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Allumer le feu

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Le nouveau roman de Céline Laurens se lit d’une traite, autant parce que l’on veut savoir qui a incendié cette maison de maître dans laquelle les propriétaires ont trouvé la mort, que pour son style.


Céline Laurens nous revient avec un troisième roman, La maison Dieu, aussi magnétique que les deux premiers : Là où la caravane passe (prix Roger Nimier 2022) et Sous un ciel de faïence (2023), publiés aux Éditions Albin Michel. La couverture et le titre du livre font référence à une carte – une lame – du tarot de Marseille. Elle représente une tour moyenâgeuse foudroyée – foudroiement surnaturel ? – de laquelle deux personnages tombent. Ce qui étonne, c’est que leurs regards expriment une certaine sérénité. Le feu détruit, mais il libère également. Comme s’il fallait mourir pour mieux renaître. La carte du tarot est une mise en abîme de l’histoire du roman.

Nous sommes en Ariège, au début du siècle, où la lutte entre le Bien et le Mal n’épargne personne. Chacun s’épie dans ce village si bien décrit par Abel, l’un des habitants de La maison Dieu. Ce dernier refuse de grandir, tandis que sa sœur jumelle, Mallora, ne rêve que de fuite à grandes enjambées vers des contrées inconnues. Il y a également Élise, la domestique, arrivée grâce à une lettre de recommandation du curé de la paroisse. On la soupçonne d’être un peu sorcière. Quant au couple propriétaire de la maison à la funeste destinée, le temps a érodé leur amour. Madame passe ses journées à regarder par la fenêtre les lentes variations de la nature, tandis que Monsieur vit, reclus, dans son bureau. Il ne faut pas oublier Justin, le voisin, ancien amoureux éconduit de la maîtresse de maison. Il pêche et picole. Il raconte à Abel qu’il évite d’attraper le silure millénaire qui se cache dans les eaux de l’Hers. « Ce silure, dit-il, transporte dans son ventre un livre sur lequel est consigné l’histoire du passé et du futur de l’humanité. » Céline Laurens se délecte à narrer, non sans humour, la suite de l’anecdote. Ainsi apprend-on que cette pêche diabolique a déjà déclenché le courroux de sorcières hirsutes qui chevauchaient leur balai dans un ciel de suie.

Le roman s’ouvre sur les décombres de la maison ravagée par un incendie. Madame et Monsieur sont morts. La piste criminelle semble ne faire aucun doute. On accuse le « Mérou », un pyromane qui sévit dans la région. Mais chaque personnage peut avoir fait le coup, et le « Mérou » joue peut-être le rôle du bouc émissaire. Le roman devient polyphonique. Chacun prend la parole pour exprimer sa vérité et révéler sa personnalité névrotique. La prouesse de Céline Laurens est de se glisser dans la tête de chaque protagoniste, tout en adoptant le principe de neutralité. On se rapproche de la méthode Simenon utilisée dans les enquêtes du commissaire Maigret.

Du romanesque pur jus jusqu’à l’immorale chute.

Céline Laurens, La maison Dieu, Albin Michel. 240 pages

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