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Октябрь
2024

Travail, permis et foot : les clés d'une intégration réussie en Creuse

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« Au début, il venait à pied, à vélo puis en patinette électrique et aujourd’hui en scooter », raconte son patron. Et bientôt en voiture ? « Je viens de commencer le code », sourit Madi. Les moyens de transport successifs de ce jeune pâtissier pourraient symboliser sans peine ses progrès accomplis depuis son arrivée en 2019.

"Quand Madi est arrivé ici, il parlait très peu le français, se souvient son patron. C’était l’association Origamie qui s’occupait des mineurs non accompagnés, confiés à l’Aide sociale à l’enfance, qui lui avait trouvé un logement et qui lui recherchait un travail. Moi, j’ai toujours pris des apprentis ici, pour transmettre le métier."

Madi Traoré n’était pas forcément attiré par le métier, reconnaît-il encore aujourd’hui. Mais il avait besoin de travailler. Et malgré un CAP raté par deux fois « à cause de son français, souligne Jacques Alvarez. Mais en pratique, c’était très bien », il a été embauché ici, en CDI, dans la foulée de son apprentissage il y a deux ans.Depuis, ce jeune Malien a fait des progrès en français :

"En parlant ici, avec mes collègues, mon patron. J’ai pris aussi des cours avec la Croix-Rouge."

« Maintenant, il sait ce que ça veut dire : “ça caille” », image son patron dans une allusion à peine voilée aux heures d’embauche très matinales. Son intégration : « Elle s’est faite très facilement. Même si je lui dis que ça serait bien aussi qu’il parle français à l’extérieur », dit encore son patron qui ne tarit pas d’éloges sur son implication au travail.Idem pour Françoise, sa collègue vendeuse. « Du jour où il est arrivé, tout s’est très bien passé. C’est vrai qu’au début, c’était un peu compliqué avec la barrière de la langue et puis il n’a pas eu de chance : avec le Covid, ses cours de français ont été stoppés. Alors nous, on le faisait répéter. Il a toujours fait des efforts, il est vraiment de bonne volonté, très gentil et très carré. Il est toujours prêt à aider. On peut compter sur lui. » Avec Françoise, Madi parle volontiers de sa famille « à qui il envoie de l’argent régulièrement. Il me parle de ses parents, de ses frères et sœurs. Il aimerait bien retourner au Mali, alors il cumule des jours de congé. Le plus compliqué pour lui, finalement, ça a été de trouver un bon logement. Mais là, apparemment, c’est bon, il devrait déménager ».

Depuis qu’il a trouvé un petit studio à deux pas de la boucherie où il travaille, Niaki Camara ne songe plus à déménager, lui. Arrivé en France en 2018, il est « resté trois mois à Digne-les-Bains puis ils m’ont envoyé à Guéret. Je n’avais pas un très bon niveau pour l’école alors on m’a dirigé vers la Mission locale ». Après quelques stages, il a entamé un CAP en apprentissage, entre des cours au Moulin Rabaud à Limoges et la pratique en boucherie à Sainte-Feyre où il est resté deux ans. « Moi, je cherchais un boucher et un jour, en discutant, on m’a dit : “Tiens, il y a un jeune qui a fait son apprentissage à Sainte-Feyre.” J’ai contacté son prof de boucherie qui m’a dit qu’il se débrouillait pas trop mal, je l’ai rencontré et je l’ai embauché en décembre 2022 », se souvient Jean-Michel Baraille. Qui n’a pas oublié non plus les petits tracas administratifs.

"Quand j’ai embauché Niaki, il avait un certificat de séjour mais comme il changeait de patron, il a fallu redemander. C’est ma femme qui s’est occupée de tous les papiers."

« En Creuse, on fait en sorte d’accélérer les choses, explique Ottman Zaïr, secrétaire général de la préfecture. On essaie de faire de la dentelle, on est assez réactifs quand on est interpellé. Mais pour faciliter l’intégration des jeunes mineurs accueillis en Creuse, on doit éviter que le système ne s’engorge. Une personne qui vient pour s’intégrer, on facilitera toujours son intégration par le travail. Ainsi, les demandes de titres de séjour sont très rapprochées au début mais après, quand la personne travaille, les demandes de cartes de séjour sont plus espacées : cinq puis dix ans. D’ailleurs, au bout de quelques années, ces personnes peuvent faire valoir leurs droits à la naturalisation. »Niaki Camara l’envisage-t-il déjà, lui qui « joue au foot à Dun, ça facilite aussi l’intégration », souligne son patron ? Le jeune homme sourit. Parfaitement autonome – il a également obtenu son permis de conduite – il continue d’apprendre ce métier vers lequel il n’avait pas l’intention de se diriger au départ. 

"J’avais plutôt envie de faire de la peinture mais je n’ai pas eu trop le choix. Mon éducatrice m’avait dit qu’il fallait absolument que je travaille si je voulais rester. Alors, j’ai choisi la boucherie."

« Tout se passe très bien ici, apprécie Jean-Michel Baraille. Il est très appliqué. Il lui reste encore des choses à acquérir mais quand on est boucher, on apprend toute sa vie. On n’a toutes les ficelles que quand on part à la retraite. »

Séverine Perrier

(*) Cette semaine de l’intégration, la semaine dernière, est un temps fort pour mettre en lumière et valoriser les initiatives, les réalisations et la mobilisation continue de tous les acteurs de l’intégration qui œuvrent aux côtés des services de l’État dans le département de la Creuse. Elle constitue également une opportunité de présenter aux habitants du territoire une autre vision des migrations, à travers l’organisation de rencontres entre le grand public et les personnes étrangères et par la promotion de parcours d’intégration réussis et représentatifs de l’apport positif des personnes étrangères primo-arrivantes en Creuse.