Salaires au plus bas, surbooking, turnover… Une ancienne directrice de crèches privées dans le Puy-de-Dôme témoigne
Noémie (*) a été directrice de trois micro-crèches privées dans le Puy-de-Dôme il y a quelques années (et qui ont changé de propriétaire depuis). Quand elle a été embauchée à cette fonction, elle possédait un diplôme d’infirmière puéricultrice qu’elle avait décroché quelque temps auparavant. Elle détenait également une expérience dans une halte-garderie. Elle avait 22 ans. « Pour moi, cette opportunité de poste était une véritable aubaine. J’ai donc dû gérer trois structures avec dix enfants chacune et un personnel constitué d’une quinzaine de professionnels », se rappelle la jeune femme.
Son entretien d’embauche s’était tenu en visio et son contrat a été signé dans un hôtel. « Les personnes qui étaient à la tête de ces crèches n’étaient pas du département. À ce moment-là, le discours était plutôt rassurant, avec la volonté de bien faire pour les petits que nous accueillerons et leur famille. » Mais c’est aussi la dernière fois qu’elle verra en personne ses employeurs…
Très vite, Noémie est livrée à elle-même. Seuls des points réguliers par téléphone seront réalisés avec ses patrons, notamment sur l’aspect financier. Et elle découvre rapidement un système lucratif qui s’appuie sur une politique restrictive.
« Les salaires étaient au plus bas. En tant que directrice, je touchais 1.400 euros net par mois. La majorité du personnel était au Smic et avait le minimum de qualifications nécessaires. Quand une employée était en arrêt maladie, elle n’était pas remplacée. Des économies étaient aussi réalisées sur des commandes de fournitures. Par exemple, si je demandais 48 rouleaux de papier toilette, les propriétaires des crèches retoquaient ma demande pour en mettre la moitié. Enfin, il y avait des critères d’acceptation, une famille monoparentale avec un faible salaire, c’était non. »
Des situations perturbantes pour les bébésLa jeune femme découvre également « le surbooking », un usage afin d’être assuré d’avoir un taux de remplissage maximum. « Quand un enfant est malade, et sur justificatif, les parents ne sont pas facturés. Il fallait donc pallier ce manque à gagner avec le système de surbooking. De plus, il ne fallait aucun créneau vacant. Si un enfant était accueilli de 8 heures à 15 heures, un autre devait l’être de 15 heures à 18 heures. Cela crée alors un turnover permanent qui peut être très perturbant pour des bébés. »
Noémie a le sentiment que les crèches sont gérées par ses patrons comme n’importe quel autre commerce, or, « il s’agit de prendre en charge de petits enfants qui ont des besoins spécifiques. »
D’autres inquiétudes vont encore remplir le quotidien de cette directrice, comme la conformité des locaux. Elle n’hésite pas alors à faire appel à la Protection Maternelle et Infantile (PMI) du Puy-de-Dôme qui s’est mobilisée assez rapidement pour faire une inspection. De quoi mettre de l’ordre dans les normes de sécurité. « La PMI peut évaluer les conditions d’accueil, le taux d’encadrement… Mais est-elle suffisamment dotée pour contrôler la gestion financière ? Est-ce que c’est sa mission ? »
Finalement, après plusieurs mois à ce poste, Noémie préfère jeter l’éponge, mais non sans questionnement. « Comment veut-on vraiment s’occuper des plus vulnérables dans notre pays ? Il faut reconnaître les dysfonctionnements, éveiller les consciences, identifier les responsabilités des uns et des autres et agir avec discernement. »
(*) Le prénom a été modifié.
Stéphanie Merzet