Puy-de-Dôme : il avait volontairement percuté un piéton avec sa voiture
Depuis le box, ce prévenu répète plusieurs fois et d’un air entendu cette phrase mystérieuse, en se tournant vers la victime : "Il sait que je sais"… Cette affirmation énigmatique pourrait résumer à elle seule un dossier qui pourrait juste laisser songeur si les faits commis le 15 juillet dernier, aux Martres-de-Veyre, n’étaient pas aussi graves.
Une jeune femme victime d'un violent car-jacking à Clermont-Ferrand, ses deux agresseurs derrière les barreaux
Il est 10?h?30, ce jour-là, lorsqu’un habitant de la commune, âgé de 45 ans, promène son chien, au bord d’une petite route. Sans qu’il ait le temps de réagir et alors qu’il a le dos tourné, le conducteur d’une Peugeot 406 lui fonce volontairement dessus. La jambe droite de la victime se retrouve coincée entre la voiture et un arbre. Grièvement blessé, le quadragénaire est secouru par des riverains, puis pris en charge par les pompiers et conduit à l’hôpital.
Sa blessure lui vaut cinq points de suture, quinze jours d’ITT, mais aussi des séquelles dont il souffre encore aujourd’hui.
Le conducteur se présente ensuite à la gendarmerieQuant au conducteur de la voiture, Salih Altunluoglu, lui aussi âgé de 45 ans, il s’est présenté peu après à la brigade de gendarmerie de Veyre-Monton, reconnaissant être l’auteur de "l’accident". Mais tout porte à croire, à commencer par ses propres déclarations, qu’il ne s’agit pas d’un accident, mais bien d’un acte délibéré.
Parmi les explications pour justifier ce geste fou, il évoque essentiellement un contentieux un peu obscur avec la victime (qu’il connaît depuis l’enfance), peut-être sur fond de stupéfiants, remontant à 1998…
Face au tribunal correctionnel clermontois, où il était jugé, ce lundi 21 octobre, en comparution à délai différé, il revient sur les faits, affirme ne pas avoir voulu percuter la victime, mais juste "lui faire peur".
Puis ses déclarations deviennent subitement plus étranges. Il désigne l’homme qu’il a heurté comme "celui qui manigance tous les problèmes que j’ai", comme "un commanditaire". "Il faut faire des investigations sur lui?!", finit-il par lancer au tribunal.
Appelée à témoigner à la barre, la victime ne peut cacher son désarroi, entre colère, abattement et impuissance : "Je ne sais absolument pas ce qu’il reproche, je ne comprends rien. Ça n’a aucun sens".
"J'avais essayé de rassurer mon client – dont la vie a été détruite par cette agression – sur le fait que son agresseur ne s'en prendrait certainement plus à lui. Mais la teneur des débats et l'attitude du prévenu, aujourd'hui, à cette audience, ne me rassurent pas. Cela me fait même froid dans le dos".
Son avocat, Me Jean-François Canis, s’interroge : "Le prévenu souffre-t-il vraiment d’un délire paranoïaque, comme l’a diagnostiqué l’expert psychiatre, ou son attitude n’est-elle pas plutôt un système de défense particulièrement pervers??"
Condamné à dix-huit mois de prison fermeTout en rappelant que ce même expert a estimé que le discernement du prévenu était "altéré" au moment des faits (ce qui influe sur le quantum de la peine, NDLR), la procureure de la République, Laure Moisset, a regretté "l’absence d’explications rationnelles, d’excuses ou de remords" et requis dix-huit mois de prison ferme.
Me Karime Chidjou, en défense, a notamment insisté sur "la nécessité de mettre en place une thérapie, des soins longs et réguliers, ce qui n’a jamais été fait jusque-là".
Salih Altunluoglu a été condamné à trente-six mois de prison, dont la moitié assortie d’un sursis probatoire renforcé pendant deux ans, avec obligation de soins et interdiction de contacter la victime et de paraître aux Martres-de-Veyre. Incarcéré depuis le 17 juillet, il reste en détention (*).
Christian Lefèvre
(*) Sur un plan civil, il doit verser dès maintenant une provision de 5.000 euros à la victime (qui va faire l'objet d'une expertise), en attendant une audience sur intérêts civils, prévue le 11 mars 2025, qui permettra le fixer le montant définitif de son dédommagement.