Du lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand au film de Clint Eastwood : rencontre avec Marguerite Lefranc
Elle n’a pas encore 30 ans mais la vie de Marguerite Lefranc est déjà un questionnaire à choix multiples.A. La faire réagir sur son actualité récente, le prix du jury et le prix spectateurs pour son mini-film De mère en fille, au festival de courts métrages sur Instagram, 1minute2court.B. Évoquer ses liens avec le Puy-de-Dôme, son arrivée à 10 ans à Pérignat-sur-Allier après avoir grandi en Eure-et-Loir, sa scolarité à Cournon-d’Auvergne puis l’option cinéma au lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand.
Lors de la remise des prix du festival 1minute2court.C. Présenter son métier et ses variations qui correspondent souvent à une évolution de carrière (troisième, puis deuxième et enfin première assistante réalisatrice). Mais aussi son appétit pour la réalisation tout court, nourri dès la fin du lycée par le prix Ciné en herbe à Montluçon, pour son court métrage Par-delà la fenêtre.D. Raconter ses premiers pas dans le septième art, dès 11 ans, avec la caméra à cassettes de son grand-père, quand elle écrivait ses propres scénarios et mettait en scène sa famille et ses amis.
Nous pourrions parler de tout ça mais quelques noms sur le CV de Marguerite détournent l’attention. Comment échapper à une interview « envie d’en savoir plus » ?
Clint Eastwood
« C’est le deuxième assistant du film Budapest avec Jonathan Cohen qui m’amène sur Le 15 h 17 pour Paris, en tant que troisième assistante. Je ne pensais pas que j’allais être aussi proche de la mise en scène mais dès le premier jour, on me dit : “Tu t’occupes d’accueillir le maestro (surnom donné à Clint Eastwood sur le tournage pour préserver sa discrétion, NDLR). Il va arriver en voiture, tu montres sa loge, le décor et tout…” Oh p…, d’accord (rires).Au premier contact, je bafouille en anglais mais ça va bien le faire rire. Il dit qu’il adore mes chaussures et, à partir de ce moment-là, c’est vrai que nous avons créé une bonne relation.
Selfie collector de Marguerite Lefranc avec Clint Eastwood sur le tournage du film "Le 15 h 17 pour Paris".
C’est un grand enfant. Il avait 88 ans quand je tournais avec lui et, humainement, il m’a transmis le fait qu’il n’y a pas d’âge… Il était toujours émerveillé, toujours debout, toujours à courir derrière ses comédiens. Il s’amusait quoi. Il avait toujours le sourire, toujours une petite blague. Tu sens qu’il a une vision de la vie qui est particulière.
J’étais vraiment proche de lui sur le tournage et j’ai vécu des petits moments assez magiques. Une fois, il se retourne vers moi et il me lance : “Bon, ce plan était parfait grâce à Marguerite !”, parce que j’avais envoyé une figurante au dernier moment juste devant la caméra…J’ai pleuré à la fin, j’étais consciente d’avoir rencontré quelqu’un qui est au-delà du cinéaste, avec une aura extraordinaire. »
Patrice Leconte« À la sortie de l’école de cinéma que j’ai intégrée dans les Yvelines, nous avions des stages à effectuer. J’ai réussi à envoyer une lettre à Patrice Leconte et j’ai donc fait un stage en tant que troisième assistante réalisatrice sur son film Une heure de tranquillité, avec Christian Clavier et Carole Bouquet.
Avec Arielle Dombasle et Patrice Leconte, sur le tournage de "Salauds de pauvres".
Ce premier tournage a été assez décisif pour moi, car il a confirmé mon intérêt pour le cinéma. Et il m’a prouvé qu’assistant réalisateur, c’est aussi un métier intéressant car on est au centre du plateau, en lien avec tous les départements, avec les réalisateurs. »
Depuis ce film, Patrice Leconte est un peu devenu mon parrain de cinéma. On s’envoie souvent des mails. Il a toujours été bienveillant. J’ai été sa première assistante sur le film à sketches Salauds de pauvres auquel il a participé avec Arielle Dombasle.
Marion Cotillard
« J’ai réalisé un court métrage de fin d’études à l’école 3iS qui s’appelle Sugar et dans lequel joue Niseema Theillaud, la maman de Marion Cotillard, qui est comédienne. Je voulais une femme d’un certain âge et du coup, en cherchant auprès des boîtes d’agents, on est tombé sur elle. Ça lui a plu.Sa fille est venue à la projection. Je me souviens, c’était une petite salle et je vois Marion Cotillard qui débarque et qui s’assied pile en face de moi. Je suis avec mon micro : “Euh, bonjour, alors je viens présenter mon film de fin d’études…” (rires). »
Ridley Scott
« J’ai travaillé sur la partie tournée en Dordogne du film Le dernier duel, de Ridley Scott. J’étais plus en renfort sur la figuration, à placer des figurants. L’expérience était géniale car c’était vraiment un gros film d’époque, avec six caméras et tout. Mais j’ai moins ressenti le truc de dingue que j’avais ressenti sur le film de Clint Eastwood. »
Pierre Niney
« Je l’ai rencontré sur Boîte noire, de Yann Gozlan. Un grand bosseur. Incroyable de professionnalisme, qui déroule son texte. On sent qu’il vient de la Comédie française. Et il est hyper drôle ! »
Et les autres…
Faute de temps et de place, on ne pourra pas s’arrêter sur chaque star rencontrée. Allez, encore quelques-unes… Céline Dion, Anya Taylor-Joy sur des publicités. Wes Anderson, Jean-Pierre Jeunet, Tom Holland sur des tournages, en tant qu’assistante animalière. Monica Bellucci sur Dix pour cent, Artus sur le film Apaches…
En regardant ce casting, Marguerite y voit le fruit du boulot et du sérieux mais admet qu’il y a aussi « une part de chance ». « C’est sûr qu’il faut croiser les bonnes personnes au bon moment. Parfois il suffit que tu remplaces quelqu’un sur un tournage, on prend ton numéro et on te recommande. C’est un mélange entre le travail que tu fournis, la chance, les relations. » Les planètes sont alignées alors Marguerite savoure : « Je vis chaque film comme une aventure. »
Thierry Senzier