Une vraie culture du manga français
Bien sûr qu’il a feuilleté les albums de Tintin et d’Astérix. Les histoires de Spirou lui sont vite apparues un peu mièvres. Trop bisounours ! « Mais les mangas, ça bougeait, ça pulsait. C’était sur vitaminé. » Toute l’énergie du petit môme d’alors se retrouvait dans ces dessins venus d’ailleurs.
Il les dévore, les décortique et rêve déjà d’en faire naître sous son crayon. Une enfance à gribouiller quoi. Seul devant la page blanche. C’est toujours en solitaire qu’il va avancer dans la technique, progresser.
Autodidacte« Je n’ai pas pris de cours, suivi de formation. Je me suis inscrit sur des forums internet et échangé avec d’autres passionnés. Fais et refais mes esquisses, usé des gommes. À part les murs, j’ai dessiné partout. Et à un moment, j’ai senti que j’étais arrivé à une certaine maîtrise. » Autodidacte, c’est comme cela que l’on dit, non !
Mais pour en faire quoi ? « Et bien pour dire aux parents qu’on laisse tomber les études pour devenir mangaka. » S’ensuivent des petits boulots alimentaires et de longues parenthèses à esquisser un premier projet. Une ambiance policière en trois tomes, Sweet Konkrete qu’il soumet à deux éditeurs. « Bingo, ça marche du premier coup. On est en 2022, j’ai mon premier livre entre les mains. Je l’ai respiré. Odeur de papier et d’encre. Un sentiment de fierté. » La série va être éditée dans trois autres pays, Allemagne, Italie et Serbie.
« Les enfants aiment dessiner des mangas ». Mais déjà, Senshiro phosphore sur un autre projet. Sur un autre style aussi. « Moins policier, plus romance. J’ai envie de travailler sur mes personnages, de les étoffer. Ça répond aussi à une attente des lecteurs. » De fait entre salons, dédicace, l’auteur prend le pouls de ce public de lecteurs gourmet de mangas.
« Ce dernier s’est éloigné des racines japonaises, de la culture du Pays du soleil levant. Perso, je ne suis jamais allé là-bas. » On peut désormais inscrire une histoire de manga dans un environnement corrézien.
Il a abandonné la mine graphite pour la tablette numériqueAutre nouveauté, Senchiro a abandonné la mine graphite pour la tablette numérique. « Le coup de crayon est identique mais on peut refaire à l’infini. » Idéal donc pour la nouvelle série sur laquelle il travaille, Running to your hearth .
En attendant, Senchiro poursuit sa résidence à la médiathèque ponctuée de plusieurs animations. Une rencontre littéraire et une exposition à la médiathèque, un atelier dessin, des médiations dans plusieurs écoles et pour finir une restitution de son séjour à Vichy. Il se dit surpris « non pas pour l’engouement des tout jeunes pour le manga mais par leur capacité à prendre le crayon et à s’exprimer sur la page blanche. » Comme si le manga avait libéré la main.