Silence, moteur… jouez ! Dans les coulisses du doublage dans ce studio français incontournable
Un portail noir cache l’entrée dans une rue de la Plaine Saint-Denis, en périphérie parisienne. Derrière, tel une forteresse, se terre le studio de doublage Dubbing Brothers. Une institution du genre à susciter l’émoi chez les cinéphiles, et de la curiosité chez les néophytes.
Depuis 1989, Dubbing Brothers est la référence française du doublage. De par sa force de frappe (l’entreprise possède des filiales en Italie, Belgique, États-Unis et Allemagne), mais surtout par les films passés par ces studios. Et il n’y a rien qu’à parcourir les affiches accrochées au rez-de-chaussée du bâtiment pour se rendre compte à quoi on a affaire : Civil War, Back to Black, Vice-versa, Rasta Rockett, Alien, Oppenheimer… À l’occasion de la sortie du prochain Transformers : Le Commencement, mercredi 23 octobre – surprenant et captivant film d’animation produit par Paramount en collaboration avec HasbroEntertainment – on vous emmène découvrir le métier de doubleur et les coulisses des studios. Là où ont sûrement été doublés vos films préférés…
"1 h 30 de film, six jours d'enregistrement"Pour la visite, Clémence Guenoun mène la danse. La "cheffe d’orchestre". Elle est chargée de production sur le nouveau Transformers (dont la série souffle, par ailleurs, ces quarante bougies cette année !) Sur les murs du couloir, des écrans affichent les horaires des séances d’enregistrement. Pour entrer dans n’importe quel studio, il faut composer un code. Une fois la porte poussée, Clémence vérifie qu’aucune image du film n’est projetée sur l’écran. Confidentialité maximale.
Devant elle, un ou plusieurs micros, un large écran et une console pour la régie. Et cette même ambiance feutrée qu’au cinéma. "Nous avons plusieurs salles pour plusieurs types d’enregistrement : téléfilms, séries, films…", liste la chargée de production. Une organisation assez impressionnante, à l’instar de celle que requiert le doublage. En premier, l’auteur français reçoit la copie du film en original et se charge de l’adaptation et de la traduction. Étape essentielle, car les mots traduits en français doivent respecter la forme de la bouche de ceux prononcés en version originale.
Ensuite, il y a la partie enregistrement du doublage. "Pour un film d’une heure et demie, il peut durer entre six et dix jours", chiffre Pauline Brunel, directrice artistique et comédienne. Non sans batailler parfois. "On peut passer une heure à avoir un 'Bonjour' ou un 'Oui'." Épilogue de cette épopée, le film est ensuite mixé, approuvé puis livré. Plus qu’à s’installer dans un fauteuil rouge pour en profiter.
Un exercice d'humilitéRetour en arrière. En parallèle du travail de l’auteur, Pauline se charge aussi de former un casting. Trouver les comédiens pour doubler. Pour Transformers, elle s’est tournée, entre autres, vers le fleuron du cinéma français : Audrey Fleurot pour jouer Elita et Philippe Lacheau, pour Bumblebee – "une personnalité qui colle parfaitement au personnage !" Pas toujours évident de trouver la perle rare. Ainsi, Baptiste Marc, doubleur de l’emblématique Megatron (ami puis ennemi juré d’Orion dans la saga), a dû adapter son jeu. "Je lui disais de gommer son sourire naturel ! Car dans le film, son personnage incarne le mal. Et Baptiste, par nature, est quelqu’un de très gentil", se souvient la directrice artistique. Avec un défi supplémentaire pour les comédiens : ils n’ont pas vu la version originale en avance et découvrent donc leurs séquences devant le micro.Sur l'écran de l'ingénieur du son, qui fait aussi le montage, des dizaines de bouts de clips audio.Si doubler est avant tout un exercice de voix et de jeu, l’écriture est tout aussi importante. Situation : la séquence est diffusée sur l’écran. La "bande rythmo" défile en dessous, avec le texte écrit à la manière d’un écolier. On s’interroge alors. Pauline Brunel répond : "C’est un héritage du métier de calligraphe, qui avant écrivait à la main le texte." Ainsi, un "a" avec une plus grosse boucle signifie qu’il faut faire durer la lettre. Simple comme bonjour. "Les intentions de jeu sont aussi accompagnées par l’écriture", résume Pauline.
"On peut passer une heure d'enregistrement à avoir un 'Bonjour' ou un 'Oui'"
En tant que comédien en doublage, prendre des libertés n’est pas tellement autorisé. "Il faut savoir se mettre en retrait pour jouer dans les traces du comédien américain, souligne la directrice artistique de Transformers. Le comédien français est au service de l’original, c’est un travail de respect et d’humilité."
"Il faut savoir rester à sa place", commente de son côté Julien Fébreau, journaliste sportif et commentateur de la Formule 1 sur Canal +. Il a eu la chance d’avoir un petit rôle dans le film. "Comme un athlète, il faut s’échauffer, garder le plus de spontanéité possible. Au fil du temps, les prises devenaient meilleures. Et puis après, on arrive à se lâcher, à se laisser porter." Nul doute pour celui qui a "pris une claque" en regardant le film : "La magie a opéré." Ne reste plus qu’à tendre l’oreille le 23 octobre.
Film. Transformers : Le Commencement (1 h 44). En salle mercredi 23 octobre. Produit par Paramount en collaboration avec Hasbro Entertainment, réalisé par Josh Cooley.
Texte et photos : Adrien Fillon