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Gouvernement Barnier : derrière un casting droitier, le flou idéologique

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Le camouflet restera dans les annales du macronisme. Le 11 décembre 2023, l’Assemblée nationale adopte une motion de rejet contre le projet de loi sur l’immigration, sommant Gérald Darmanin de revoir sa copie. La gauche ne veut pas d’un texte répressif, la droite ne digère pas la régularisation de clandestins exerçant un métier en tension. Le "en même temps" est mis en échec. Des deux "radicalités" vantées par l’exécutif, chaque opposition retient celle qui lui déplaît. Une cadre Renaissance en tire alors une leçon : ce mantra macroniste est incompatible avec la majorité relative. "On met des coups de barre à gauche puis à droite, et on perd une partie de l’équipage", note-t-elle. Seule la majorité absolue permet un tel exercice intellectuel.

Le "en même temps" était à l’agonie. La nouvelle Assemblée nationale lui donne l’extrême-onction. L’heure est aux "compromis", comme l’a promis dimanche 22 septembre Michel Barnier sur France 2. La quête de dénominateurs communs l’emporte sur la triangulation, essence du macronisme. Lesquels sont-ils dans une Assemblée si fragmentée ? Le Premier ministre n’a pas présenté de programme, en public comme à ses interlocuteurs. Tout juste des grandes orientations, aussi vagues que consensuelles.

"Filet d’eau tiède"

"Ce gouvernement sera républicain, progressiste et européen", a lancé ce lundi 23 septembre Michel Barnier à ses ministres lors d’une réunion à Matignon. Les priorités affichées - "service public", "sécurité", "dette écologique"… - couvrent tous les champs de l’action publique. Le metteur en scène Barnier garde son scénario secret. Sa promesse "d’améliorer la réforme des retraites" sans atteindre son "équilibre financier" est nimbée de mystères, tout comme sa politique migratoire, renvoyée à l’éternel diptyque "fermeté/humanité". La participation des "plus riches" à "l’effort de solidarité" n’est enfin qu’une déclaration d’intention. Même le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, auteur d’un discours martial sur le "rétablissement de l’ordre" lors de la passation de pouvoir, s’est bien gardé de préciser ses pistes d’action.

@lexpress

L’analyse de notre journaliste Eric Mandonnet sur le nouveau gouvernement Barnier. politique shorts barnier gouvernement sinformersurTiktok apprendreavectiktok

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Curieux paradoxe : cet exécutif à la coloration droitière est le plus identifié idéologiquement depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017. Mais un hémicycle explosé façon puzzle sème le doute sur ses choix politiques. Chez Michel Barnier, l’ambiguïté a valeur de méthode. "Je ne vais pas faire ma Déclaration de politique générale avant ma Déclaration de politique générale", a-t-il lâché à son prédécesseur Gabriel Attal au cours de leurs échanges. Il faudra attendre le 1er octobre, date du discours, pour en savoir plus sur les orientations précises du gouvernement. Voire après ? Une députée Ensemble pour la République (EPR) ironisait récemment sur le "filet d’eau tiède" que pourrait être cette prise de parole, prononcée par un homme sous la menace permanente de censure.

Impératif stratégique

Le flou est le corollaire de cette contrainte. Jamais un exécutif n’a eu les mains aussi liées depuis l’avènement de la Ve République. La gauche souhaite faire tomber un gouvernement qu’elle juge illégitime ; le Rassemblement national (RN) jouit de son rôle d’arbitre pour lui imposer ses exigences. La coalition bâtie entre LR et le bloc central, minoritaire en sièges, rassemble des profils disparates. Gabriel Attal et Laurent Wauquiez, alliés de circonstances, se posent déjà en vigies de leurs projets respectifs. Cette brume décontenance. Certains craignent l’avènement d’une politique droitière, d’autres reniflent un parfum de radical-socialisme guère enivrant. Elle relève surtout d’un impératif stratégique. "Barnier n’a pas été nommé sur un programme, mais sur sa capacité à dialoguer et rassembler, note un nouveau ministre. On n’a pas d’autre choix que de plonger dans le bassin et de voir comment ça se passe."

La configuration inédite à l’Assemblée bouleverse des repères temporels. Le gouvernement est dévoilé avant son programme. L’ex-locataire de Beauvau Gérald Darmanin proposait il y a quelques jours à son camp de fixer des lignes rouges justifiant une sortie groupée du gouvernement, sans évoquer de conditions d’entrée. Michel Barnier ne pourra pas jouer de cette ambiguïté stratégique éternellement. Viendra le moment de dévoiler son jeu. La drôle de guerre avec les oppositions - et parfois au sein de la coalition - pourrait alors passer dans une autre dimension.