En Creuse, l'association ASSEEPT Casamance jette un pont humain entre ici et le Sénégal

En arrivant en France en 2006, Yaya Mballo n’a pas abandonné sa Casamance natale, au Sénégal. À chacun de ses retours dans son village de Guiré Yéro Bocar, il emmenait dans ses bagages « des livres, des vêtements, des lunettes, des médicaments, des moustiquaires », tout ce qui pouvait améliorer le quotidien des habitants.

Ils sont 20.000 dans ce village enclavé à plus de 20 km de la première ville. « On manque de tout là-bas. Jusqu’à il y a 2-3 ans, il n’y avait pas d’électricité, pas d’eau courante. La route, c’est une piste qui n’est pas goudronnée », ce qui rend les déplacements quasi impossibles pendant la saison des pluies, détaille Yaya Mballo.@ Bruno Barlier 

Un cadre associatif pour aider davantage

Déjà engagé au quotidien pour la population avant d’arriver en France – il travaillait alors pour l’ONG Association française des volontaires du progrès – cet enfant du pays a cherché comment continuer à aider son village. Avec son épouse, il se rapproche d’un autre Creusois d’origine sénégalaise, Ousmane Ndiaye, et tous les trois créent, en 2010, l’association ASSEEPT Casamance, pour Action de solidarité pour la santé, l’éducation et l’environnement pour tous en Casamance.

« J’ai rencontré vraiment beaucoup de personnes, que ce soit le monde associatif, des élus, mes voisins, tout le monde avait envie de faire quelque chose. »

@ Bruno Barlier 

La solidarité et la générosité creusoise ne se sont pas fait attendre. Pour financer ses actions, l’association organise chaque année brocante, fête africaine, évènements caritatifs, et bénéficie de subventions de municipalités creusoises. Des bibliothèques municipales, des établissements scolaires par exemple, font don de manuels scolaires et de livres.

« En contrepartie, l’association venait dans les classes de 5e pour sensibiliser les élèves à la solidarité et au vivre-ensemble. » En 2012, 700 livres arrivent ainsi jusqu’à Guiré Yéro Bocar, 1.500 en 2014, et chaque année un peu plus jusqu’à occuper une salle de classe entière.

L'éducation, mais aussi la santé, la prévention, l'économie...

L’idée de créer une bibliothèque municipale fait son chemin. Le président de l’ASSEEPT en parle à un architecte et un agent immobilier, des amis avec qui il voyage souvent au Sénégal. Le premier s’attelle aux plans et le second s’engage à reverser 100 € à l’association à chaque vente réalisée pour financer une partie du projet (30.000 € ont été reversés au total).La construction de la bibliothèque municipale de Guiré Yéro Bocar a été permise par la générosité et le travail de l'association ASSEEPT @ Bruno Barlier

Réalisée par un artisan local, la bibliothèque bioclimatique de Guiré Yéro Bocar compte aujourd’hui 20.000 ouvrages. « Les derniers 5.000 livres viennent de partir », se réjouit Yaya Mballo. Cette bibliothèque rayonne auprès de cinq communes alentour.

« Sans électricité, sans réseau téléphonique, sans ordinateurs, la seule source de documentation, ce sont les livres. Cette bibliothèque, c’est une fierté, ça a sorti le village des ténèbres. Ce village qui était inconnu, aujourd’hui, vous tapez sur Internet, vous le voyez. »

Cette bibliothèque a raflé au passage quelques prix dont celui de l’AFEX de l’architecture française dans le monde. Elle a aussi été nommée au premier Forum mondial Bâtiments et Climat de Paris en mars dernier et s’apprête à être dupliquée dans cinq autres villages.@Bruno Barlier 

Si l’association s’investit dans l’éducation et le développement culturel, elle œuvre aussi énormément dans le secteur de la santé. Grâce à elle, le seul poste de santé de Guiré Yéro Bocar fonctionne désormais avec un infirmier diplômé d’État, reçoit régulièrement des dons pour s’approvisionner en médicaments et dispose d’une ambulance toute équipée, cédée par le SDIS23. Chaque année, 2.000 paires de lunettes parviennent en Casamance par le biais de l’ASSEEPT, qui facilite également la venue de soignants creusois pour mener des actions ponctuelles de prévention auprès de la population.

L’association s’efforce de construire des ponts entre la Creuse et la Casamance, pour porter des projets, créer des échanges, s’enrichir d’expériences. 

« On a mis en relation la Chambre de métiers et d’artisanat de Creuse avec celle de Kolda. Des artisans d’ici et de là-bas travaillent ensemble sur des échanges d’expérience, nos élus sont partis là-bas et les élus sénégalais viennent aussi régulièrement. »

Parmi toutes ses actions cette année, l’ASSEEPT a collecté du matériel d’artisanat inusité auprès des professionnels creusois pour le faire parvenir au Sénégal. « Les artisans qui n’ont pas d’outils et qui n’ont pas d’électricité chez eux pourront venir travailler dans une salle où ces outils seront installés », détaille son co-président.Le SDIS 23 a fait don d'une ambulance équipée à l'association ASSEEPT @ Bruno Barlier

Des étudiants ont aussi l’opportunité de se former ici, en Creuse, grâce à des partenariats avec des établissements comme le lycée de Saint-Vaury, qui a accueilli un élève casamançais pendant trois ans pour le former aux métiers de l’électricité. De la même façon, une professeure du lycée d’Ahun est venue travailler avec les populations sur la problématique de l’eau et des déchets.

Participer à ces Trophées des entreprises, c’est surtout l’occasion pour Yaya Mballo de remercier l’ensemble des Creusois. « On veut leur montrer tout ce qu’ils ont fait sans peut-être même s’en rendre compte. » 

L’association ASSEEPT Casamance est nommée dans la catégorie « Engagement ». La soirée de remise des Trophées se tiendra le 12 novembre, inscriptions à partir du 12 octobre.

Texte : Julie Ho Hoajulie.hohoa@centrefrance.comPhotos : Bruno Barlier