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"La cérémonie des JO d’Albertville fait date" d'après Sylvain Bouchet qui donnera une conférence à Moulins

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Sylvain Bouchet, enseignant de dramaturgie à l’École nationale supérieure des arts et techniques de théâtre (Ensatt), est historien, spécialiste des Jeux olympiques, lauréat du prix Coubertin pour sa thèse de doctorat consacrée aux cérémonies olympiques. En marge de son exposition Planète(s) Decouflé, le CNCS  (Centre national du costume et de la scène) a invité l’expert_ très sollicité par les médias, JO Paris 2024 obligent_, à donner une conférence, jeudi 19 septembre, sur l’histoire des cérémonies des JO.

 

D’où vous vient cet intérêt pour les cérémonies des Jeux olympiques ?

Quand j’ai découvert, à 11 ans et demi, à la télé, le spectacle de la cérémonie d’ouverture des JO d’hiver d’Albertville qui m’a subjugué. Sans le savoir, cela a posé une graine. Je voulais être prof d’histoire. Quand j’ai choisi mon sujet de mémoire et mon doctorat, j’ai voulu réinvestir ce souvenir extraordinaire d’enfant. J’habitais alors Annecy, j’avais vu le matin même la flamme, alors j’ai vécu cette journée comme un moment exceptionnel. Ce spectacle m’a émerveillé. Énigmatique, avec beaucoup de costumes, il a suscité ma curiosité. Quand j’ai travaillé sur mon mémoire d’études, j’ai retrouvé tous les acteurs de cette cérémonie, comme Philippe Decouflé, le costumier Philippe Guillotel.

La première de nuit à Albertville

Les costumes des Jeux olympiques d'Albertville, en 1992, sont actuellement exposés au musée à Moulins, dans l'Allier. Photo Corentin Garault 

Avec le recul, votre œil d’expert aujourd’hui, quel regard portez-vous sur cette cérémonie qui vous avait ému, enfant ?

Elle a marqué un tournant dans l’histoire des cérémonies des JO. Jusqu’alors, elles étaient plutôt protocolaires. Là, c’était la première fois qu’on concevait une cérémonie d’ouverture avec un point de vue artistique du début à la fin, avec un vrai metteur en scène, Decouflé, associé à un costumier. La majorité de la cérémonie se déroulait de nuit, ça aussi, c'était une autre révolution et cela permettait des effets de surprise, comme sur une scène de théâtre. Maintenant, on n’imagine plus une cérémonie en plein jour.

Sylvain Bouchet est enseignant de dramaturgie à l’École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre (ENSATT), historien et spécialiste des Jeux Olympiques. Photo Sylvain Bouchet.  

Aujourd’hui, les jeunes méconnaissent le travail de Decouflé. La cérémonie d’Albertville fera-t-elle vraiment date ?

Après les JO de 1992, Decouflé était invité sur toutes les scènes du monde, il est entré tout de suite dans le dictionnaire. Aujourd’hui, les jeunes, comme mes élèves, ne connaissent plus ces images, mais quand on leur montre ces vidéos, ils sont fascinés. Et cette cérémonie fait date et restera, au sein du comité international olympique, comme une révolution. Car elle a été conçue comme un spectacle du début à la fin avec des effets lumière, une chorégraphie, une création musicale. Cela correspond au rêve de Coubertin, qui avait un goût inné du spectacle. Et cela crée un vrai moment d’émotion.

Les traits d'union avec les jeux antiques

Quels sont les traits d’union entre les cérémonies d’aujourd’hui et les jeux antiques ?

Le défilé des athlètes dans le sanctuaire d’Olympie, qui était dédié à Zeus. Il y avait une procession qu’on peut retrouver avec le défilé des athlètes. Le serment prêté par les athlètes existait. Il était prêté devant une statue de Zeus avec des foudres entre les mains. Ça impressionnait… Par contre, il n’y avait pas de flamme, c’est une erreur qu’on fait souvent. Il y avait des sacrifices d’animaux, qu’on faisait brûler donc on peut imaginer des flammes. En fait, elle est apparue en 1928 à Amsterdam. En 1936, le Troisième Reich organise le premier relais à Olympie, puis des relais à Berlin, ce qui permettait de légitimer Hitler, de faire le lien entre le côté divin, mythologique et le Troisième Reich, c’est comme ça qu’est né le premier relais de la flamme. Après la guerre, on a hésité à conserver ce rituel, mais cela donnait de belles images très fortes, alors on a essayé de faire oublier Berlin 1936 et de faire croire que cela venait de l’Antiquité.

Paris 2024 : la première totalement sur un fleuve

Quel regard portez-vous sur la cérémonie des JO de Paris 2024, beaucoup commentée ?

Elle était innovante, car elle s’est déroulée entièrement hors d’un stade, mais avoir une cérémonie sur la voie d’eau, ce n’était pas la première fois, car aux JO de Séoul, en 1988, un spectacle s’était déjà déroulé sur l'eau, le fleuve Han, avant la cérémonie d’ouverture, dans un stade. Là, ce qui est nouveau, c’est qu’on n’a jamais rejoint de stade, on a mis en scène plusieurs points de Paris, ville musée, avec une stratégie forte en termes de tourisme, de promouvoir la ville entière. Avec le directeur artistique, Thomas Jolly, les codes de la cérémonie ont explosé, car les spectateurs ne voyaient qu’une portion du show, alors que le principe d’une cérémonie, c’est de vivre une expérience collective. Et cette expérience collective est fondamentale, comme dans un mariage. Je n’ai pas vécu l’expérience d’une cérémonie, comme si on voulait s’en détourner. Par exemple, il n’y avait aucun public autour des relais de la flamme. Bon, mon regard est très spécifique, et j’ai constaté que les gens étaient subjugués, contents. C’était un moment important, correspondant à un besoin d’unité, après les élections législatives. Un autre aspect nouveau, c’était cette volonté de montrer une France qu’on n’a pas l’habitude de voir.Alors que les JO de Paris 2024 se terminent, Moulins accueille les costumes conçus pour la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques d'Albertville en 1992. Photo Corentin Garault 

Comptez-vous publier quelque chose sur cette cérémonie ? 

Il est encore trop tôt, mais des conférences, une publication sont envisageables.

 

Aviez-vous déjà vu les costumes des JO d’Albertville ?

Je les connais déjà car étudiant, j’avais organisé une exposition des costumes de à Lyon, pour prolonger mon travail de recherche. Mais j’ai hâte de découvrir la scénographie.  

Pratique. Conférence au CNCS, à Moulins, jeudi 19 septembre à 8 h 30. 10 €, suivie d’un moment convivial. Plus d’infos sur www.cncs.frLivre de Sylvain Bouchet : Les enjeux des cérémonies olympiques, aux éditions du Seuil.

Propos recueillis par Ariane Bouhours