Entre un beau gosse pauvre et un moche riche, lequel choisiriez-vous pour mari ? ». C’est en ces termes qu’il créa le buzz dans l’idée de taxer les beaux et diminuer, à l’inverse, l’impôt des moches. Non, vous ne rêvez pas. Un nouvel impôt progressif était alors susceptible d’émerger.
Questions : Qu’est-ce qui définit la beauté ? Qui peut être considéré comme beau ou comme moins beau ? Quels éléments permettent de mesurer la laideur ? (Attention, le concours de beauté de J.M Keynes est hors sujet).
Vous avez quatre heures.