Bruno Le Maire a alerté, et ce serait lui le coupable?
Budget. Les contempteurs de l’ancien ministre de l’Économie lui reprochent d’avoir fui en Suisse, voire d’avoir falsifié les comptes publics… De son côté, M. Le Maire avait menacé: «La vérité apparaîtra plus tard».
Bruno Le Maire est complexe : il est intelligent, il a été durant sept ans un ministre de l’Économie important, il a été discipliné mais aussi libre, il a écrit des livres dont certains sont remarquables, il connaît sa valeur et parfois ne l’a pas assez dissimulé. Le président de la République ne l’appréciait pas trop et au sein des gouvernements qui se sont succédé, il a été sans doute la proie de ce malaise désagréable face à des personnalités, voire des Premiers ministres, qui ne vous valent pas. Heureusement pour ses adversaires, il n’a pas toujours été confirmé par la réalité et en particulier l’économie russe n’a jamais été « mise à genoux ». Certaines de ses prévisions n’ont pas été couronnées de succès et on a pu se gausser de contritions insuffisantes, de quelques propos dont l’optimisme était surjoué.
C’est Emmanuel Macron, l’inventeur du « quoi qu’il en coûte »
Maintenant que Bruno Le Maire enseigne à Lausanne et que plus rien n’est susceptible de le retenir dans l’expression de sa vérité sur l’état des comptes publics et sur leur dérive en si peu de temps, je le crois sincère quand il se réjouit de la validation d’une commission d’enquête à l’Assemblée nationale. Notamment Éric Coquerel et Éric Ciotti le questionneront sur ce qui a relevé de ses attributions, de ses compétences et de son rôle d’animateur.
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Cet exercice à la fois technique et démocratique va se dérouler dans une période où, semble-t-il, on tourne moins autour du pot républicain et où la responsabilité fondamentale d’Emmanuel Macron dans cette calamiteuse dégradation des finances publiques ne fait plus aucun doute. Après le « quoi qu’il en coûte », il a inspiré une continuation de la facilité et de la démagogie dépensière, qui a abouti à la grave crise d’aujourd’hui. C’est à cause de cette perception que les explications de Bruno Le Maire vont être accueillies par la commission d’enquête dans une atmosphère qui ne lui sera pas forcément défavorable. Bruno Le Maire pourra ainsi tenir les promesses qu’il avait formulées sur un mode menaçant en laissant entendre que le moment venu il s’exprimerait : « la vérité apparaîtra plus tard ».
Une contre-offensive en préparation
L’essentiel de ce qui suit découle d’un excellent article de Marion Mourgue et de Ludwig Gallet, dans Le Parisien : « Dérapage budgétaire : comment Bruno Le Maire prépare sa contre-offensive »[1].
L’une de ses anciennes collègues du gouvernement a souligné que durant deux ans, en conseil des ministres, il n’avait cessé d’alerter sur l’état des finances publiques.
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Bruno Le Maire rappellera également qu’il avait demandé avec insistance qu’on sortît du « quoi qu’il en coûte » et que ceux qui avaient prétendu lui donner des leçons en seraient pour leurs frais. À plusieurs reprises, à cause de ses avertissements qui tranchaient avec l’obligation d’une béatitude rassurante exigée par le président et le Premier ministre.
À quelques semaines des élections européennes, Bruno Le Maire estime souhaitable une loi de finances rectificatives de 15 milliards d’euros mais il est désavoué par Emmanuel Macron et Gabriel Attal, ce dernier préférant miser sur « les mesures réglementaires et les gels de crédits ».
Un soutien de l’ancien ministre va jusqu’à dire que la dissolution a été décidée parce que le président ne voulait pas assumer les économies projetées par Bruno Le Maire, car il craignait l’impopularité.
Dans ce même mouvement de libéralité contre la rigueur à mettre en œuvre, Emmanuel Macron « distribuait des chèques souvent dans le dos du ministre ».
Il y a dans ce qui se prépare le risque d’une perversion française, courante sur le plan politique. Celui qui a dénoncé le scandale deviendra le coupable. Un bouc émissaire rêvé. Je suis sûr qu’un Bruno Le Maire, en totale indépendance et heureux de n’avoir plus à mesurer ou à travestir son verbe, entre solidarité et esprit critique, se fera une joie de remettre les pendules à l’heure. Le président pourra compter sur son petit groupe d’inconditionnels mais les faits sont têtus et les témoins nombreux.
[1] https://www.leparisien.fr/politique/derapage-budgetaire-comment-bruno-le-maire-prepare-sa-contre-offensive-15-10-2024-ROE2NHGBZJBABHGNMH45DPFJEM.php
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