Présidentielle aux Etats-Unis : "Trump est devenu l’incarnation de se qu’il représente : une droite crypto-fasciste"
Ce « Projet 2025 », un projet de société ultra-conservateur décliné par le think tank The Heritage Foundation en un document d’un millier de pages, Donald Trump assure désormais s’en être détaché. « Enfin, il essaie de s’en détacher parce que nous sommes en campagne présidentielle et qu’il doit se recentrer. Mais il ne fait aucun doute qu’il est étroitement lié à ce projet » remarque Romuald Sciora (1). Il doit d’autant plus le tenir à distance « que les démocrates ont focussé sur la dangerosité de ce projet 2025 ».
« Zemmour serait centriste »Pour le chercheur cependant « tout cela n’est que parole de la part de Trump. Car le projet 2025 a été élaboré par la Heritage Foundation mais conjointement avec les proches de Trump impliqués dans la campagne présidentielle dont le candidat vice-président J-D. Vance » sénateur de l’Ohio.
« Aux États-Unis, précise le directeur de l’Observatoire politique et géostratégique des États-Unis de l’IRIS (2), vous avez des think tanks plus ou moins progressistes ou plus ou moins conservateurs et d’autres marqués très à droite. Mais quand on dit très à droite aux États-Unis, ce n’est pas » dans la mouvance d’« Éric Zemmour qui serait considéré comme un centriste, c’est une droite radicale qui n’a pas d’équivalent en France hormis dans les groupuscules d’extrême droite. »
"Une armée trumpiste"Créée dans les années 70, la Heritage Foundation s’est développée « dans les années 80, sous Reagan », dont la politique ultra-libérale, visait au « moins d’État possible » […] et « elle a été un très grand soutien de Newt Gingrich, speaker de la Chambre des représentants sous Clinton qui a monté de toutes pièces le scandale Monica Lewinsky ». Avant de « soutenir George W. Bush puis le Tea Party contre Obama ».
Selon ce projet 2025 qu’elle porte, si Trump était élu, « et même si le président n’a quasiment pas de pouvoir sur la politique intérieure du pays, nous assisterions, après l’avortement, à la même chose pour les droits LGBT jusqu’à interdire l’homosexualité comme dans les années 70 ».
"40.000 fonctionnaires au minimum"Au-delà du sociétal, « sur le futur de la démocratie américaine, on pourrait voir le pouvoir judiciaire passer au président des États-Unis ; de nombreuses prérogatives du Congrès pourraient aussi passer à la Maison Blanche ; et le président pourrait mettre la Garde nationale totalement sous sa coupe ». De même, aux 4.000 fonctionnaires qui constituent la grande administration mise en place à chaque élection, « ce serait 40.000 fonctionnaires au minimum qui prendraient leur fonction au printemps 2025. Soit une mainmise totale, sur l’ensemble des États. Ce serait une armée de trumpistes qui arriverait au pouvoir ». Et il est également question de « revenir sur le droit d’expression de la presse… ». Officiellement « pour lutter contre les fake news », ce qui est assez savoureux quand on sait la propension de Donald Trump à s’arranger avec la réalité.
Pour mettre en place le projet 2025, « depuis des mois, poursuit le chercheur, la Heritage Foundation auditionne des personnes qui pourraient participer à cette prochaine administration » en cas d’élection de Donald Trump.
Dans la sphère radicale, le « très sulfureux » Steve Bannon, qui finira dans quelques jours de purger sa peine de prison pour l’attaque du Capitole en janvier 2021, pourrait compter parmi ceux « qui auront un mot à dire sur la politique du pays » si les républicains l’emportent.
Trump, l’ex-progressisteTrump, rappelle Romuald Sciora, « est à la base un personnage marqué comme progressiste depuis les années 80, pro-avortement, pro-divorce - c’est un champion -, pro-LGBT, et il a même, par le passé, financé le parti démocrate ». Progressiste donc, « jusqu’en 2015 où il a hésité à courir pour la primaire démocrate ou la primaire républicaine. S’il a opté pour les républicains, c’est parce qu’il a compris que son électorat de base, celui qui, notamment, suivait sur NBC son émission The Apprentice, était plus proche des partis populistes […] Et en 2016, il ne s’attendait pas à être élu ! »
Le projet d’une nouvelle AmériqueDepuis, appuie le chercheur, « Trump a mûri et il est devenu l’incarnation de ce qu’il représente. C’est-à-dire d’une droite crypto-fasciste et il est tout à fait sincère dans ses propos. ».
Il croit à ce qu’il dit, il croit en sa mission
S’il est impossible de savoir qui va gagner » à l’instant T, le candidat républicain « est le plus solide et celui qui a le plus de chances de gagner si ce n’est le vote populaire, pour le moins le collège électoral ». S’il est élu, le mandat Trump 2 sera différent du premier. « Il est entouré d’ultra-professionnels qui ont un projet : celui de changer radicalement les États-Unis » assure Romuald Sciora.
« S’il est élu, il faudra s’attendre à quelque chose de très différent et de beaucoup plus sérieux que ce à quoi nous avons assisté pendant son premier mandat […] C’est le projet d’une nouvelle Amérique dont la Heritage Foundation voit en Trump, le père fondateur. »
(1) À paraître en janvier, L’Amérique éclatée, Plongée au cœur d'une nation en déliquescence, éditions Armand-Colin. (2) Institut de Relations Internationales et Stratégiques.
Sophie Leclanché