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Des milliards de dollars engloutis : pourquoi le duel Kamala Harris - Donald Trump est avant tout une histoire de gros sous

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Entre Kamala Harris et Donald Trump, le cœur de l’Amérique balance. Le 5 novembre, comme il y a quatre ans, le scrutin va se jouer dans une poignée d’États qui basculeront d’un côté ou de l’autre pour quelques milliers de voix. Dans un pays littéralement coupé en deux, le moindre bulletin vaut de l’or. Et pour emporter la décision, les deux prétendants ont dépensé comme jamais. Une fuite en avant qui donne le tournis.

"Un problème démocratique d'égalité"

« Le record de 2011, qui était de 11 milliards de dollars, va être pulvérisé. On devrait atteindre les 15 milliards, pronostique Jean-Éric Branaa. Mais l’on compte absolument tout. Ce montant comprend non seulement la présidentielle mais aussi le Sénat, la chambre des représentants, les gouverneurs, comtés, maires, juges et tous les scrutins locaux. Kamala Harris devrait, à elle seule, collecter entre 1,5 et 1,8 milliard et Donald Trump entre 1 et 1,2 milliard. On parle de sommes considérables. Cramer autant d’argent tous les quatre ans, alors que les besoins du pays sont criants, révèle une véritable perversité. Il faudrait limiter ces sommes. Cela pose un problème démocratique d’égalité des citoyens devant les élections. »

"Aucune limite"

Cette envolée s’explique par le changement des règles du jeu intervenu en 2010. « La Cour suprême a supprimé tout plafond de dépenses pour les super PAC (lire encadré). Si vous voulez donner 500.000 dollars, vous pouvez. Il n’y a aucune limite. Les super PAC regroupent des gens qui ont un intérêt commun, par exemple un syndicat, des entreprises ou de riches donateurs. Ils ont des demandes particulières à mettre en avant dans la campagne électorale, comme la liberté d’expression. Ils vont faire des publicités plutôt sur ce thème-là mais en choisissant clairement de soutenir un candidat », intervient le maître de conférences à l’université d’Assas.

PAC et super PAC : des pompes à dollars

Les PAC (Political action committee), ou comité d’action politique en français, sont les pompes à dollars des partis politiques outre-Atlantique. Si les dons des particuliers et des entreprises pour les PAC sont limités à deux fois 8.300 dollars par cycle (primaire et élection), ils sont totalement libres pour les super PAC, faussement non affiliés aux partis et qui contribuent du coup à l’envolée du coût des campagnes électorales.

Incontournables dans la campagne, les super PAC sont à géométrie variable. « Certains, comme America first de Trump, qui existe depuis 2016, fonctionnent à l’année. D’autres, comme celui d’Elon Musk, pro Trump notoire, ont spécialement été créés pour cette présidentielle. Lui défend la liberté d’expression et le droit de porter une arme. Maintenant, il ne se limite pas à ça et peut faire des publicités anti-Harris. Le 19 septembre, le patron de Tesla avait déjà dépensé 59 millions de dollars pour aider directement Donald Trump et il prévoit d’en dépenser 45 supplémentaires.

"L'hypocrisie la plus totale"

Pour résumer, vous avez au bas de l’échelle les PAC qui comptent en milliers de dollars et sont contrôlés par la commission électorale et tout en haut, les super PAC qui comptent en millions et ne sont absolument pas contrôlés par la commission électorale. Tout ça parce que les super PAC ne seraient pas en lien direct avec les candidats. Nous sommes dans l’hypocrisie la plus totale », illustre le spécialiste des États-Unis. Les énormes besoins en cash des prétendants à la Maison Blanche s’expliquent largement par la complexité du système électoral. Contrairement à la France, ce n’est pas un vote au suffrage universel direct. Chaque État donne droit, en fonction de son poids démographique, à un certain nombre de délégués qui, au final, éliront le ou la président(e) au sein d’un collège électoral. D’où l’importance des fameux « swing states » qui peuvent basculer d’un côté ou de l’autre : l’Arizona (11 grands électeurs), la Georgie (16), le Nevada (6), le Wisconsin (10), le Michigan (15), la Pennsylvanie (19) et la Caroline du Nord (16). « Ce système coûte très cher car il demande une stratégie très fine, avec des sondages et un ciblage publicitaire catégorie par catégorie au niveau de chaque comté », souligne Marie-Cécile Naves, directrice de recherche à l’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques).

"Une goutte d'eau par rapport à la publicité"

« Vous devez vous déplacer beaucoup, ce qui engendre de gros frais, liste Jean-Éric Branaa. Ensuite, vous avez les affiches et les tracts. Vous avez également les équipes de campagne que vous devez payer. Car ce ne sont pas des bénévoles. Vous devez aussi avoir des bureaux dans chaque grande ville des États. Vous avez des armées de conseillers payés très cher. Mais en réalité, tout ça n’est qu’une goutte d’eau par rapport à la publicité politique dans les journaux, à la télévision et sur internet. » Et le spécialiste des États-Unis de conclure : « Les journalistes américains adorent les campagnes électorales pas seulement parce qu’il y a de l’info mais aussi et surtout parce qu’elles les font vivre. C’est une véritable manne. L’économie de l’information et de la communication vit grâce à ces campagnes. Cela existe aussi chez nous mais dans une moindre mesure. »

Sans réellement encore détrôner les incontournables spots télés et encarts publicitaires dans les journaux, cette campagne 2024 est marquée par la montée en puissance des réseaux sociaux. « C’est quelque chose de totalement inédit par rapport aux précédentes élections. L’argent investi est monstrueux, pose le maître de conférences à l’université d’Assas. C’est pour cette raison que les petits candidats ne peuvent pas exister. Ils ont souvent déjà à peine les moyens de financer leurs déplacements dans un si grand pays, ils ne peuvent pas s’offrir la publicité énorme qu’il y a derrière et qui les écrase complètement. »Les Démocrates ont Charli D'Amelio, une influenceuse de 20 ans aux 150 millions de followers.

"Le chèque a dû aider"

Kamala Harris et Donald Trump n’ont pas hésité à investir des dizaines de millions et à s’attacher les services d’influenceurs stars. « Tous ceux qui sont dans les réseaux sociaux et fabriquent des contenus publicitaires adaptés, avec beaucoup d’humour et des messages très simples voire simplistes en négatif comme en positif, engrangent beaucoup d’argent, poursuit le spécialiste des États-Unis. Les Démocrates ont débauché Charli D’Amélio. Elle a 20 ans et 150 millions de followers. Elle se fait payer une fortune aujourd’hui pour faire passer des messages en faveur de Kamala Harris et pas seulement parce qu’elle y croit. De l’autre côté, les Républicains ont recruté Logan Paul, 27 millions de followers. Il se dit très ami avec Donald Trump mais le chèque a dû aider. » 

Dominique Diogon