Qui est Laurent Vigneron, producteur de vins de Madargue, à Riom, au cœur du vignoble puydômois ?
La scène se passe au milieu des années 90. Nous sommes à l’Ane gris, restaurant emblématique du vieux Riom. Son incomparable patron, le regretté François Capeline, accueille les clients de sa voix tonitruante. La diplomatie n’est pas son fort. Et de toute façon, quand on pousse la porte de son estancot de la rue Gomot, on ne vient pas seulement manger une truffade ou une patranque. On vient pour l’ambiance en sachant que l’on va à coup sûr se faire engueuler. Alors jeune journaliste riomois, l’auteur de ces lignes avait pris l’habitude des invectives. « Alors la "Pravda", tu bois quoi ? De toute façon tu n’as pas le choix, ce sera un rouge de chez Boulin. » La messe était dite. Et à une époque où choisir un vin d’Auvergne n’était pas encore tendance, on savait pourtant que l’on ne serait pas déçu. Loin de là.Un cadre exceptionnel sur fond de Chaîne des Puys
Renaissance du vignoble puydômoisLe Riomois Bernard Boulin faisait partie de ces quelques pionniers auvergnats acteurs de la renaissance du vignoble puydômois. Avec les Sauvat à Boudes ou Pradier aux Martres-de-Veyre. À l’époque, on parlait encore de VDQS et les moqueries infligées aux breuvages auvergnats étaient encore légion.Trente ans plus tard, l’Appellation d’origine contrôlée puis protégée est passée par là. Les efforts ont payé. La qualité a suivi. Une touche de promotion et de marketing a fait le reste. Mais l’esprit de ces précurseurs demeure. Il est logiquement bonifié par l’arrivée d’une nouvelle génération. À l’image de Laurent Vigneron. Le Madargue, ce Clermontois des Landais est tombé dedans très tôt au gré de vacances à Saint-Bonnet-près-Riom au contact de son grand-père, Georges, vigneron amateur et éclairé et de son oncle. Un certain Bernard Boulin. Pas étonnant que l’adolescence venue, il intègre dès la classe de seconde le célèbre lycée viticole de Beaune :
Là-bas, j’apprends tout. Surtout, je trouve ma voie alors que je n’étais pas motivé par les études générales.
Son BTS de viticulture-œnologie en poche, il enchaine diverses expériences dans le Maconnais, le Beaujolais, en Provence. En 2002, c’est le retour en Auvergne auprès de Bernard Boulin. C’est aussi l’époque des difficultés financières…
"Un cépage, un terroir, un climat"S’ensuit une longue période salariée à Châteaugay, chez Pierre Goigoux. Toujours au plus près de ses racines. Depuis 2019, Laurent Vigneron s’attache à profiter de toute l’expérience emmagasinée pour développer une exploitation encore de petite taille. Toujours chez lui, dans le triangle Saint-Bonnet, Riom, Châtel-Guyon. Car, si toutes ses vignes ne sont pas dans le périmètre du Madargue, exclusivement riomois, pour toutes, il applique les mêmes recettes, les mêmes principes de bon sens appris lentement, en tenant des évolutions climatiques.« Je suis partisan d’un élevage long », revendique Laurent Vigneron. Au 15 juillet, certaines cuvées 2022 n’avaient pas encore été mises en bouteille
« Je suis partisan du principe : un cépage, un terroir, un climat. Je veille à ne pas avoir toutes mes vignes dans le même secteur. On est ainsi un peu moins vulnérable en cas de grêle ou de gel », explique Laurent Vigneron également soucieux de long terme : « Je ne suis pas sûr que le Pinot noir soit un cépage d’avenir. Je lui préfère le Gamay. C’est un cépage tout terrain, qui possède une faculté d’adaptation essentielle à mon sens dans un contexte de changement climatique. »Placée en Indication géographique protégée du Puy-de-Dôme, cette parcelle des Groslières surplombe la commune de Saint-Bonnet-près-Riom caractéristique par le clocher de son église
Aujourd’hui, les vignes de Laurent Vigneron sont réparties sur trois parcelles pour un total encore faible de 2 hectares. « L’objectif est de monter à 5-6 hectares. J’ai pour projet de planter 2 hectares de gamay sur Madargue et un demi hectare de blanc Marsanne ou Roussane sur la commune de Cellule. »
Cuvée Grandes HeuresCette volonté de ne « pas mettre tous ses œufs dans le même panier » s’accompagne du souhait fort « de maitriser tout le process en atteignant des volumes de production suffisants ».
« De 5.000 bouteilles aujourd’hui, je voudrais monter à 15.000 - 20.000 bouteilles tout en améliorant les infrastructures de mon exploitation : agrandissement du cuvage, construction d’un bâtiment agricole et création d’un caveau de dégustation. »
Mais sans jamais renier l’âme familiale. « En rouge, je ne travaille qu’en cépage pur. C’est un peu l’école Bernard Boulin : garder les cépages dans leur entièreté pour en tirer le maximum. » C’est le cas sur le coteau de Chalucet. Longtemps, la parcelle était occupée par une vigne plantée en 1903 qui produisait les raisins de la fameuse cuvée rouge Grandes Heures, marque de fabrique de Bernard Boulin avec la cuvée rosée Cypris.
