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Сентябрь
2024

Pourquoi la tempête Boris qui a dévasté l'Europe centrale s’explique par le changement climatique

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Le lundi 16 septembre, une équipe de scientifiques du laboratoire des sciences du climat et de l’environnement de l’université Paris-Saclay a publié  une première étude d’attribution sur la tempête Boris. Ce genre d’analyse vise à établir les liens entre les phénomènes météorologiques extrêmes et le changement climatique. Davide Faranda, directeur de recherche en sciences du climat au CNRS, qui a contribué à cette étude, voit un « signal très clair du changement climatique » dans les précipitations

Quels mécanismes atmosphériques ont contribué à la formation et à l'intensité exceptionnelle de la tempête Boris en Europe de l'Est ?

La tempête Boris a été alimentée par un contraste marqué entre l'air polaire froid et l'air chaud et humide provenant de la Méditerranée, qui était exceptionnellement chaude cette année. La pression au cœur de la dépression de Boris a atteint des anomalies de -10 hPa (hectopascals), créant des conditions favorisant les inondations massives dans ces régions. Cela a conduit à des précipitations extrêmes, notamment en Autriche, Pologne et République tchèque, où, selon notre étude ClimaMeter, les précipitations ont augmenté de 4 à 8 mm par jour (jusqu'à 20 % de plus que par le passé).

 

Peut-on établir un lien direct entre la tempête Boris et le changement climatique, ou s'agit-il d'un événement météorologique extrême, mais ponctuel ?

Selon notre étude ClimaMeter, la majorité des caractéristiques de la tempête Boris, notamment l'augmentation des précipitations, peut être attribuée au changement climatique d'origine humaine. Le réchauffement de la mer Méditerranée et les pressions atmosphériques plus basses ont exacerbé les précipitations. La variabilité climatique naturelle a joué un rôle mineur, mais les données indiquent que le changement climatique est le principal moteur de l'intensification.

 

La tempête Boris a provoqué des inondations importantes dans plusieurs pays. Quelles mesures préventives pourraient être mises en place à l'échelle régionale pour réduire les impacts de ce type de tempête à l'avenir ?

Pour limiter les impacts futurs de ce type de tempêtes, il est crucial de renforcer les infrastructures hydrauliques, comme les digues et bassins de rétention, ainsi que de restaurer des zones naturelles capables d'absorber les excès d'eau. Une meilleure surveillance des rivières, en particulier celles qui débordent régulièrement, ainsi qu'une planification urbaine adaptée aux risques de crues, sont aussi essentielles pour minimiser les dégâts futurs des précipitations observées lors de cet événement exceptionnel.

 

À votre avis, les systèmes de prévision météorologique actuels sont-ils suffisamment avancés pour anticiper de manière précise et efficace de telles tempêtes ?

Les systèmes actuels sont de plus en plus performants, mais la précision des prévisions pour des événements extrêmes comme Boris reste perfectible, en particulier pour la localisation exacte et l'intensité des précipitations. Cependant, les progrès récents dans la modélisation atmosphérique, couplés à des observations climatiques à haute résolution, permettent d'améliorer la capacité à anticiper ces événements.

 

Pensez-vous que la fréquence et l’intensité de ces tempêtes sont appelées à augmenter dans les prochaines décennies en Europe, et quels seraient les principaux défis à relever pour les communautés locales ?

Le changement climatique va probablement augmenter la fréquence et l'intensité des tempêtes en Europe, en particulier dans les zones déjà vulnérables aux inondations. Le rapport IPCC AR6 (NDLR, qui fait référence au sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) indique une confiance élevée dans l'augmentation des crues fluviales en Europe centrale et occidentale, avec des niveaux de précipitations extrêmes qui surchargeront de plus en plus les bassins versants locaux, comme on l’a observé avec Boris. Les principaux défis seront la résilience des infrastructures et la capacité d’adaptation des communautés locales aux risques croissants.

Recueillis par Nicolas Faucon