“Résister à la culpabilisation” : l’appel de Mona Chollet à une révolution pour l’amour de soi

La vie de Mona Chollet, sans être forcément très différente des nôtres, se fait dévorer par un ensemble d’empêchements intimes, qu’elle appelle son “ennemi intérieur”. Après divers essais marquants comme Sorcières (2018) ou Réinventer l’amour (Prix Les Inrockuptibles de l’essai 2021), l’autrice ausculte l’habitude qu’elle a prise de se disqualifier, de s’imposer une forme de tyrannie envers elle-même.

Cette “conviction que nos manières spontanées d’exister sont toujours fautives, que nous ne méritons rien de bon” fait ici l’objet d’une patiente déconstruction, nourrie de ses lectures diverses. Avec la mise à distance des mécanismes pernicieux qui conduisent à cette dévoration intérieure, Mona Chollet cherche moins au fond à exposer sa psyché à ciel ouvert qu’à déceler, à partir de ses propres expériences, le fonctionnement d’un continent psychique collectif. Celui qui fragilise des catégories de population dominées, sur lesquelles circulent beaucoup de stéréotypes négatifs – enfants, femmes, minorités sexuelles ou raciales.

Comme l’a expliqué la psychanalyste Alice Miller dans son œuvre pionnière sur ce sujet, “il faut une résolution très forte et une grande capacité de remise en question pour que cesse la perpétuation de cet héritage empoisonné”. Par-delà le poids de l’héritage chrétien, qui a placé la civilisation sous le signe de la faute et de la punition, Mona Chollet s’élève contre la culture patriarcale, contre l’obéissance au père (le “père-repère”), contre une tendance forte de la pédagogie éducative “accusant les tenant·es de l’éducation bienveillante d’avoir une vision angéliste des enfants”. Dans le monde du travail ou du militantisme aussi, le mécanisme sournois de la culpabilité contamine celles et ceux qui ne jouent pas le jeu de la performance et de la mystique de la souffrance.

Construisant son récit (auto)critique depuis l’analyse de chaque espace d’expérience (famille, travail, militantisme), Mona Chollet invite à “retrouver la force inarrêtable que seule peut donner la conviction de notre légitimité, de notre valeur, de notre innocence fondamentale face à tous les pouvoirs”. Rien à expier, rien à prouver, tenir à soi : c’est une révolution politique autant qu’intime qui se dessine dans ce texte qui plaide non coupable et vise à réinventer l’amour de soi.

Résister à la culpabilisation – Sur quelques empêchements d’exister de Mona Chollet (Zones), 262 p., 20 €. En librairie le 19 septembre.