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Октябрь
2024

“La Pensée perverse au pouvoir” : le livre le plus cruel jamais écrit sur Emmanuel Macron ?

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“On a énormément de mal à rehausser la politique au niveau de la pensée”, déclarait Emmanuel Macron en 2015 avant de devenir président. “Lui n’en a aucun à rabaisser la politique au niveau de la pensée perverse”, lui rétorque, comme du tac au tac, le sociologue Marc Joly dans un essai aussi désolant (pour Macron) que jubilatoire (pour les lecteur·rices), La Pensée perverse au pouvoir. Peut-être le livre le plus cruel jamais écrit sur le président, parce que le plus lucide et féroce dans l’exploration de sa structure mentale. 

Qualifier Macron de pervers narcissique pourrait sembler un peu facile et risqué, compte tenu du défaut bien connu de trop “psychologiser“ les leaders politiques qui, par définition, ne peuvent jamais être des modèles de vertu, tant le pouvoir les obsède. Pourtant, Joly se refuse de jouer au psychologue de service, comme tant d’éditorialistes politiques aiment le faire, car il se veut avant tout sociologue (spécialiste des œuvres de Norbert Elias et de Pierre Bourdieu, entre autres). Un sociologue simplement préoccupé par la prospérité actuelle des formes nouvelles du psychisme, au premier rang desquelles la perversion narcissique. Et en bon sociologue qu’il est, Joly sait d’ailleurs “qu’il n’y a de prospérité de la pensée perverse qu’à la faveur d’une crise de la violence symbolique”.

Dire tout et son contraire : une matrice du pervers

En travaillant sur l’œuvre du psychiatre Paul-Claude Racamier (1924-1996), créateur de la catégorie de perversion narcissique, et après avoir écrit un livre sur le sujet, La Perversion narcissique, étude sociologique (CNRS éditions, 2024), Marc Joly a été très frappé, au moment de la dissolution de l’Assemblée nationale au printemps, par la volonté de Macron de semer la confusion, tout en affirmant vouloir clarifier la situation. Dire tout et son contraire : une matrice du pervers. “Il a été un voleur de clarté”, écrit Joly.

Derrière la façade de “jeune homme si parfait”, une “inquiétante carence du caractère”, un “troublant défaut de construction psychique” se laissaient alors deviner. Selon le sociologue, “il est difficile de ne pas être perturbé par la cohabitation entre, d’un côté, une ligne de force narcissique dont l’élitisme impitoyable et l’autoritarisme tout-puissant s’annoncent comme tels, et de l’autre un enrobage séduisant qui suggère tout le contraire : l’empathie, l’attention aux autres, le souci de protéger les plus faibles, le désir de donner un réelle chance à tout le monde, le sens de l’intérêt général“.

Toute-puissance masculine 

Marc Joly s’appuie ainsi sur les thèses fondatrices de Racamier, qui rappelait que “la vérité n’importe pas au pervers narcissique”. “Aucun scrupule n’arrête le narcissique en son triomphe : rien ne lui résiste, tout lui appartient, tout doit se soumettre et plier. De tous côtés, il commande, surveille et dirige”, rajoutait-il, comme un résumé descriptif de la personne de Macron, chez qui se conjoignent deux fantasmes de toute-puissance masculine : “la toute-puissance du tycoon disruptif auquel aucun obstacle ne résiste” , et la toute-puissance “du père de la Nation ou du monarque, dont la parole souveraine reflète une vérité inaccessible au commun des mortels”. Son incapacité à nommer une Première ministre de gauche “tient autant à ce narcissisme mégalomaniaque qu’à sa fonction objective de président au service du capital”, précise Joly. 

Comme chez tous les pervers narcissiques, la contradiction n’est pas le problème de Macron. Sans dette, ni filiation aucune, “il n’a jamais de compte à rendre, il n’est jamais responsable de rien“ , il ne comprend rien alors qu’il croit tout comprendre. “Macron est incapable de prendre la mesure de la contradiction entre sa soif individuelle de pouvoir souverain et la faible disposition sociale à accepter une autorité qui ne fasse pas la preuve de sa contribution au service de l’intérêt commun” , affirme Joly. Incapable de considérer un autre point de vue que le sien, “inaccessible à la moindre remise en question autre que posturale”, Macron démontre “son incompétence fondamentale en matière d’évaluation de lui-même et d’appréciation des situations”. 

Animaux politiques

Ce n’est même pas un costume que Marc Joly taille au président pour l’hiver à venir ; c’est un diagnostic appelant un traitement médical, psychique et politique, qu’aucun médecin ne sera capable de lui prescrire. Certes, l’histoire politique n’est pas pleine de gentils et innocents animaux politiques, surtout lorsqu’ils arrivent au sommet du pouvoir.

Mais, même du temps de Nicolas Sarkozy, suscitant à l’époque beaucoup de diatribes courroucées contre sa présidence bling-bling, jamais un président en exercice n’a connu un tel réquisitoire : celui mettant à nu un mode de fonctionnement visant à “embrouiller pour nuire et à nuire en embrouillant”. Gare au pervers.

La Pensée perverse au pouvoir de Marc Joly (anamosa), 286 p., 20€. En librairie le 10 octobre.