Chaque été, dans le nord de la Creuse, la famille Poirier se réunit pour moissonner grâce à d’antiques machines de collection
Les samedis 3 et 24 août, comme chaque année, la famille Poirier a sorti la moissonneuse-lieuse d’abord, puis la batteuse. Des machines que Bertrand Poirier, le père, a acquises depuis plusieurs années. « J’aime le vieux matos, c’est une passion que j’ai depuis l’enfance », explique-t-il, alors que ses fils démarrent la lieuse pour abattre le champ de blé derrière lui.
A cette occasion, la famille est réunie : certains observent depuis des chaises de jardin, à l’ombre des arbres, tandis que les autres suivent la lieuse, armés de fourches.
« On en profite pour faire une fête entre nous, et les enfants sont contents car c’est eux qui pratiquent. C’est quelque chose qui se perd, donc j’espère que ça durera. »
Bertrand regarde ses fils. Si le dernier, âgé d’à peine un an, est encore trop petit pour mettre la main à la pâte, ses trois aînés, de 14 à 21 ans, ne chôment pas.Alexis et Mathieu, les plus vieux, se relayent sur la machine. Puis, quand il faut ramasser toutes les gerbes de blé, l’un des deux monte sur le plateau du tracteur pour aider à les ranger aux côtés de leur père.
Le plaisir de faire fonctionner les machines« C’est un loisir pour nous, ça nous rend heureux », continue Bertrand qui n’est pas agriculteur et ne moissonne ce champ que pour le simple plaisir de faire fonctionner ses machines de collection. « Il faut avoir la connaissance du matériel, on fait des erreurs et on apprend à s’en servir ».
Trois semaines plus tard, quand les gerbes ont séché, c’est une nouvelle réunion autour de la batteuse. Une 3S52ACG de 1936 que la famille Poirier fait tourner une fois par an.
Des sacs de 50 kg de grainsYanis, l’avant-dernier des frères, balance les gerbes une à une, depuis le tracteur, sur un tapis roulant. Les gerbes montent jusqu’à Bertrand qui, perché sur la batteuse, coupe le lien autour du blé avant que celui-ci ne tombe dans un conduit. À l’intérieur de la batteuse se trouve un système de grilles qui trie le grain des déchets. Ces derniers sont envoyés dans la soufflerie qui les éjecte loin à l’extérieur. Les tiges ressortent à l’arrière de la machine en bottes, tandis que l’épi est travaillé pour que les grains soient soufflés sur le côté, dans de gros sacs de jute accrochés à la batteuse. A tour de rôle, Mathieu et Alexis endossent le sac, une fois plein, afin d’aller le peser. Les sacs font entre 50 et 70 kg l’unité.
Sous l'oeil du grand-pèreLe travail est rôdé, chacun connaissant parfaitement les gestes à adopter, les relais à opérer. Père et fils œuvrent en harmonie et avec un plaisir certain, sous l’œil avisé de Paul Poirier, le grand-père. Ce dernier, droit sur sa canne et sous son chapeau de paille, a connu les jours de batteuse qui réunissaient tout un village et, à en croire sa femme, Lucette, « s’il pouvait encore, il serait déjà grimpé dessus ».
C’est avec une certaine nostalgie que l’homme raconte : « À l’époque, pour faire tourner une batteuse, il fallait une vingtaine de gars ! ». Aujourd’hui, les « gars » qui la font tourner sont sa propre descendance. Les hommes de la famille qui tiennent à perpétuer la tradition et à rendre l’événement festif et fédérateur.