La plus grande centrale solaire de Creuse fournira de l'énergie à 7.500 foyers
Dissimulée dans un écrin de verdure, une immense forêt métallique de plus de 21 hectares fleurit désormais les hauteurs du domaine de Marchedieu à Aubusson. Ses arbres, 40.000 panneaux photovoltaïques. Son nom, « La Moisson du soleil ».
Les 40.000 panneaux photovoltaïques assurent les besoins en électricité de l’équivalent de 7.500 foyers. Crédit photo : Alexandre Moulard
Présentée pour la première fois en 2019, cette centrale photovoltaïque – la plus grande jamais créée en Creuse – a enfin vu le jour. Elle était inaugurée mardi dernier par les co-actionnaires Marc Lefranc, agriculteur à la retraite et propriétaire du site, Alexandra Mathiolon et Sophie Laval à la direction de l’entreprise énergétique SERFIM. Le tout accompagné du maire d’Aubusson, Stéphane Ducourtioux, qui a salué l’accomplissement d’un « rêve devenu réalité ». Celui de construire un parc photovoltaïque « respectueux de l’environnement et des terres agricoles déjà en place ».
Un projet à 16 millions d'eurosÀ l’origine du projet, Marc Lefranc, grand promoteur de l’énergie solaire dans la Creuse. Contacté en 2019 par de « très nombreux » énergéticiens intéressés par ses parcelles, il se dit : « Pourquoi ne pas le faire moi-même?? » Le voilà en quête d’une entreprise qui accepterait le principe de co-actionnariat pour l’aider à financer cette grande centrale solaire à 16 millions d’euros. Ce sera donc SERFIM ENR.
Du projet initial jusqu’à la mise en œuvre, tout a été pensé selon le principe d’agrivoltaïsme. « L’idée est de maintenir une activité agricole et d’élevage tout en produisant de l’énergie renouvelable », détaille fièrement Marc Lefranc. Il se tourne vers les 150 moutons qui se délectent de l’herbe grasse, à l’ombre des panneaux solaires. « L’herbe y est plus longue d’une trentaine de centimètres et mieux hydratée que sur le reste de mon terrain non-couvert par les modules photovoltaïques. » Autre avantage, « il fait plus chaud en hiver sous les tables solaires et plus frais en été. » Le bétail peut donc être sorti sur des périodes plus longues. Résultat, la production forragère de Marc Lefranc et le nombre d’ovidés présents dans le champ n’ont « pas diminué » avec la construction de la centrale.
De gauche à droite : Marc Lefranc, Stéphane Ducourtioux, Alexandra Mathiolon, Sophie Laval. Crédit photo : Bruno Barlier Pour faire coexister animaux et ferraille, il a fallu adapter la structure du parc photovoltaïque comme le précise Clément Gayraud, chef de projets énergies renouvelables à SERFIM. « On a surrelevé les tables solaires. Elles sont à un mètre du sol contre soixante centimètres habituellement pour que les moutons puissent circuler librement. » Les câbles ont aussi été fixés à la structure des modules photovoltaïques pour éviter « les étranglements » et tout contact avec les brebis.
Si les travaux ont été menés de sorte à respecter la présence du troupeau, ils ont aussi été réalisés dans le respect du site. « C’était un point essentiel pour que le projet soit accepté par les élus, se remémore le maire d’Aubusson, Stéphane Ducourtioux. Il fallait que la centrale s’inscrive dans une démarche durable. » Par exemple, des poteries de l’âge de pierre et un site funéraire antique ont été découverts lors des travaux de préparation?; des espèces végétales protégées ont également été signalées. À ces endroits, aucun panneau solaire n’a été installé. En outre, la localisation du domaine de Marchedieu est particulièrement intéressante pour y mener un projet de développement durable. Sa spécificité tient à la proximité du poste source EDF de la Séglière. « Il faut d’ordinaire faire plusieurs kilomètres avant de trouver un poste source [qui relie le réseau public de transports d’électricité au réseau public de distribution], détaille Clément Gayraud. Le problème c’est qu’on doit creuser des tranchées sur tout autant de kilomètres pour enfouir les câbles », ce qui perturbe, voire dégrade, nécessairement l’environnement.
La plus grande centrale jamais réalisée« C’est important pour nous de montrer que l’agrivoltaïsme, souvent critiqué, peut fonctionner », ajoute Alexandra Mathiolon, présidente directrice générale de SERFIM, « très heureuse d’avoir concrétisé le projet le plus important jamais réalisé » par son entreprise. La Moisson du soleil c’est en effet 40.000 panneaux photovoltaïques capables, à terme, de produire plus de 25 gigawatts/heures, soit l’équivalent des besoins en énergie de 7.500 foyers. « Cette centrale va permettre de réduire les émissions de CO2 tout en garantissant des retombées économiques importantes pour Aubusson. » La commune touchera en effet 20 % des 75.000 euros annuels sur l’impôt foncier. De son côté, Marc Lefranc ne sera pas non plus en reste. Co-actionnaire à 35 % de la centrale photovoltaïque, il encourage tous les agriculteurs à conserver « une part de la vente d’énergie renouvelable » pour diversifier leurs revenus tout en restant maître de leurs terres.
La loi d'accélération de la production d'énergie renouvelable (APER), en vigueur depuis avril 2023, a renforcé les critères d'exigence en matière de centrale photovoltaïque. Désormais, ces parcs énergétiques ne peuvent être installés au sol que sur des terres incultes, dégradées. L'objectif : « préserver les terres agricoles et garantir notre souveraineté alimentaire. »
Camille Moreau