Activité minière passéiste ou innovation technique : faut-il ouvrir une mine de Lithium dans l'Allier ?
Une énième étape du projet minier est sortie de terre, ce lundi soir, au cinéma de Moulins. Devant une centaine de personnes (preuve que le sujet mobilise encore et toujours), le compte rendu du débat public, déployé du 11 mars au 31 juillet, a été détaillé pendant plus d’une heure.
Sur scène, le président de la CNDP (Commission nationale du débat public), Marc Papinutti, s’est d’abord réjoui du retentissement de celui-ci. Un impact résumé en quelques chiffres : 3.628 participants aux réunions publiques, plus de 500 articles dans la presse, 500.000 vues sur YouTube…
Impacts à préciser, études à finaliserAlors, que faut-il en retenir?? Quels sont les enseignements à tirer de ce long, complet et parfois fastidieux débat? ? Un point, au moins, fait l’unanimité : « Le débat a permis de nettement clarifier les connaissances sur le projet, assure son président Mathias Bourrissoux. Imerys a produit au fil du temps de nombreuses données complémentaires. » Mais, plus encore que de répondre à des questions, le débat en a ouvert de nouvelles. À la pelle.
Les points qui cristallisent l’attention résidant dans deux visions, irréconciliables. Pour l’une, l’activité minière est passéiste, dangereuse et polluante. Pour l’autre, l’innovation technique permettra de la faire progresser dans un objectif de moindre impact. Aller au-delà de ces clivages, c’était l’ambition de la CNDP, dont l’objet n’est pas de se prononcer pour ou contre la mine, mais de donner la parole à chacun et d’en faire la meilleure synthèse.
Synthèse qui reprend les sujets les plus débattus quatre mois durant. Au premier rang des questionnements, l’impact environnemental d’une nouvelle mine. Des craintes fortes se sont exprimées sur la biodiversité locale, les émissions de gaz à effet de serre, la ressource en eau (pour le Cher et la Sioule), ainsi que sur la pollution potentielle des eaux souterraines et la gestion des déchets. En réponse, Imerys, qui assure vouloir être exemplaire, a retenu le standard Irma (standard de développement des nouvelles mines), protecteur selon lui.Marc Papinutti, président CNDP, et Mathias Bourrissoux, président CPDP, ont présenté le compte-rendu et de bilan du débat public sur le projet de mine de lithium, ce lundi au cinéma de Moulins.
Autres interrogations, concernant les retombées socio-économiques cette fois-ci. Dans un bassin en déclin démographique et économique, les promesses en matière d’emplois ont fait l’objet d’échanges nourris. Avec, là encore, deux visions d’avenir opposées : revitalisation d’un territoire en perte de vitesse pour les uns, rupture avec une identité et une dynamique pour les autres (qui redoutent les impacts sur le tourisme, l’immobilier, l’agriculture).
Quelles recommandations??Faute d’études finalisées, les différents impacts sont encore incertains à ce stade du projet. Ce que l’on peut dire, en revanche, c’est que le travail de fourmi mené par le CNDP a permis de bâtir vingt-six recommandations, adressées à Imerys.
Voici les plus marquantes : exposer les critères de décision concernant la profondeur et la durée de l’exploitation de la mine?; partager les données concernant les risques et élaborer, avec les parties prenantes, un plan de gestion?; impliquer les citoyens dans la gouvernance du projet?; rendre public l’avancement du projet de mise à niveau de la ligne ferroviaire?; préciser les mesures d’accompagnement de la relance minière, de la structuration d’une filière nationale du lithium…
Autant de points auxquels le porteur de projet (et l’Etat pour certains) devra répondre au plus tard d’ici trois mois. Puis, ce sera au tour de la CNDP de donner un avis sur ces futures réponses. Avant une éventuelle ouverture courant 2025 d’une concertation continue, si le projet se poursuit…
CNDP, quèsaco?? La commission nationale du débat public est une autorité indépendante qui a été créée en 1995 par la loi Barnier. Instance collégiale, composée de vingt-cinq membres provenant d’horizons différents (administrations, associations, patronat, syndicats…), son rôle est de veiller à la participation du public au processus d’élaboration des grands projets ayant un impact sur l’environnement. Le compte rendu, le bilan et la synthèse de ce débat sont à retrouver sur debatpublic.fr.
Ce qu’il faut savoir sur le projet Emili Estimé à 1 milliard d’euros, le projet Emili est porté par Imerys, une société française dont le grand groupe minier belge GBL détient la majorité des parts. Ce projet s’inscrit dans la feuille de route de la stratégie d’indépendance énergétique de la France à l’horizon 2050 et dans la perspective européenne de la fin de la vente des voitures thermiques en 2035. Imerys est l’un des leaders mondiaux dans l’extraction des minéraux pour l’industrie. Ce groupe présent dans 40 pays annonce un chiffre d’affaires de 4,3 milliards d’euros. Jusqu’à présent, Imerys n’exploite pas de lithium. Mais, la situation pourrait évoluer dans l’Allier… En 2005, le groupe a fait l’acquisition de la carrière de kaolin du site de Beauvoir, à Échassières, une mine à ciel ouvert. Et des études menées par Imerys depuis 2015 ont confirmé la présence d’un gisement de lithium important sous ce site de kaolins. En résumé, le projet Emili prévoit quatre composantes dans le Bourbonnais. 1. Une mine souterraine de lithium. Située jusqu’à 400 mètres de profondeur sous la carrière de kaolins de Beauvoir, sur le massif de la Bosse, à Echassières. 2. Une usine de concentration. Son rôle serait d’assurer la séparation des minéraux contenus dans le granite, qui est la roche minéralisée en lithium. Cette usine, située également sur le site de Beauvoir, tout près de la mine donc, aurait une capacité annuelle de traitement « d’environ 2 millions de tonnes de minerais ». 3. Une plateforme de chargement ferroviaire. Au départ, celle-ci devait être située à Saint-Bonnet-de-Rochefort. Mais, elle a rencontré une vive opposition, en raison des impacts sur le cadre de vie. Une nouvelle option (près de Vicq) est à l’étude. Concrètement, le concentré minéral, qu’on appelle mica, y serait alors apporté par des canalisations et filtré avant d’être chargé dans des trains. 4. Une usine de conversion. Enfin, une usine verrait le jour sur la commune de Saint-Victor, dans le bassin de Montluçon. Accessible par voie ferroviaire, elle aurait une capacité annuelle de traitement d’environ 330.000 tonnes de mica lithinifère qui permettrait de produire 34.000 tonnes d’hydroxyde de lithium par an. Une production destinée à équiper, chaque année, 700.000 véhicules électrique. Imerys envisage un début d’exploitation à partir de 2028.
Kevin Lastique