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Сентябрь
2024

Pourquoi la résurrection du projet de loi sur la fin de vie peut être une "chance à saisir" pour le gouvernement Barnier

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Neuf jours. Voilà ce qu’il aura manqué pour que les députés puissent procéder au vote solennel, en première lecture, du projet de loi sur la fin de vie. L’annonce de la dissolution, le 9 juin, a littéralement torpillé le scrutin prévu le 18 au Palais Bourbon.

Trois mois et demi de tohu-bohu plus tard, alors que la France s’est enfin dotée d’un gouvernement, le sort du texte, qui puise ses racines dans une Convention citoyenne lancée… fin 2022, reste surmonté d’un point d’interrogation. L’éventail des possibles est schématiquement connu. L’équipe Barnier, qui penche nettement à droite et comprend des opposants assumés à la réforme (*), peut toujours décider de tout abandonner. C’est théoriquement possible, mais hautement improbable.

Deuxième hypothèse : la voie est ouverte à la réactivation des débats, mais en mode « retour à la case départ », en écartant les (nombreuses) modifications au texte originel introduites à la fois en commission et lors des séances dans les Hémicycles.

Le député MoDem Olivier Falorni, ex-rapporteur de la mouture initiale de la réforme, plaide pour une troisième piste : les discussions doivent reprendre à l’endroit même où elles ont été stoppées, en intégrant les ajustements et les compromis précédemment intégrés.

Dans cette perspective, l’élu de Charente-Maritime a déposé le 17 septembre une « proposition de loi relative à l’accompagnement des malades et de la fin de vie », copie « intégrale du texte amendé voté par les députés de la commission spéciale le 18 mai », comprenant aussi « tous les amendements adoptés en séance » avant le 9 juin (voir ci-dessous).

Ne pas "tout jeter aux orties"

Motif ? « Tant de travaux, tant d’échanges, tant d’auditions, tant de délibérations ne peuvent pas être jetés aux orties », écrit-il. Avant d‘ajouter que « cette loi, qu’attend une très grande majorité de nos concitoyens, ne peut pas et ne doit pas être à nouveau mise de côté ». Au dernier pointage, son initiative a été signée par 166 députés de neuf groupes différents – au premier rang desquels Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée.

Les intentions de Michel Barnier et de ses ministres restent incertaines à ce stade. Seul indice : Geneviève Darrieussecq, la nouvelle titulaire du portefeuille de la Santé, a affirmé ce lundi à l’AFP que les parlementaires « doivent terminer le travail » arrêté si près du but, tout en indiquant devoir encore « en parler avec le Premier ministre », dont elle ne connaît pas « la position ».

Du côté de l’ADMD, qui milite pour le « droit de mourir dans la dignité », le message est clair : pas de temps à perdre. « Olivier Falorni, souligne Jean-Luc Romero, le président de l’association, a raison de prendre les devants, car il faut aller vite. Il se peut que nous ayons une nouvelle dissolution dès l’année prochaine, et ça risque d’être extrêmement juste pour aboutir. Le plus direct serait même que le gouvernement accepte de déposer un projet de loi reprenant la dernière version. Ce serait encore plus rapide. » 

Photo Pierrick Delobelle

"Planètes alignées"

Pour l’auteur du Serment de Berne : de la mort solitaire à la mort solidaire (éd. L’Archipel), à paraître le 5 octobre, « les planètes sont encore alignées ». Certes, les ministères sont désormais truffés de figures conservatrices, et Geneviève Darrieussecq, médecin allergologue de formation, s’est montrée très prudente lors des récents débats. « Mais elle n’a pas non dit des choses ahurissantes sur le sujet. On espère aussi qu’elle puisse évoluer et changer d’avis, comme Catherine Vautrin (la précédente ministre de la Santé, NDLR) avant elle », souligne Jean-Luc Romero.

Les espoirs du président de l’ADMD tiennent aussi au soutien populaire toujours massif en faveur du texte – « près de 9 Français sur 10 sont pour » – et à la nouvelle configuration politique. « Sur la fin de vie, la majorité à l’Assemblée devrait être encore plus nette que sous la précédente législature, relève-t-il. On peut imaginer que les deux tiers des députés votent oui. Dans le contexte que l’on connaît, sur quelle autre réforme Michel Barnier peut-il espérer un tel résultat, en dépassant ainsi les clivages politiques ? »

Jean-Luc Romero a même écrit au Premier ministre pour le convaincre qu’il avait là une « chance à saisir », susceptible de donner d’emblée à son mandat la dimension « transpartisane » qu’il recherche.

L’argument a-t-il porté ? Le discours de politique générale du chef du gouvernement, mardi prochain, donnera a minima de premiers éléments de réponse. 

Stéphane Barnoin

(*) Parmi lesquels Patrick Hertzel, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et Bruno Retailleau. En mai 2024, ce dernier affirmait au Point qu’« à partir du moment où l’on épouse la logique du droit à mourir, les engrenages s’enclenchent et la machine des “droits à” s’emballe pour aller toujours plus loin, franchir toujours plus de limites. »

avant l’arrêt des débats

Le 7 juin, 48 heures seulement avant l’annonce de la dissolution, les députés avaient adopté les critères ouvrant le droit à l’aide à mourir, au terme de discussions parfois tendues.

La nouvelle version prévoyait que le dispositif soit accessible aux personnes de plus de 18 ans, françaises ou résidant en France, dans l’hypothèse où elles souffriraient d’une « affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale ». Cette notion de « pronostic vital », d’abord rayée en commission, au dam du gouvernement, avait été réintroduite in extremis.

Un autre point de crispation avait été tranché : il était désormais exigé des malades qu’ils soient aptes à manifester leur volonté de façon libre et éclairée. La possibilité de laisser des directives anticipées avait été écartée.

La veille (le 6 juin), ces mêmes députés avaient approuvé l’article définissant l’aide à mourir comme le fait d’« autoriser et accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale […] afin qu’elle se l’administre ou, lorsqu’elle n’est pas en mesure physiquement d’y procéder, se la fasse administrer par un médecin ou un infirmier ». La possibilité pour le patient de désigner une personne volontaire pour effectuer ce geste avait en revanche été supprimée lors des débats.