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Hausse des impôts : les profits des multinationales et les Français fortunés dans le viseur du gouvernement

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Le gouvernement de Michel Barnier a décidé de passer la vitesse supérieure pour sortir la France d’un déficit qui se creuse de jour en jour. Pour le ramener à 5 % du PIB en 2025 (contre au moins 6 % à ce stade), Matignon promet 40 milliards d’économies (dont la moitié proviendrait de l’État, le reste de la Sécurité sociale et des collectivités locales) et 20 milliards de recettes supplémentaires générées par les impôts. Cette hausse de la fiscalité, appelée « justice fiscale » par le Premier ministre, s’oppose frontalement à la doxa du macronisme.

Mais en limitant l’essentiel de la contribution aux Français les « plus fortunés », Michel Barnier sait pouvoir compter sur les faveurs de l’opinion publique. Et espère obtenir, sur ce plan, une relative clémence de la gauche à la veille de la présentation du budget, jeudi au Conseil des ministres puis le lendemain à la commission des finances de l’Assemblée nationale.

Qui paie l’impôt sur le revenu ?

En 2023, l’impôt sur le revenu a rapporté à l’État plus de 82 milliards d’euros, ce qui représente 20,8 % des recettes fiscales de l’État.

Le nombre de foyers assujettis, c’est-à-dire ayant réglé l’impôt sur le revenu, était de 18,2 millions sur les 40,7 millions de foyers fiscaux devant rédiger une déclaration. De fait, seuls 44,7 % des foyers fiscaux sont imposables. Le montant moyen de l’impôt s’établissait, en 2023, à 4.663 € sachant que plus de 12 millions de foyers fiscaux bénéficient d’une réduction d’impôt ou d’un crédit d’impôt, soit trois foyers sur dix.

Les 10 % des foyers les plus aisés ont payé, en 2022, 75 % de la recette de l’impôt sur le revenu. C’est 0,62 point de plus que l’année précédente et 4,35 points de plus qu’en 2019.

Pourquoi le gel  du barème a-t-il été abandonné ?

Chaque année, les seuils d’entrée dans les tranches du barème de l’impôt sont relevés en fonction de la hausse prévisionnelle de l’inflation. Le but est de ne pas faire grimper la fiscalité pesant sur les travailleurs quand ces derniers n’ont pas profité d’une augmentation de salaire supérieure à la hausse des prix.

Dans sa quête de recettes supplémentaires, laisser ces seuils inchangés à titre exceptionnel aurait permis à l’État de récupérer environ 2,7 milliards d’euros. Mais des foyers dont les revenus en euros constants n’ont pas évolué auraient été davantage taxés. Et certains, échappant jusqu’à présent à l’impôt, seraient devenus imposables.

Cette piste, un temps envisagée, a finalement été écartée car elle ne respectait pas le principe affiché par Michel Barnier : ne pas taxer davantage « les classes moyennes » ni « ceux qui travaillent ». Ce qui n’exclut pas un impôt spécifique sur les plus riches.

Quelle taxe sur les profits ?

Dans son discours de politique générale, le 1er octobre, à l’Assemblée nationale, Michel Barnier a indiqué qu’« une participation au redressement collectif » serait demandée « aux grandes et très entreprises qui réalisent des profits importants ». Cette piste a l’avantage, pour le Premier ministre, de se mettre dans la poche une majorité de Français, vent debout face aux profits parfois exorbitants enregistrés par de grandes multinationales en raison de l’état du marché et non de leurs investissements particuliers.Selon un sondage du quotidien Les Échos, 84 % des Français y sont favorables.

Cette « contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises », comme cela avait déjà été le cas en 2017, consiste en une surtaxe de 8,5 points de l’impôt sur les sociétés, qui rapporterait 8 milliards d’euros aux caisses de l’État et concernerait les groupes dépassant un milliard de chiffre d’affaires. Soit « 300 entreprises » pendant « un an ou deux », a précisé Michel Barnier.

Le Premier ministre a pris soin d’insister que l’effort, « ciblé, limité dans le temps », serait « sans remise en cause de notre compétitivité ». Car sur ce sujet, son gouvernement, précaire politiquement, se trouve confronté à un bloc central divisé entre des macronistes de gauche, comme Yaël Braun-Pivet, qui soutiennent l’idée et une aile droite réfractaire, à l’image de Gérald Darmanin qui a fait une ligne rouge de toute hausse d’impôts sur les ménages comme sur les entreprises les plus riches. Le député du Nord, s’il n’était pas entendu sur ce point, a menacé le Premier ministre de ne pas soutenir son gouvernement où siègent pourtant treize membres de Renaissance.

A contrario, cette hypothèse est défendue depuis plusieurs mois par le MoDem. Mais les proches de François Bayrou militent pour taxer les dividendes plutôt que les superprofits. « Les premiers sont perçus par les actionnaires d’une entreprise. Les seconds sont réalisés par l’entreprise elle-même, et peuvent donc servir à rémunérer les actionnaires, mais aussi à réaliser des investissements dans l’entreprise, par exemple », distinguait en mars, sur franceinfo, Jean-Paul Mattei, l’ancien président du groupe à l’Assemblée nationale.

Quant à la gauche, « taxer les superprofits » est, depuis longtemps, un marqueur fort et aurait été l’une des premières mesures que le Nouveau Front populaire (NFP) aurait défendue si les portes de Matignon s’étaient ouvertes à Lucie Castets. Lors de la présentation du programme économique du NFP, le 21 juin, le sénateur socialiste de l’Oise, Alexandre Ouizille, avait attaqué « les entreprises qui bénéficient disproportionnellement des crises que nous traversons et qui doivent (donc) contribuer à les régler ».

Qui sont les « plus fortunés » ?

Du côté des particuliers appelés à mettre la main à la poche, la piste d’un relèvement de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) est préconisée par Matignon. Depuis 2012, elle vient s’ajouter à l’impôt sur le revenu et atteint 3 % pour les célibataires dont le revenu fiscal de référence dépasse 250.000 euros (500.000 euros pour un couple marié ou pacsé sans enfant) et 4 % à partir de 500.000 euros (1 million d’euros pour un couple). Cette « surtaxe » pourrait être triplée annonce Le Parisien. Une opération qui pourrait rapporter 3 milliards d’euros aux caisses de l’État. Seuls « 0,3 % » des ménages Français seront concernés. Ce qui correspond à 65.000 foyers, indique Bercy.

L’électricité plus taxée ?

Bercy a confirmé dimanche une information parue la veille dans Le Parisien : le quotidien révélait que le ministère des Finances envisageait d’augmenter la taxe sur l’électricité au-delà du niveau d’avant la crise énergétique. Ce qui est loin de faire consensus y compris chez la ministre de la Transition écologique. La baisse des prix sur le marché international « permet de remettre la taxe que payaient les Français avant la crise de l’énergie au niveau d’avant-crise. Simplement, il ne faut pas aller au-delà », a réagi Agnès Pannier-Runacher sur France 3.

Même si Bercy assure qu’il n’y a « rien de définitif » et que « ce sera soumis au débat parlementaire », le sujet est explosif car il touche aussi bien les particuliers, notamment les plus modestes, que les entreprises.

Nathalie Van Praagh