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Сентябрь
2024

La "bande à Karis" devant le tribunal de Moulins : jusqu'à cinq ans de prison ferme pour trafic de drogue

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C’est la loi du genre, les « têtes de réseau » minimisent toujours. Certains sont plus forts que d’autres à ce petit jeu. Jeudi 26 septembre, devant le tribunal correctionnel de Moulins, « Karis » (pas le chanteur), connu aussi sous les noms de « Franco », « K » ou « le Boss », 36 ans, n’a pas convaincu.

Il s’est d’abord dit « victime » d’un réseau neversois. Ou parisien. Après tout, pourquoi pas. Il y a bien cette 4x4 parisienne qui va livrer un gros colis au domicile familial dans le sud de la Nièvre et qui rend madame furax.

« J’ai juste pris la place de quelqu’un » : mais qui donc ?

« K » admet du bout des lèvres qu’il a revendu des stupéfiants, cocaïne et résine de cannabis, dans l’agglomération de Moulins. Il avait « besoin d’argent », pour « faire vivre ses trois enfants et sa compagne ». Il a des « dettes » de crédit à la consommation de plus de 30.000 €.

« Je n'ai pas mis en place un trafic à Moulins, j’ai juste pris la place de quelqu’un, on m’avait parlé de ça », lâche-t-il à l’audience. « On est venu vous chercher comme ça ? Ça demande des compétences, on ne recrute pas n’importe qui pour ce travail », tente la présidente (sans succès).

Tout au plus a-t-il fait « 8.000 ou 9.000 € » de bénéfices, de décembre 2022 à septembre 2023. Calculons, à 80 € le g de cocaïne revendu (50 € pour un demi gramme), sachant qu’il serait acheté en gros « à 55 € » et que les « livreurs » (et livreuses) empochent une commission de 10 € à chaque transaction... Il reste, au moins, 15 € par gramme au boss.

9.000 €, c’est « très largement sous-estimé » au vu des quantités (« des dizaines de kilos ») dont parlent les nombreux protagonistes dans ce dossier, dont sept prévenus au final et parmi eux une mineure. Les policiers de Moulins et de la PJ de Clermont ont engrangé écoutes, géolocalisations et auditions.

« Tout Moulins consomme ses trucs »

Un témoin repris par le procureur de la République résume : « Tout Moulins consomme ses trucs ».

Le dossier compte de nombreux noms et surnoms : de consommateurs, de consommateurs revendeurs (neuf mois de prison avec sursis probatoire pour l'un d'entre eux), de livreuses à scooter (*), d’un homme de main qui se retrouve muni d'un pistolet-mitrailleur uzi devenu introuvable (condamné à trois ans de prison ferme dont deux ans avec sursis probatoire) ou encore du vendeur d'un pistolet 6.35 mm (six mois de prison avec sursis).

Guerres de territoire

Il est aussi question de lieux stratégiques dans l’agglo, de voitures relais abritant de la marchandise, d’appartements (de stockage, mais aussi de lieux de prostitution présumée), de comptes Signal et Snapchat, de conversations « sans équivoque au téléphone »…

Dans le dossier, des dénonciations anonymes détaillées : la concurrence ?

Plusieurs personnes évoquent les « ennemis » du Boss. L’affaire permet de mieux comprendre quelques faits moulinois, notamment « le règlement de comptes entre trafiquants », à coup de couteau, en pleine fête foraine du 12 juillet 2022. Pour le procureur, c’était une guerre de territoire « entre les soldats de Karis et les Mahorais ».

Costume « taillé trop grand ? »

Me Lardans, pour sa défense, estime que le costume est « taillé trop grand pour quelqu'un tombé dans le trafic totalement en amateur : il va utiliser pour son trafic son propre téléphone et son véhicule ! Son véhicule, une BMW certes, mais de 2006. Ça vaut 1.500 €. Et au fait, il remplace qui au juste ? Personne n'a voulu savoir. Il manque du monde à cette barre. Et le trafic continue, allez voir sur Telegram ».

Son client, Eric Randriamarozoky, a été condamné à cinq ans de prison avec maintien en détention (six ans requis), 10.000 € d'amende (50.000 € requis), interdit de paraître dans l'Allier et dans la Nièvre pendant cinq ans, interdiction de port d'arme pendant quinze ans.

Un ami, une nourrice, un autre chef de bande...

Un de ses « amis », Damien Neef, écope de quatre ans de prison ferme avec mandat de dépôt et des interdictions similaires. L'homme de 38 ans est actuellement incarcéré pour avoir braqué une bijouterie place d'Allier.

Il était cette fois accusé d'entretenir un trafic au sein de la maison d'arrêt de Nevers. Si les « liens » de trafic avec ce fournisseur ne sont « pas avérés », s'insurge Me Goyon, il y a bien eu au moins une projection au-dessus du mur de la prison avec des stups « pour sa consommation personnelle » et une perquisition à son domicile (avant qu'il ne soit incarcéré) qui glane cocaïne, cannabis, ecstasy, balance de précision, arme de poing... « J'étais juste une nourrice, pour quelqu'un d'autre, que je ne veux pas citer ».

Et sa femme, dans tout ça ?

Dans cette histoire, il y a aussi l’ex-compagne de Karis. Qui a tenu bon à la barre. Elle ne « sait rien », n’a « jamais rien su ». Il lui donne de l’argent en espèces « pour faire les courses ». Elle sait que son conjoint d’alors (17 ans de vie commune) organise certes des combats de coq (« dans les gallodromes du Nord Pas de Calais, seul endroit où c’est autorisé en France, car c’est une tradition »), qu’il a une arme « pour défendre ses animaux », mais elle n’a « aucune connaissance d’un trafic de stupéfiants ». Elle pense qu’il « bosse au black dans un garage ». Des milliers d’euros ont été retrouvés dans le poulailler, dans la cuisine. Une arme dans la pile de linge. Ni le procureur ni le tribunal ne la croient. Mais elle est relaxée (douze mois de prison avec sursis requis), car son train de vie disproportionné, en lien avec un trafic de stupéfiants, n'est « pas suffisamment démontré » : « Ni voyage, ni bijoux, ni sac de luxe, la maison est sommairement meublée », souligne Me Bonnefille à la défense.

Armés

Le procureur souligne la présence des armes dans le dossier  : « Prenons toute la mesure de la dangerosité de ces prévenus, on parle d’armes de catégorie A, B et C. Car se faire des fortunes avec le trafic de stupéfiants, c’est risqué. Pour devenir leader du marché, il faut faire peur à la concurrence ».

La défense argue que les armes à feu sont au mieux « défectueuses », au pire « factice, type airsoft » et pour l'une d'entre elle « introuvable ».

Alors, il est où cet inquiétant uzi ?

 

(*) Deux audiences à venir pour les deux femmes, pour l'une devant le tribunal pour enfants et pour l'autre, en correctionnelle, le 11 décembre.

 

Mathilde Duchatelle