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Сентябрь
2024

Rodéos urbains, entre maîtrise du phénomène et crainte du dérapage en Corrèze

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C’était une habitude, pendant quelques semaines. Les vendredis soirs, sur les parkings d’enseignes commerciales en zone ouest de Brive, en Corrèze, les aficionados de tuning se réunissaient. C’était en janvier 2023. Conduites à vive allure, coup de klaxon, dérapage rythmaient ces soirées au grand dam des riverains. Avant cela, en 2021 et en 2022, le point de rassemblement était situé sur la route de Lissac. Le voisinage, excédé, avait subi les mêmes excès avant que le problème ne se déplace…

Décourager ses adeptes

Lutter contre le rodéo urbain à Brive se résume ainsi : décourager ses adeptes avant que le phénomène ne prenne de l’ampleur. En 2024, malgré quelques faits signalés dans le quartier des Chapélies, la situation à Brive, comme en Corrèze, est maîtrisée. Mais les autorités veulent rester vigilantes. « Il n’y a pas de phénomène majeur de rodéos urbains en Corrèze, mais des signalements ponctuels effectués par des riverains. En 2024, douze signalements ont été effectués à Brive, trois à Tulle et cinq à Ussel. En 2024, les services de police ont réalisé 323 opérations de contrôle routier de véhicules deux roues dans les trois villes et de nombreuses contraventions ont été émises », détaille-t-on du côté de la préfecture.

« On met en place des contrôles anti-rodéo fréquemment, au cours desquels on vise les moto-cross, les quads. On est vigilant en cette période de rentrée scolaire, car c’est le moment où l’on se retrouve devant les établissements », explique Yannick Vergne, du syndicat de police Alliance. À Brive, cette présence sur le terrain est couplée à l’utilisation des caméras de vidéoprotection.Le Centre de supervision urbain de Brive signale tout regroupement avant qu’une patrouille soit envoyée sur les lieux. Photo Stéphanie Para  

"Il faut énormément de sang-froid pour intercepter un fuyard"

« Quand on repère un phénomène au centre de supervision urbain, on envoie une patrouille sur le secteur. Il y a eu des interpellations, avec des véhicules mis en fourrière, car ils n’étaient pas assurés. On essaye d’intervenir très rapidement au moment du rassemblement pour éviter que cela ne prenne de l’ampleur », indique Dominique Eyssartier, élue de la Ville de Brive en charge de la sécurité. Cette collaboration entre la police municipale et la police nationale, associée avec la mise en fourrière des véhicules, a montré pour l’instant son efficacité. « Le phénomène n’est jamais réglé de manière définitive. C’est cyclique. Il faut continuer par de la présence sur le terrain, afin de sécuriser », insiste-t-elle.

Trafic de drogue : 10,2 kg de cannabis découverts dans un coffre à Brive

Si les autorités surveillent de près cette délinquance routière, c’est surtout par crainte de voir une opération de contrôle virer au refus d’obtempérer. À Brive, dans le courant du mois d’août, une patrouille de police a dû se lancer dans une course-poursuite en centre-ville après avoir simplement voulu contrôler un deux-roues bruyant.

Le jeune homme âgé de 19 ans qui était aux commandes, déjà ciblé par une procédure de défaut d’assurance, avait alors tenté de se soustraire au contrôle, en prenant la fuite et de plus en plus de risques. Feux tricolores grillés, piétons manqués d’être renversés, le jeune fuyard n’était pas seulement dangereux pour lui ce jour-là. Un policier, positionné sur un barrage près du centre-ville, avait fini par être percuté de plein fouet. Il avait été sérieusement touché au visage après un dérapage non contrôlé. « Le problème des refus d’obtempérer est que leurs auteurs sont prêts à tout pour échapper à leur interpellation. Ils prennent de plus en plus de risques », avait déploré Me Philippe Caetano, avocat d’un policier blessé lors du procès en comparution immédiate du jeune mis en cause.

« On risque nos vies »

« On risque nos vies à ces moments-là, insiste Yannick Vergne, secrétaire départemental du syndicat Alliance en Corrèze. Il ne faut pas oublier qu’une voiture est une arme par destination. Il faut énormément de sang-froid pour intercepter un fuyard. Quand le danger devient trop grand et que nous n’avons pas les moyens d’intervenir, nous récoltons les informations pour intervenir plus tard. Tout est une question de mesure du danger. »

Un danger qui, selon le ministère de l’Intérieur, se finit par un coup de feu, pouvant être mortel dans 0,76 % des cas. Un usage de l’arme du policier qui est, lui aussi, en hausse (+ 35 %) sur la période 2017 et 2022, par rapport à 2012-2017, selon une étude menée par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et plusieurs universités.

27.000 refus d’obtempérer par an

En France, on recense 27.000 refus d’obtempérer par an, soit un toutes les vingt minutes. Selon un rapport parlementaire, sur la période 2012-2022, les refus d’obtempérer simples ont ainsi augmenté de 33,7 % et les refus d’obtempérer aggravés de 94,6 %.

Les causes possibles énumérées sont la hausse des délits routiers connexes : coût du permis de conduire, défauts d’assurance en augmentation, hausse du trafic de stupéfiants, volonté croissante de transgresser et de défier l’autorité de l’État… « Du point de vue du policier, nous avons l’impression qu’il y a de moins en moins de respect pour l’autorité et le policier, constate Yannick Vergne. La sensation, aussi, qu’on est prêt à prendre de très gros risques pour pas grand-chose au départ. »

Pierre Vignaud