Les psy, c’est vraiment pour les fous ? : entretien avec Pierre Dumont, psychologue au CH de Clermont
Il y a une semaine, le premier ministre Michel Barnier a annoncé que le gouvernement souhaitait faire de la santé mentale la « grande cause nationale de 2025 ». Preuve que le sujet commence à être pris au sérieux. Pourtant, certains clichés ont la vie dure. Si de plus en plus de personnes consultent (d’ailleurs, la demande explose), certains ont encore du mal à passer le cap, à cause de tabous qui persistent sur les difficultés mentales et l’importance de prendre soin de ses émotions. Pierre Dumont, psychologue en pédopsychiatrie au CH de Clermont-Ferrand, animera un débat organisé par l’EPE 63 (Ensemble parents et éducateurs) ce soir, à l’Atrium, sur le sujet.
En tant que professionnel, que répondez-vous à ce vieux dicton qui dit qu’il n’y a que les fous qui vont voir des psy ? Je dis “bien sûr que les psy c’est pour les fous”, parce qu’on a tous une part de folie en nous. Elle peut nous faire souffrir, nous faire douter ou de la peine. C’est cette folie humaine que l’on voit bien d’ailleurs à travers la télévision, les réseaux sociaux, tous les drames autour de nous.Il n’y a pas les fous d’un côté et les normaux de l’autre, on est tous touchés par une certaine forme de souffrance. L’humain a des failles et fait tout ce qu’il peut pour apprendre à vivre avec, trouver un équilibre. Et les psychologues ont été pensés pour aider leurs alter egos à vivre un peu mieux leur vie douloureuse. Reconnaître et accepter cette folie qui nous caractérise tous, c’est le plus important.
Quand faut-il, selon vous, consulter un psy ? Quels signes doivent alarmer ? Il n’y a pas de règle. Tout le monde est différent et met en place des stratégies adaptatives pour supporter le rythme effréné de la vie. Certaines personnes ont besoin d’aller voir un psy très tôt, même quand les choses vont bien, histoire de discuter de leur quotidien. D’autres ont besoin de foncer et non pas de creuser et réveiller des choses avec lesquelles ils sont très au clair et qu’ils gèrent très bien. Nous, en tant que spécialiste, on invite n’importe qui à consulter un psychologue à partir du moment où il y a une rupture de la normalité, qui est subjective pour chacun. Dès qu’il y a un impact sur notre quotidien en fait. Et comme dirait Freud, “la normalité c’est de continuer d’aimer et de travailler en toute sérénité”.Le thème cette année des Semaines d’information sur la santé mentale, c'est En mouvement pour notre santé mentale. C’est important de pratiquer une activité physique pour l’esprit ? Le sport est un bon moyen de décharger l’agressivité que l’on accumule au quotidien. C’est un espace dans lequel on dépose des choses qui nous contaminent. Il y a plein de recherches en psychologie sur ses bienfaits thérapeutiques. Le fait d’être au contact de l’autre, de pratiquer une activité ludique, prendre du plaisir, s’amuser, jouer, avoir des objectifs. L’activité physique fait du bien au corps somatique, et en psychologie, on ne fait pas de différence entre le corps et l’esprit car nous sommes une entité bien plus complète que ça.
Pour rester dans le thème, vous animerez un débat en mouvement ce soir. Qu’est-ce que ça veut dire ? Je travaille avec un outil que l’on appelle le psychodrame, une méthode de soin qui utilise le mouvement. Plutôt que de raconter les complexes psychiques, on va les montrer et faire vivre des scènes réellement vécues ou qui pourraient arriver. C’est une technique qui s’approche du jeu de rôle et du théâtre. L’idée est d’avoir accès à des choses concrètes. C’est moins soporifique qu’une conférence.
Pratique. Le débat aura lieu de 18 h 30 à 20 h 30 à l’Atrium. Gratuit, tout public, sans inscription.
Propos recueillis par Angèle Broquère