« C’est bien plus que juste du raisin » : deux Creusois redonnent vie à des vignes oubliées de la région montluçonnaise
Solidement enracinées dans la terre, les vignes de la région montluçonnaise ont vu plusieurs générations se succéder. Longtemps cultivées, elles ont progressivement été délaissées voire, par beaucoup, oubliées. Mais plusieurs parcelles sortent aujourd’hui de leur sommeil.
Des vignes qui ont entre 50 et 100 ansSécateurs en main, Sébastien Bussonnière et Nawal Sekkat inspectent les grappes de ceps ayant poussé au sud de Domérat. « Cette année, il n’y aura pas beaucoup de raisins », constate Sébastien Bussonnière en s’attaquant à une nouvelle ligne. « Les grosses pluies et le gel ont fait pas mal de dégâts. »
Nawal Sekkat et lui ont débuté les vendanges ce samedi 28 septembre pour plusieurs jours. Leurs premières sur les parcelles qu’ils exploitent depuis peu sur la région montluçonnaise. Au total, un hectare éparpillé sur les communes de Lignerolles, Domérat et Huriel.
« Ce sont des parcelles qui ont plus de 50 ans. Plus de 100 ans pour certaines. »
Sébastien Bussonnière
Avec des cépages principalement de vins blancs et rouges dont un peu de « l’emblématique du territoire » : le gouget noir. Mais aussi du gamay, du pinot noir, du chardonnay, du riesling, du pinot blanc, du gewurztraminer ou du plantet seibel.
Mais si le couple exploite ces parcelles, il n’en est pas pour autant propriétaire. « Nous ne les avons pas rachetées. Nous sommes en location. Par le bouche à oreille, les propriétaires, principalement des personnes âgées, nous ont contactés pour qu’on s’occupe des vignes comme ils ne peuvent plus le faire. »
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« C’est bien plus que juste du raisin »Le couple, arrivé de Lyon il y a un peu plus de trois ans, produit depuis 2022 du vin naturel en Creuse, au Moulin de Rameau à Chambonchard. « Nous avons un peu de vignes déjà exploitées en Creuse et nous achetons un peu de raisin en bio, notamment du Châteaumeillant. Ce sera notre troisième millésime cette année. Nous avons sept cuvées différentes : trois rouges, un blanc, un blasé, mélange de blanc et rosé, un rosé et un rosé pétillant », précise Sébastien Bussonnière.
« Nous avons un projet de plantation sur la Creuse. Alors en attendant, comme ce n’est pas très loin de chez nous, cela nous a intéressés de nous occuper de parcelles de vignes de la région montluçonnaise. Mais nous ne connaissions pas du tout son histoire. »
Nawal Sekkat
Et ils en apprécient aujourd’hui l’importance. Car celle-ci fait partie du patrimoine et de l’histoire locale. Une histoire remontant au XIIe siècle et au cours de laquelle, au début des années 1900, Domérat a été la première commune viticole de l’Allier avec plus de 1.300 hectares de vignes, une surface équivalente à un tiers de la commune.Pour produire leur vin, Sébastien Bussonnière et Nawal Sekkat exploitaient jusque-là un peu de vignes en Creuse et achetaient du raisin en bio. Photo : Cécile Champagnat
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« Beaucoup de familles vivaient de ces vignes », rappelle Nawal Sekkat. « Aujourd’hui, leurs propriétaires sont donc contents de voir que quelqu’un les cultive. » Et leur redonne vie. D’autant qu’il ne reste plus qu’un peu plus d’une dizaine d’hectares aujourd’hui.
« Les propriétaires de ces parcelles tiennent à ce que cela reste de la vigne. Ils y sont attachés. Et partagent volontiers leur expérience. » Sébastien Bussonnière soutient : « C’est bien plus que juste du raisin. Il y a un attachement. Il y a beaucoup d’échanges autour de ces vignes. »
Un important travail de remise en étatMais pour le couple, la tâche n’est pas de tout repos, certaines vignes ayant longtemps été délaissées. « Il y a beaucoup de travail de remise en état. Il nous faudra un peu de temps. Nous sommes deux [ils ont pu néanmoins compter sur une quinzaine de personnes pour les aider les premiers jours de vendange, NDLR.] et nous faisons tout à la main », explique Nawal Sekkat. Pas question donc, pour l’instant, de gérer d’autres terres de la région montluçonnaise.
« On va faire avec ce qu’on a déjà », poursuit, avec un sourire, Sébastien Bussonnière. « Par exemple, là, à Domérat, nous sommes sur une parcelle de 2.500/3.000 m2. Et, juste derrière, on a le double, en friche, envahi de ronces. Il y a donc des endroits où il faudra repartir de zéro. » En prenant en compte les spécificités de chaque parcelle.
« Le sol, ici, est granitique ce qui donne une minéralité au vin. Mais cela varie d’une parcelle à l’autre. Il y a deux climats différents. »
Sébastien Bussonnière
« À Lignerolles, on se rapproche des coteaux du Cher. Le sol est plus humide. À Domérat, le sol est plus sec, il y a plus de vent, c’est plus ensoleillé. Il faut s’adapter à tout cela et c’est passionnant. Il y a beaucoup de facteurs, ce qui fait que chaque millésime est unique. »
À terme, Sébastien Bussonnière et Nawal Sekkat devraient arriver à produire, grâce à ces différentes parcelles, entre 3.000 et 4.000 bouteilles les belles années. « Mais cette année, il y en aura moins de 1.000. » Pour quelle appellation ? « On aime bien les noms d’oiseaux donc avec le vin d’ici, cela pourrait être le rouge-gorge ou pourquoi pas le chardonneret. Mais cela pourrait également être des noms [déjà utilisés pour certaines de leurs cuvées, NDLR.] comme le blasé ou la louve. »
Laura Morel