Aux Etats-Unis, ces lois électorales qui rendent difficile le vote des minorités
La chose qui consiste à triturer les circonscriptions électorales ou à restreindre par tous les moyens l’accès au vote, n’est pas nouvelle mais elle est récurrente. « Dans les recours devant la Cour suprême, explique Blandine Chelini Pont (*), ce sont des affaires qui concernent des États, sachant que ce sont eux qui fabriquent les lois électorales, à majorité républicaine ».
Charcutage électoralTous les dix ans, à l’occasion du redécoupage des circonscriptions en fonction du recensement, les contours des districts sont redéfinis. C’est ainsi que par exemple, - cela a été le cas en Géorgie où la population afro-américaine, plutôt électrice démocrate, est importante - « qu’une partie d’un canton démocrate a pu être rattachée à un canton républicain, pour diluer le vote démocrate. En la matière, l’argument du « vote raciste », discriminant, soulevé en 2021, n’a pas été retenu par la Cour suprême. Comme si les conquêtes obtenues lors des combats pour les droits civiques dans les années soixante refluaient…
« La pratique est devenue systématique depuis 2011 date à laquelle le républicain Newt Gingrich a financé un panorama électoral global » appuie la professeure d’Histoire contemporaine et Relations internationales de l’université d’Aix-Marseille. « C’est à partir de là que s’est généralisé ce charcutage électoral, le “gerrymandering” » qui avait vu le jour au début du XXe siècle.
Difficulté d'accèsPour favoriser un camp plutôt qu’un autre, « la créativité est grande » souligne l’enseignante. Figurent tous les moyens pour restreindre l’exercice du droit de vote notamment aux moins favorisés qui constituent le socle de l’électorat démocrate. On compte parmi eux : les bureaux de vote rendus difficilement accessibles par des travaux de dernière minute, leur déplacement en périphérie éloignée de la ville ; la suppression de leur ouverture dominicale ; voire, le refus de certaines pièces d’identité jugées non-conformes, sachant qu’aux États-Unis la carte nationale n’existe pas et que les minorités ne sont pas les premières à disposer de passeports…
Il y a des millions et des millions d’Américains qui n’ont pas les moyens de bouger de leur coin, à quoi leur servirait un passeport ?
Comptages à la mainAprès « s’être battu dans les années vingt pour avoir le droit de vote, « les Natifs américains, Amérindiens, se battent mainteant pour avoir des bureaux » pour accomplir leur devoir citoyen. Sachant, également, que ceux qui résident dans les réserves ne sont pas considérés comme ayant « une adresse valide » à présenter lors du scrutin dont ils peuvent être exclus. En Floride, comme l'a voulu le gouverneur républicain Ron DeSantis, ce sont les ex-prisonniers, ceux qui ont un casier judiciaire quel qu’il soit, ceux qui n’ont pas payé leurs impôts, qui sont empêchés de se rendre aux urnes. « Face aux plaignants, à plusieurs reprises, la Cour suprême a considéré que les États étaient totalement souverains » même si aujourd’hui de nombreuses voix s’élèvent pour demander que la loi électorale passe sous la compétence fédérale ». Pour l’instant rien n’est gravé dans le marbre constitutionnel… Et donc « les lois électorales s’adaptent au coup par coup à ce qui marche ! ». Autre stratagème récemment adopté, notamment « en Géorgie, où tous les comptages devront se faire désormais à la main, les conseils électoraux ont le droit de faire des enquêtes préliminaires en cas de soupçon de fraude. Ils peuvent ainsi bloquer les résultats de l’État, ce qui peut in fine bloquer la certification nationale ».
Autant dire que « par rapport à 2020, les Républicains sont très préparés, Si Trump gagne, je ne serai pas étonnée » conclut Blandine Chelini Pont. (*) Auteure de l’analyse Le vote religieux dans les présidentielles américaines, à lire sur le site de l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI).
Sophie Leclanché