"Le mot cancer est un mot qui fait peur" : la difficile épreuve de l'annonce
L’opération Octobre rose permet chaque année de sensibiliser au cancer du sein, le plus fréquent chez les femmes (environ 33 % des cancers féminins). Et de rappeler que ce sont autant de personnes qui se voient un jour, confrontées au choc de l’annonce. Entre la peur, l’angoisse, la colère, la tristesse, mais aussi le déni ou le sentiment d’injustice, recevoir un diagnostic de cancer du sein est une expérience profondément bouleversante bien que le dispositif d’annonce ait grandement évolué depuis le Plan cancer 2003-2007.
« On a mis en place un dispositif d’annonce, explique le gynécologue Michel Kapella. Car les patientes prennent toujours un coup de bambou le jour de l’annonce. Le soir même, elles oublient tout ce qu’on a pu leur dire. Il faut reprendre ce qui a été dit dès le lendemain ou le surlendemain. Cela peut se faire avec une infirmière par exemple. »
Expliquer le traitementDurant cette consultation d’annonce, le médecin prend le temps d’expliquer les spécificités du cancer et de décrire les traitements choisis par une équipe de spécialistes réunie préalablement. En effet, le Plan cancer prévoit qu’une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) se tienne chaque semaine afin de proposer le traitement anti-cancéreux le plus adapté à chaque patient. Cette RCP regroupe au minimum trois spécialistes de la pathologie cancéreuse concernant le patient.
« Moi, quand j’annonce un cancer à quelqu’un, je vais jusqu’aux types de cellules pour que les gens comprennent qu’il peut y avoir aussi de très bons pronostics, détaille le médecin guérétois. Quand on fait l’annonce, on parle toujours du processus thérapeutique derrière. L’annonce, c’est 50 % de la guérison. Selon comment vous introduisez la maladie, c’est ce qui va conditionner le reste de la prise en charge. Il faut que les gens puissent accepter le traitement. »
La bibliothèque de Sainte-Feyre se met aux couleurs d’Octobre rose
Une longue attente préalableToutefois, si l’annonce se fait lors d’une consultation spécifique, l’attente entre les premiers symptômes et la confirmation du diagnostic peut être assez longue. « En général, ça commence par une boule que la femme trouve dans son sein, expose Michel Kapella. On ne dit jamais tout de suite qu’il s’agit d’un cancer du sein. On explique qu’il y a des anomalies qui nécessitent des vérifications. Car il faut savoir qu’une boule sur cinq seulement est cancéreuse. »De l’anomalie détectée est ensuite réalisée une biopsie dont les résultats sont rendus sous 10 jours environ. Si la tumeur est maligne, la patiente doit se faire reconnaître comme atteinte d’une Affection de longue durée (ALD) avant qu’une RCP se réunisse afin de lui proposer la meilleure thérapie. Toutes ces étapes peuvent être longues. « Il y a toujours des délais entre chaque étape qui peuvent un peu inquiéter les patientes », convient le soignant, également fondateur de l’association Rose en Marche.
La peur du mot cancer dans la sociétéSi tout ce schéma d’annonce se veut être le plus transparent pour le patient depuis le Plan cancer initié à l’époque par Jacques Chirac, le moment de l’annonce restera toujours un choc. Cela, notamment à cause d’un rapport biaisé de la société au cancer. « Le problème, c’est que le cancer est un mot générique qui fait peur, convient Michel Kapella. Il y a toujours le spectre de la mort. Si on va dire à quelqu’un qu’il a un taux de sucre un peu trop fort, ça s’appelle le diabète. Et le diabète, ça tue autant que le cancer. C’est la culture du cancer qu’il faudrait revoir. Alors que le cancer du sein dans la majorité des cas, on enlève la boule et c’est réglé. »
Ainsi, le cancer du sein bouleverse chaque année la vie de nombreuses femmes. L’accompagnement s’avère primordial pour traverser cette épreuve. De nombreuses associations ou groupes de parole existent qui permettent de partager ses expériences et de bénéficier du soutien des autres. « Car le cancer, c’est aussi une maladie sociale », concède le gynécologue Michel Kapella.
Vincent Faure