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Октябрь
2024

Projet TELLi : à quoi ressembleront les trains demain dans votre région ?

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Un train (presque) comme les autres. De façade, du moins. Les habitués des TER qui se déplacent vers Poitiers, Guéret, Ussel ou Périgueux ne savent pas forcément qu’ils participent à une expérimentation pour concevoir le train de demain, destiné aux petites lignes. À l’intérieur de cette rame X7325, propriété de la région Nouvelle-Aquitaine acquise pour plus de 300.000 euros, des solutions innovantes - des capteurs, des ordinateurs, etc. - ont été installées pour tester, collecter et analyser “in situ” des solutions pour ce projet de train du futur. Un laboratoire roulant qui a été inauguré hier en gare des Bénédictins, à Limoges.

« Ici, c’était la voie pour Angoulême… mais il n’y a plus de train, lâche Jacky Emon, président de l’association Ferrocampus, dans son discours prononcé sur l’estrade installé sur le quai. On travaille sur l’innovation, mais on s’accroche aussi à la pérennisation des lignes », poursuit-il. Avec le projet de train léger innovant dit TELLi, l’objectif est double : redynamiser les petites lignes - essentielles à la mobilité du quotidien - et réduire les coûts sur le cycle de vie de ces futurs trains.

Ferrocampus, acteur du train de demain

Depuis le printemps 2024, le train-études - déployé par la région Nouvelle-Aquitaine et Ferrocampus et exploité par SNCF voyageurs Nouvelle-Aquitaine - a déjà parcouru plus de 3.000 kilomètres, avec des passagers à bord, autour de l’étoile ferroviaire de Limoges. « C’est ici qu’on a la plus grosse flotte de ce type de rame, ainsi que le savoir-faire des agents qui travaillent sur le technicentre de Limoges », explique Séverine Rengnet, directrice générale de Ferrocampus, qui décrit ce train comme « un laboratoire qui intègre plusieurs briques technologiques ».

Parmi lesquelles une expérimentation autour de la signalisation. En juin 2024, la filiale rail du groupe japonais Hitachi a installé près de vingt-cinq capteurs et calculateurs à l’intérieur de la rame. « La signalisation, c’est ce qui permet aux trains de circuler en sécurité, cadre d’emblée Philippe Laviron, en charge de l’innovation pour la signalisation ferroviaire chez Hitachi. Ça permet d’éviter qu’un train en rattrape un autre, de le faire s’arrêter au bon endroit », relance-t-il. Ça, c’est le postulat.

On va pouvoir le déployer et rendre le service beaucoup plus efficace 

« On développe une signalisation embarquée, c’est-à-dire qu’il n’y a plus d’équipement à la voie », ajoute Philippe Laviron. La technologie, issue de l’aéronautique, est adaptée au ferroviaire. Et l’usager?? « Ça va permettre, pour ces petites lignes, de regagner en qualité de service. Au lieu qu’il y ait un train le matin, un train le soir, on pourrait mettre des trains jusqu’à quinze à vingt minutes de fréquence, parce qu’on met une signalisation ferroviaire là où il n’y en avait pas. Aujourd’hui, les petites lignes n’en ont pas parce que ça coûte trop cher. Tout comme les capteurs au sol. Donc là, comme il n’y en a pas besoin, on va le faire autrement, ça coûtera beaucoup moins cher. On va pouvoir le déployer et rendre le service beaucoup plus efficace », conclut Philippe Laviron, illustrant ainsi l’un des enjeux autour du train de demain.

 

« Dans le monde ferroviaire, on a inventé la LGV, mais on ne s’est pas occupé des lignes dites de desserte fine, des TER par exemple, qui ont un avantage incroyable pour rentrer en ville, constate Alain Rousset, président de la région Nouvelle-Aquitaine. Si l’on veut être capable d’avoir un train plus léger, plus ponctuel, plus confortable, plus sûr, il faut innover. »

Et d’ajouter : « On a comme responsabilité de faire rouler des trains. Mais je ne peux pas faire rouler les trains si les rails, les voies sont obsolètes et dangereuses ». La mission est de taille pour réussir à redonner vie aux petites lignes, où la demande est soutenue : cette année, il y a eu une hausse de 18 % sur la fréquentation des TER en Limousin. Ce projet vise ainsi à impulser une transformation du ferroviaire dans le pays. Près de cinq millions de personnes vivent à moins de sept minutes à pied d’une gare desservie par une ligne de desserte fine du territoire. De taille, la mission. Et locale.

TELLi sur les rails chez Texelis

Le train léger innovant, baptisé TELLi et qui vise à relancer les petites lignes en réduisant leur coût d’achat et d’exploitation, prend forme pour sa partie mobilité dans les ateliers de Texelis à Limoges.

Spécialiste de la conception et de la fabrication de ponts et d’ensembles de mobilité de haute performance destinés aux véhicules lourds d’usage intensif, que ce soit pour la défense ou pour les transports publics, Texelis a rejoint naturellement en 2021 le projet TELLi. Projet qui rassemble autour de la SNCF un consortium de onze partenaires aux rôles complémentaires. L’entreprise basée à Limoges a prévu pour sa partie un investissement global de 10 millions d’euros dont 60 % sur fonds propres?; l’Ademe participant à hauteur de 40 %.

« Refaire un train à partir d’une page blanche »

« L’idée du TELLi part du constat qu’il y a de plus en plus de lignes déficitaires de desserte fine du territoire. La volonté de la SNCF est de les redynamiser et de gagner 30 à 40 % du coût sur la durée de vie du train, rappelle Laurent Garnier, directeur général de Texelis pour la partie transport. Un panel d’industriels a été choisi dont nous, pour refaire un train à partir d’une page blanche. »Texelis est naturellement en charge de la partie essieux, qu’elle devrait produire après le lancement du TELLi prévu pour 2029.

« On a voulu sortir du bogie, le traditionnel cadre avec quatre roues et on a focalisé sur trois avantages. Le premier concerne les utilisateurs, avec un plancher d’un seul tenant et très bas, ce que l’on fait déjà pour les tramways. Le deuxième porte sur la hauteur du quai, car ce qui coûte cher c’est qu’il soit à la bonne hauteur?; or aujourd’hui, il n’y a pas un quai à la même hauteur?! Grâce à notre savoir-faire défense, nous avons des suspensions qui vont permettre d’adapter la hauteur du train pendant qu’il roule. Enfin, le troisième avantage c’est qu’on va pouvoir réduire le coût de la maintenance en mettant un moteur par roue avec une caméra qui lira les rails. Les roues tourneront sans chocs ce qui évitera l’usure. On gagnera également sur la durée de vie desdites roues grâce à un moteur électrique qui tiendra compte de leur diamètre différent », détaille encore Laurent Garnier.

Nouveaux marchés

La phase de développement s’achève en 2025 et la seconde devrait s’étaler jusqu’en 2029. Après le lancement du TELLi, tout ce qui est constitutif à la mobilité, à savoir les suspensions, les moteurs, les roues, entre autres, seront produits sur le site limougeaud. Ce qui offrira à Texelis d’autres débouchés et de nouveaux marchés à l’international. Aujourd’hui, le transport ferroviaire représente 40 % de son chiffre d’affaires. Elle produit notamment les navettes d’aéroport Neoval, les ponts de tramways et surtout, rénove toutes leurs pièces. Le TELLi est la promesse de nouveaux développements.

Nicolas Tarrade, Maryline Rogerie, Julie Duhaut