Il y a 24 ans, deux squelettes étaient découverts dans le « cimetière » d'Émile Louis
Vingt-quatre années se sont écoulées. Si Émile Louis n’est plus, son ombre plane encore à Rouvray, village de moins de 500 âmes, où les fouilles dans son « cimetière », là où il a enterré plusieurs de ses victimes, ont repris le 24 septembre 2024 sous l’impulsion du parquet d’Auxerre. Ici, les quelque 140 militaires mobilisés espèrent retrouver la dépouille de Marie-Jeanne Ambroisine Coussin, dont le crâne avait été découvert par un chasseur en décembre 2018. À seulement 400 mètres de l'endroit où les corps de Madeleine Dejust et Jacqueline Weis avaient été découverts en 2000, lors des premières fouilles.
Sept sites de fouillesSept parcelles, pour sept victimes recherchées, avaient alors été explorées sur les indications d’Émile Louis. Le tueur en série avait avoué, quelques heures avant d'arriver à Rouvray, le meurtre de sept jeunes filles âgées de 16 à 22 ans, toutes suivies par la Ddass. Il était leur chauffeur de car.
Émile Louis avait été conduit du Var jusque dans l'Yonne, pour indiquer aux gendarmes où il avait inhumé les corps des sept victimes dont il venait d'avouer les meurtres.
Émile Louis confiait les avoir enterrées dans les environs. Des aveux formulés aux enquêteurs de Draguignan, où il avait été placé en garde à vue. Parti du Var à 2 heures du matin, Émile Louis avait été conduit vers 9 heures, dissimulé sous une couverture, à bord d’une Renault Laguna, sur les bords du Serein. Dans un périmètre restreint d'un kilomètre le long de la rivière, là où il avait ses habitudes de pêche. Un terrain glaiseux, rendu boueux par la météo de ce mois de décembre 2000.
Des centaines de pièces collectéesLa pelleteuse explorait le sol cinquante centimètres par cinquante centimètres. Chaque godet était analysé. S’ils découvraient un indice, les gendarmes s’arrêtaient et poursuivaient à la main. Et seulement trois jours après le début des recherches, un premier squelette était sorti de terre en bordure du Serein, le lundi 18 décembre 2000 à 15 heures. Un squelette complet, légèrement allongé sur le côté, avec des débris de vêtements encore visibles. Cinq piquets plantés dans le sol matérialisaient l’emplacement du corps retrouvé à un peu moins d’un mètre de profondeur, près d’une mare. Émile Louis ne s’était trompé que de dix mètres. « Il nous a conduits vers la mare et désigné une margelle sous laquelle il disait l’avoir enterré », racontait un officier de gendarmerie.
Fouilles dans l'Yonne : des morceaux de vêtements découverts dans le « cimetière d'Émile Louis »
Le terrain accidenté et la météo ont rendu les fouilles particulièrement difficiles.
Le lendemain, les recherches se poursuivaient à 200 mètres à l’ouest, en lisière de champ. Le deuxième lieu désigné par le tueur. Mais la proximité immédiate du Serein rendait les recherches bien plus compliquées, l’eau s’infiltrant à mesure des coups de pelle. Seuls des vêtements féminins étaient découverts sur le deuxième et le troisième site, alors que l’état du sol, détrempé, limitait considérablement les investigations. Des chaussures, des sous-vêtements, du parfum, du maquillage… Ce sont au total une centaine de pièces que les militaires collectaient lors des fouilles. Deux des familles des disparues, auxquelles a été présenté un album de 105 photographies, reconnaissaient les vêtements de leur fille ou sœur. Ginette Plumel en était certaine. « Le pull de toutes les couleurs, une paire de nu-pieds et un pantalon rouge » appartenaient à sa sœur Bernadette Lemoine.
Les gendarmes ont collecté une centaine de vêtements, de sous-vêtements, de produits de maquillage, de flacons de parfum.
Il fallait attendre le jeudi 4 janvier 2001, jour de recherches sur le quatrième site, pour découvrir, en plus des vêtements, de nouveaux ossements à seulement trente centimètres de profondeur. Ce squelette complet se trouvait à une dizaine de mètres du point indiqué par Émile Louis, près du Serein dont le lit s’était déplacé, quinze ans après l’inhumation des disparues de l’Yonne. Les gendarmes, après l’exploration vaine des deux derniers sites, arrêtaient discrètement leurs recherches.
Ce n’est que vingt-quatre ans plus tard, en septembre 2024, que de nouvelles fouilles ont été ordonnées dans l’espoir de retrouver la dépouille de Marie-Jeanne Ambroisine Coussin dont le crâne a été découvert dans le « cimetière » d’Émile Louis. Dans ce sous-bois de 8.000 m² composé de parcelles forestières, dont l’une avait été partiellement fouillée en décembre 2000 sur les instructions d’Émile Louis. L’un des sept sites déjà explorés et dont le périmètre de recherches risque fort d’être étendu, au regard des mouvements de terrain. Les cinq victimes manquantes (Martine Renault, Françoise Lemoine, Bernadette Lemoine, Chantal Gras et Christine Marlot), ainsi que Marie-Jeanne Ambroisine Coussin, sont décédées il y a plus de quarante ans. Lancées à la fin du mois de septembre 2024, les opérations de recherches doivent se poursuivre au moins jusqu'au vendredi 4 octobre.
Tiphaine Sirieix