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Сентябрь
2024

Sébastien Bazin (Accor) : " On a besoin d'audace "

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Le groupe Accor, ce géant de l'hôtellerie Made in France, tient à rester " agile ", des mots de son PDG, Sébastien Bazin. Ce dernier prendra la parole lors de Big 10, le 10 octobre 2024, à l'Accor Arena Bercy. L'occasion de revenir sur sa vision du progrès et de rappeler que chaque entreprise doit laisser, au coeur de son développement, une place centrale à l'humain.  

Big média : Comment présenter Accor en 2024 ?  

Sébastien Bazin : C'est un groupe puissant, humain et agile. Il compte plus de 5 700 hôtels, 330 000 collaborateurs, le tout à travers plus de 110 pays. Chez Accor, nous adorons aller à la conquête d'un nouveau pays, rencontrer une population que nous ne connaissons pas. Nous aimons embaucher 120 000 nouvelles personnes par an, dont les deux tiers ne sont jamais allés à l'université, voire n'ont même pas fini l'école... Accor est en quelque sorte un bon ascenseur social.  

Big média : Un groupe en mouvement, donc, où il s'agit d'avancer en permanence ?   

Sébastien Bazin : Oui, c'est important. On a besoin de prendre des risques, on a besoin d'audace, on a besoin de pivoter. Le monde autour de nous n'arrête pas de bouger. Aussi, il faut l'écouter, prendre la bonne voie - quitte à en changer au fil du temps. Accor existe depuis 50 ans, je l'ai rejoint il y a 11 ans et il fallait repenser son modèle et son fonctionnement. Le groupe était allé trop loin dans l'immobilier, dans la détention d'actifs : il fallait que nous nous recentrions sur la gestion. Il était trop centré sur le produit : nous devions nous réorienter sur l'expérience client. Il nous manquait également des marques, des segments, des géographies. Aussi, nous sommes passés d'un modèle " éco/moyen de gamme " pour aller vers le premium, le luxe et le lifestyle. Le groupe était également très européen, à 80 % lors de mon arrivée. Désormais, l'Europe constitue 40 % de notre exercice. Idem, la part de la France est passée de 60 à 20 % : ce n'est pas que nous n'aimons pas la France, mais nous avons voulu conquérir de nouveaux marchés. Désormais, nous sommes aussi très forts au Moyen-Orient, en Amérique latine et en Asie-Pacifique. Nous avons montré que nous savions rentrer dans les territoires sur lesquels nous n'étions pas. Nous avons à la fois protégé nos racines et sommes devenus un groupe extrêmement global. 

Big média : C'est cela, selon vous, la notion de progrès ?  

Sébastien Bazin : La notion de progrès, c'est un mélange de plein de choses. C'est d'abord, quand on est en charge d'un groupe, appréhender le risque du monde extérieur et savoir prendre les bonnes décisions. Cela signifie qu'il faut réaliser le diagnostic de ce qui nous entoure, qu'il s'agisse des forces ou des faiblesses, pour ensuite montrer une direction et embarquer tous ceux qui sont concernés par ce choix. C'est important qu'ils y croient, qu'ils y participent et qu'ils ne soient pas spectateurs. Cela prend du temps... Après, il faut déployer, exécuter à travers tous les pays. Puis montrer que les résultats sont là et donner envie à nos concurrents de nous copier. Ce cheminement intellectuel, c'est ce qui rend notre métier fascinant.  

Big média : Quels sont les prochains grands chantiers de Accor ? 

Sébastien Bazin : L'un des principaux concerne l'environnement. Quand nous ouvrons un hôtel, nous impactons forcément un territoire, que ce soit en termes de consommation d'eau, d'énergie ou encore d'émissions carbone. Notre groupe continue de grandir et doit continuer à devenir de plus en plus responsable. Prendre conscience de l'impact, qu'il soit positif ou négatif et voir comment avancer en fonction. Il s'agit donc de dresser la liste de ce que nous prendrons à une communauté et ce que nous lui apporterons.  

Deuxième chantier, très important, c'est tout ce qui est inclusion, sur le genre, le handicap, avec l'objectif d'embarquer tout le monde.  

Enfin, le troisième objectif est de travailler sur le digital et d'anticiper les impacts de l'intelligence artificielle. Cette technologie aura forcément des répercussions sur l'amont et l'aval de chaque visite de nos clients. Par exemple, le processus de réservation sera géré par des outils d'intelligence artificiel. En revanche, pendant le séjour, je rêve qu'il y ait peu d'IA. Chez Accor, la notion d'interaction humaine reste primordiale car c'est là que l'émotion nait. L'IA doit être au service de moments qualitatifs.  

Big média : Comment imaginez-vous le secteur du tourisme dans dix ans ?  

Sébastien Bazin : Le secteur du tourisme est un secteur qui est en croissance et qui continuera à l'être à hauteur de 4 à 5 % sur les 20 prochaines années. Il est lié à la démographie mondiale et à l'émergence de la classe moyenne. La demande est déjà colossale, augmentant bien plus vite que la disponibilité du parc hôtelier. En revanche, c'est aussi un secteur aux métiers compliqués, où on est souvent debout, où on travaille tard le soir et les week-ends, où le télétravail n'est pas possible...Ce sont des métiers de sacrifice pour certains : on voit moins ses enfants, ses amis. Alors comment et pourquoi les collaborateurs sont toujours présents ? Parce qu'ils rencontrent quelqu'un d'autre, qu'il y a une richesse dans la découverte d'autrui. Je suis donc très confiant pour notre secteur, l'être humain a besoin de ces échanges et la technologie ne pourra jamais les remplacer de la même manière. 

Big média : Pourtant la technologie est aussi celle qui aide à progresser en termes de protection de l'environnement... 

Sébastien Bazin : Bien sûr, la technologie nous permet de mesurer la consommation d'eau ou d'énergie, ou de couper les appareils électriques quand on quitte sa chambre, etc. Nous sommes désormais capables de consommer moins grâce à elle et aux mesures qu'elle nous procure. Mais il ne faut pas non plus se mentir : un tiers de la population mondiale n'a pas accès à l'eau potable. C'est pourquoi, il faut continuer de s'interroger : comment faire pour que cette proportion n'augmente pas à cause de notre empreinte, voire qu'elle diminue ? Ce sont des injonctions parfois contradictoires.   

Big média : Est-ce le message que vous pourriez transmettre à d'autres entrepreneurs ?  

Sébastien Bazin : Je donne le même conseil à tous : confiez-vous ! Il ne faut pas garder pour soi le poids des responsabilités, il y a toujours quelqu'un pour aider, pour trouver une solution... Il faut accepter de se livrer, voire de se mettre à nu. En tant que chef d'entreprise, on ne peut pas tout faire, tout seul.  

 

Cet article a été publié initialement sur Big Média Sébastien Bazin (Accor) : " On a besoin d'audace "