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Ce que l'on sait sur le destinataire de cette lettre datée de 1801 retrouvée à Thiers

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Cet historien des sciences à l’université Paris-Saclay, originaire de Thiers, découvre cette histoire à la télévision. Sur BFM TV, un reportage reprend une anecdote insolite, dévoilée quelques semaines plus tôt dans les pages de La Montagne (notre édition du 24 août) : une lettre datant de 1801 a été découverte dans un appartement de la place du Pirou, au cœur de la cité coutelière. "Sur le coup, je me dis que c’est assez exceptionnel", confie Norbert Verdier.

Une lettre trouvée dans un grenier 

Le document, trouvé par Bertrand Vieuge et son frère Jean-Robert dans la poutre d’un appartement qu’ils rénovent, est plutôt bien conservé. Entre les lignes, les deux hommes lisent qu’un soldat s’adresse à Charles-Laurent Bernard, visiblement un compagnon d’armes. Ce dernier, imprimeur-libraire à Thiers, semble se trouver à l’hôpital. "Quand j’entends le nom du destinataire, je pense tout de suite à la thèse d’un de mes anciens professeurs à Montbrison, Claude Latta, qui a étudié la vie de Martin Bernard, l’un des trois chefs de l’insurrection des 12 et 13 mai 1839", décrit Norbert Verdier.

La thèse (*) a été rédigée dans les années quatre-vingt. En creusant, l’historien des sciences découvre que Martin Bernard est bel et bien le fils de Charles-Laurent Bernard, le destinataire de la lettre de 1801. "Quelques informations sont données sur son père. On sait notamment qu’il est issu d’une véritable dynastie d’imprimeurs."

Une dynastie d'imprimeurs

Les registres paroissiaux de Thiers ont permis à Claude Latta de suivre l’évolution de cette famille. Dans sa thèse, il indique que le premier à s’installer dans la cité coutelière est Jacques Bernard, le grand-père de Charles-Laurent. Avec sa femme, Rose Selsse, ils ont eu trois fils : Michel, né vers 1747, Jacques, né vers 1749 et Pierre, né vers 1756. "Est-ce qu’il était imprimeur?? Nous ne le savons pas. En tout cas, ces trois fils le furent", indique l’historien dans ses écrits. L’aîné à Thiers, le cadet à Montbrison (Loire) et le benjamin à Cusset (Allier). "Les imprimeurs, comme les verriers, formaient une véritable élite", écrit Claude Latta. Ce qui permet d’en apprendre plus sur le milieu dans lequel évoluait Charles-Laurent Bernard.

Une rencontre à la bataille de Marengo ?

Le destinataire de la lettre de 1801, fils de Michel Bernard, est né à Thiers le 19 février 1780. "Dans la thèse, on lit qu’il a appris le métier de son père avant d’être enrôlé dans l’armée de la République. Il a notamment participé à la bataille de Marengo en 1800", détaille Norbert Verdier. C’est sûrement dans le Piémont italien qu’il rencontre son correspondant, et que les deux hommes tissent des liens jusqu’à multiplier les mots d’affection dans l’écrit retrouvé à Thiers. "Ce souvenir [de la bataille de Marengo] était dans la famille un objet de fierté", poursuit d’ailleurs Claude Latta.

Plus tard, en 1806, Charles-Laurent reprend l’entreprise que lui cède son oncle Jacques à Montbrison, alors que son frère, Joseph, lui, reste dans l’entreprise paternelle. C’est là que naît, deux ans plus tard, son fils Martin Bernard, ouvrier typographe et homme politique français, objet de la thèse de l’historien Claude Latta. "C’est une belle trouvaille, sourit Jean-Robert Vieuge. Et la fin de l’histoire est belle."

Martin Bernard

Qui est-ce ? Né le 17 septembre 1808 à Montbrison et mort le 22 octobre 1883 à Paris. Dans la capitale, en 1833, il rejoint la Société des droits de l’Homme. Il est arrêté lors de l’insurrection manquée du 12 mai 1839, condamné à la déportation et emprisonné. Il deviendra élu du peuple après la Révolution de 1848 et l’avènement de la IIe République et siège à l’extrême gauche. Après la manifestation du 13 juin 1849, il s’exile avant de revenir en France lors de l’amnistie de 1859. En 1871, il est élu député de la Seine, à Bordeaux, et se retire de la vie politique en 1875.

(*) Claude Latta, Un Républicain méconnu : Martin Bernard, 1808-1883, Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 1982, n°2, p. 119-119. La thèse complète est consultable sur le site de la BBF.

Angèle Broquère