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Deux chercheurs ont ouvert la boîte à goûter de nos enfants et... ce n'est pas toujours très sain

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Cette tradition-là paraît immuable : les enfants d’aujourd’hui prennent un goûter en sortant de classe, comme le faisaient leurs parents. Mais ils ne mangent plus du tout la même chose.

Claire Planchat-Héry et Anthony Fardet, chercheurs à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) de Clermont-Theix (Puy-de-Dôme) ont ouvert les boîtes à goûter des 6-15 ans. Leur constat ? Guère appétissant.

Un repas "pas terrible" pour la santé et l’environnement... "Pas du tout équilibré, très orienté sur les produits sucrés, avec des aliments ultra-transformés, à base de céréales raffinées, souvent chocolatés et sur-emballés", voilà le goûter de l’immense majorité des enfants résumé par Claire Planchat-Héry. Un constat qui vaut pour toutes les catégories socio-professionnelles, les précaires comme les CSP +, qui partagent les mêmes impératifs.

"Le goûter doit être ultra-pratique, il doit rentrer dans le sac et il doit éviter de discriminer l’enfant à la récréation."

Les enfants mangent en gros tous la même chose : les compotes en gourdes à ailette, les gâteaux à base de chocolat, qu'ils soient en forme de bonhomme ou d'ourson... Donc il n'y a pas de discrimination entre eux. "Ce qui ouvre la piste d'une offre de goûter qui pourrait être portée par la collectivité ou le cuisiner de l'établissement, remarquent les deux chercheurs. Ça permettrait une standardisation dans le bon sens, avec des aliments nobles."  

 Des parents influenceurs

Jusqu’au collège, le choix du goûter revient d’abord aux parents, qui ont tendance à reproduire ce qu’ils ont connu enfants.

"Avant 8 ans, la stratégie, c’est une reconduction sociale."

On retrouve une certaine barre chocolatée, par exemple, dans énormément de goûters." A 8 ans, la culture adolescente émerge. Le plaisir est partagé entre copains. L’enfant propose ses choix. C’est le règne du chocolat. Avant la scission "plutôt genrée" qui s’opère au collège.

Quel que soit l'âge, le goûter résonne dans le cerveau comme un moment où on se fait plaisir.

Sensibles au concept "sain et durable" et à la transformation de leur corps, les filles privilégient les fruits, pendant que "les garçons renforcent le phénomène de clan pour aller vers des aliments “malbouffe”, du type pain de mie-pâte à tartiner".

Dangereuse ultra-transformation

Les ingrédients du goûter sont à plus de 80 % des produits industriels ultra-transformés, bourrés d’additifs. Or ces aliments sont associés à un risque élevé de maladie chronique et de mortalité précoce, à une santé mentale dégradée, au déficit de l’attention, à l’hyperactivité. Le déficit en fibres joue sur le microbiote, le mélange de sucre et d’acidité des sodas est catastrophique pour les dents… La liste est sans fin.

"Les céréales complètes sont protectrices pour toutes les maladies chroniques, alors que les céréales raffinées ne le sont plus et peuvent même être associées au diabète de type 2. Ces maladies apparaîtront plus tard, mais si l'enfant mange mal, elles apparaîtront de plus en plus tôt."

Anthony fardet

Parmi les risques, le chercheur pointe aussi… "un développement potentiel moindre de la mâchoire ou des dents car ces aliments ultra-transformés sont souvent plus friables, mous, visqueux, liquides, donc l’enfant mastique moins". Dans une machoire rétrécie, les dents de sagesse ne sortent plus  et restent enfermées sous la gencive. 

Sans oublier les conséquences sur l'environnement, "terrifiantes" pour Claire Planchat-Héry. "Dans les jus de fruits à base de concentré, par exemple, il faut se rappeler que ces poudres sont fabriquées à des milliers de kilomètres et transportées en France par avion ou par bâteau. La boisson est reconstituée et comme elle n'a pas de goût, on ajoute des additifs et du sucre."

Le goûter, c'est bien plus qu’un repas

Ce n’est plus un repas nécessaire à l’équilibre alimentaire de la journée. Aujourd’hui, quel que soit l’âge, le goûter résonne dans le cerveau comme le moment où on se fait plaisir. Plaisir gustatif, mais pas seulement. "Il peut y avoir un rappel d’un goûter d’anniversaire, d’un goûter en famille ou avec les copains. Le temps du goûter serait associé aux retrouvailles, à la fête."

Claire Planchat-Héry le voit même comme "un objet transitionnel", un réconfort pour l’enfant qui n’a pas pu avoir un moment plaisir avec le parent dans la journée".

"Avec la notion de plaisir et l’aliment doudou, on est face à une forme de repas qui est très affective"

Anthony fardet

 

Les industriels ne s'y sont pas trompés. En fabriquant des gâteaux en forme d'ourson, qui peut faire penser à un doudou, ils jouent sur cette corde affective.

Faut-il s’en passer ?

Si l’enfant prend un bon repas le matin, si le déjeuner est rassasiant, alors le goûter n’est pas indispensable. "Quand on est jeune et qu'on dépense beaucoup d'énergie, pourquoi pas ? En bas âge aussi, le goûter peut être utile pour travailler l'équilibre alimentaire. Mais quand il n’est pas du tout équilibré, ça devient un vrai surplus."

Comment aller vers un goûter sain et durable ?

Pour les chercheurs de l’Inrae, il n’est pas question de "diaboliser" le goûter. Mais de l’améliorer. Réduire les marqueurs d’ultra-transformation dans les produits industriels, utiliser des céréales semi-complètes plutôt que raffinées, inclure des légumineuses, relocaliser la transformation pour éviter les circuits longs… Les pistes de réflexion ne manquent pas.

Une seule certitude pour Anthony Fardet :

"On ne pourra pas s’affranchir du plaisir. Si l’aliment est seulement sain et durable, ça ne marchera pas. Il faudra aussi que ce soit bon".

Les aliments ultra-transformés sont fabriqués par des procédés industriels et enrichis d'arômes et d'additifs – émulsifiants, exhausteurs de goût, antioxydants… – pour modifier la texture, le goût ou encore la durée de conservation.

Isabelle Vachias