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Pilonnés sans relâche par Israël, décimés à tous les étages, le Hamas et le Hezbollah sont-ils en voie d'effondrement ?

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C’est une perte majeure pour le Hezbollah libanais. Une de plus. L’armée israélienne a confirmé ce mardi la mort d’Hachem Safieddine, début octobre, dans l’une des innombrables frappes ciblant la banlieue sud de Beyrouth, bastion de la puissante milice chiite.

Safieddine, 64 ans, était pressenti pour succéder à son cousin et chef emblématique du mouvement, Hassan Nasrallah, lui-même éliminé le 27 septembre. Tsahal ne lui a pas laissé le temps d’être promu.

Jour après jour, attaque après attaque, Israël poursuit son œuvre de destruction au plus haut niveau du Hezbollah – quitte, pour y parvenir, à faire de nombreuses victimes collatérales chez les civils. Le chef de la redoutable unité de drones de la milice pro-iranienne, ainsi que les numéros un et deux de la force Al-Radwan, son unité d’élite, sont récemment tombés à leur tour.

« L’ensemble du haut commandement militaire est décimé, décapité. L’échelon intermédiaire et une partie importante de l’échelon inférieur sont eux aussi très impactés. Jamais le Hezbollah n’avait subi de coups aussi rudes depuis sa création, en 1982 », affirme David Khalfa, codirecteur de l’Observatoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient de la Fondation Jean-Jaurès.

« Affaibli mais pas détruit »

Signe de l’affaissement qui en découle : alors qu’Israël s’était préparé à recevoir, en riposte, des milliers de missiles tirés de façon quasi ininterrompue depuis le Liban, la réplique n’a jamais atteint une telle intensité à ce stade. Selon David Khalfa, ce décalage « montre bien que la priorité du Hezbollah, désormais, est avant tout de réorganiser sa direction opérationnelle ». Une tâche complexe, sachant que « la relève est forcément constituée d’hommes plus jeunes et beaucoup moins aguerris ».

La disparition pure et simple du Hezbollah est-elle pour autant devenue une hypothèse crédible ? « Le mouvement est très affaibli, certes, mais il est loin d’être détruit », répond l’expert.

Sur le plan militaire d’abord, il peut encore compter sur « environ 30.000 combattants, en fourchette basse », ainsi que sur une multitude de drones, des missiles de haute précision et des dizaines de milliers de roquettes. « Leur nombre était estimé entre 150 et 200.000 avant le début du conflit. Israël affirme en avoir détruit les deux tiers, mais nous n’avons pas de preuves directes », souligne David Khalfa.

La résilience du Hezbollah tient à un autre élément central : sa puissance ne se limite pas à celle d’un simple « groupe militaro-terroriste ». « Il dispose d’un fort enracinement sociopolitique et de relais très puissants au sein de la communauté chiite du Liban, qui représente plus d’un million de personnes, même si toutes ne forment pas un bloc homogène de soutien. »

« Quoi qu’il en soit, les Israéliens ne s’étaient jamais fixé comme objectif d’éradiquer le Hezbollah, mais plutôt de le repousser au-delà du fleuve Litani (qui coule dans le sud du Liban, à environ 30 km de la frontière avec Israël, NDLR). Ils sont en train d’y parvenir, semble-t-il. »

David Khalfa

« Canard sans tête » La destruction intégrale du Hamas, en revanche, a bien été érigée en « but de guerre » par Benyamin Netanyahou dans les heures suivant le massacre du 7 octobre 2023. En l’espace d’un an, le mouvement islamiste palestinien a perdu la plupart de ses hauts dirigeants et des dizaines de milliers de combattants – « possiblement les deux tiers de ses effectifs », selon David Khalfa.

Ismail Haniyeh, son chef politique depuis 2017, a péri dans l’explosion d’une bombe cachée à son domicile de Téhéran (Iran), le 31 juillet. Et Yahya Sinouar, son successeur, présenté comme « le cerveau » du 7-Octobre, a été abattu la semaine dernière, cette fois à Ramallah.

« Un canard sans tête »

« Aujourd’hui, le Hamas est un canard sans tête », résume notre expert. Sinouar n’a pas encore été remplacé : la direction intérimaire a pour l’heure été confiée à un comité basé au Qatar et composé de cinq membres.

« Il y a une redistribution des cartes, par la force des choses. Le Hamas n’est plus l’organisation militaire très pyramidale et hiérarchisée qui existait avant la guerre. Ce n’est plus une armée, mais plutôt une guérilla, qui continue certes à recruter, mais attire désormais des jeunes moins “idéologisés”, qui s’engagent parfois uniquement pour des raisons financières », analyse David Khalfa.

À défaut de rayer les deux organisations terroristes du paysage, les coups successifs qui leur ont été portés pourraient ouvrir de nouvelles perspectives. Le recul du Hezbollah « est vu par les puissances occidentales et du Golfe comme une opportunité pour débloquer la situation politique du Liban, qui est privé de président depuis octobre 2022 ». Et à Gaza, la mort de Yahya Sinouar crée « une fenêtre pour un cessez-le-feu partiel, au moins temporaire ». En visite à Tel-Aviv mardi, puis en Arabie saoudite hier, Antony Blinken, le chef de la diplomatie américaine, a justement plaidé en ce sens, affirmant que « le moment » était venu de « mettre fin à la guerre ».

Stéphane Barnoin

Lire. Israël-Palestine, année zéro :le 7 octobre 2023, une onde de choc mondiale, de David Khalfa.Éditions Le Bord de l’eau.168 pages, 16 euros.