L’objectif est de monter à 5-6 hectares.
Arrêtée en 2005, arrachée en 2019 et replantée en 2021, cette parcelle de vigne va dès la récolte 2023 alimenter la cuvée Anthologie, histoire de boucler l’histoire des Grandes Heures. Gageons que Laurent Vigneron saura mettre en œuvre les ingrédients qualitatifs pour que son exploitation en connaisse d’autres… Grandes heures.
Laurent Vigneron, 11, rue de Châtel-Guyon, 63200 Saint-Bonnet-près-Riom. www.domainelaurentvigneron.frTél. 06.09.91.39.02.
3 cuvées à déguster
1. AnthologieCuvée rouge : 100 % GAMAY.Sol : sable sur marne à Cypris Faba sur le coteau de Chalucet (Riom)AOP Côte d’Auvergne MadargueGarde de 4 à 6 ans.Robe : belle intensité pour du Gamay. Rouge intense proche du Rubis.Nez : très expressif avec une forte tendance de fruits rouges que l’on doit à un été très chaud.Bouche : une certaine longueur avec beaucoup de corps tout ayant des tannins soyeux.À déguster avec : de la charcuterie, des viandes grillées rouges, voire un joli plateau de fromage.
2. AllégorieCuvée rouge : 100 % PINOT NOIRIndication géographique protégée Puy-de-Dôme Pinot noir.Sol : argilo-calcaire sur le secteur des Groslières (Saint-Bonnet-Près-Riom).Robe : couleur cerise, très brillante, nettement plus claire que celle de la cuvée Anthologie.Nez : moins intense. Dégage une impression de finesse, de sobriété.Bouche : vin qui se dévoile doucement, en toute subtilité.À déguster avec : des viandes blanches en sauce. Et pourquoi pas du poisson ?
3. Les larmes de CyprisCuvée Rosé : Cépage 50 % PINOT NOIR et 50 % GAMAYIndication géographique protégée Puy-de-Dôme rosé.Localisation : coteau de Chalucet et des Groslières.Robe : claire saumonée, belle brillance, rosé gras, belles larmes.Nez : fruité avec notes florales en deuxième nez.Bouche : attaque très ronde, très souple. Acidité uniquement sur la fin de bouche. Rosé de repas.À déguster avec : des plats d’été, des grillades, viandes blanches ou poissons.
Retrouvez ce reportage dans notre magazine Massif Central d'octobre, novembre et décembre 2024, en vente en kiosque et en ligne sur la boutique Centre France.Tout comme bien d'autres découvertes et de nouvelles cartes de sentiers de randonnée proposées en partenariat avec Chamina.
Fier de ses origines, Laurent Vigneron est un ardent défenseur du pays brayaud, et notamment du fameux triangle Saint-Bonnet-près-Riom, Châtel-Guyon et Riom où se situent ses vignes actuelles ! Installé dans la première commune, il aime partager avec ceux qui comme lui s’attachent à promouvoir le territoire. À l’image de Stéphane et Mathieu Bardin, père et fils, qui en bordure de l’ex-nationale 144, au cœur du village, tiennent le… Bouchon brayaud.Stéphane et Mathieu Bardin ont repris l’établissement du centre de Saint-Bonnet, en mars 2023.
L’établissement que certains nomment encore sous son ancien nom de Bon coin propose une cuisine de terroir variée à base de produits provenant essentiellement d’agriculteurs et artisans locaux. Les salades et crudités (il en faut bien !) viennent de chez Catherine Rousseau à Gimeaux, les pommes de terre du Gaec local Montoy Filiol, les viandes rouges d’Auvergne Viande.
Avec la terrine de pieds de cochonLes vins de Laurent Vigneron ont bien naturellement trouvé leur place au Bouchon brayaud. « On s’est rapproché comme une évidence », souligne Stéphane Bardin. Et quand on lui demande de citer celui de ses plats de son bouchon qui s’accorderait le mieux avec la cuvée Anthologie, il ne lui faut pas des (grandes) heures pour citer la terrine de pieds de cochon. Mathieu (28 ans) fort d’une expérience en charcuterie à Davayat est effectivement en train de se faire une petite réputation dans le domaine.Un Madargue parfait pour accompagner la terrine de pied de cochon.
« Mes cochons viennent d’une exploitation de l’Allier, à Paray-le-Frésil, c’est un gage de qualité », explique-t-il. Désossés, agrémentés de persil, vin blanc, cornichons et graines de moutardes, les pieds de cochons préparés bénéficient ensuite d’une longue cuisson à basse température. Servie fraîche et bonifiée par des pickles faits maison, la terrine peut donc lancer des repas auvergnats simples, sans prétention. Et c’est ce qui plaît. Il ne reste plus qu’à déboucher une bouteille d’Anthologie.
Le Bouchon brayaud, 2 rue de la République, 63200 Riom.Tél. 04.73.38.28.20.E-mail : lebouchonbrayaud@gmail.com.
Textes : Thierry GauthierPhotos : Hervé Chellé