Richard Ramos, député MoDem : "Les Français en ont marre du chaos permanent et de l’arrogance des Macroniens parisiens"
Vous avez dit récemment qu’il fallait un profil expérimenté pour le poste de Premier ministre, à l'image de François Bayrou et Bernard Cazeneuve. Finalement, Michel Barnier ne répond-il pas à ce critère
Je maintiens que sa nomination est une faute politique. On met à la tête du gouvernement un membre du seul parti, LR, qui a refusé de participer au front républicain, ce qui a parfois permis à des Insoumis de battre des candidats de la Majorité présidentielle au deuxième tour. Il reste que M.Barnier a parfaitement le profil pour faire face à la situation.
La crainte d’une « mise sous tutelle » de Michel Barnier par le RN, qui a validé sa nomination, est-elle fondée ?
En nous mettant entre les mains des LR, le président de la République a décidé de nommer dans le même temps Mme Le Pen présidente du conseil de surveillance du gouvernement. Mon analyse, c’est que Marine Le Pen est soumise actuellement à deux agendas : l’un est politique et l’autre judiciaire. Je ne dis pas qu’elle mérite d’être condamnée mais je pense que lorsque son agenda judiciaire se refermera fin décembre, elle sifflera la fin de la récréation politique.
Le nouveau gouvernement aura combien de temps devant lui ?
Je maintiens que Michel Barnier est l’homme de la situation mais son gouvernement sera comme un yaourt avec une date limite de consommation courte. Il tiendra à mon avis entre 3 mois et 18 mois. Les LR de Laurent Wauquiez vont chercher à démontrer qu’ils ne peuvent rien faire, en arguant qu’ils ne sont pas suivis par les macronistes. Sur des textes que le Modem ou l’aile gauche de la Macronie ne pourront pas voter !
Les LR vont rapidement lâcher le pouvoir afin que Wauquiez reste dans la course pour la présidentielle.
Quant à Marine Le Pen, elle ne voudra pas laisser longtemps le sentiment à sa base anti-système qu’elle participe au système.
Des membres de l’aile gauche du parti présidentiel n’ont pas écarté la possibilité de censurer le gouvernement Barnier. C’est aussi votre cas ?
Oui, je m’opposerai à la fin de l’Aide médicale d’État. Je suis personnellement favorable à une immigration choisie et si je vois qu’on court derrière les Lepénistes sur ces sujets-là, ça peut me fâcher. L’autre sujet, c’est la juste répartition de la richesse. Je suis, comme d’autres au Modem, très attaché à la taxation des très riches.
Face à ce déficit très préoccupant, faut-il poursuivre la ligne de Bruno Le Maire qui s’est refusé à utiliser le levier de l’augmentation des prélèvements ?
J’ai écouté attentivement l’intervention de M.Le Maire devant la commission des Finances de l’Assemblée. Il remet un budget qui est intenable et impossible à voter.
C’est facile de raboter partout quand on s’en va ! Bruno Le Maire est comptable de l’état de la France.
Néanmoins, on va devoir dire aux Français comment on réduit nos déficits. Je pense que sur la santé, on met plus d’argent que les autres pays européens mais on a des coûts administratifs plus élevés. Il ne faut pas mettre moins mais mieux. Je vais me faire beaucoup d’ennemis en disant ça : il y a dans nos hôpitaux certains médecins, je ne parle pas des infirmiers ou des aides-soignants, qu’il faut mettre au travail. Il faudrait aussi que, comme autrefois, les assurés puissent voir le coût réel des médicaments.
Comment Michel Barnier peut-il composer une équipe ministérielle qui marque une forme de « rupture » ?
La position du Modem, c’est qu’il faut des visages nouveaux. Il ne faut pas remettre de ministres sortants. Il y aura des LR, évidemment, mais très concrètement, si Bruno Retailleau est nommé à Beauvau je pense que ça nous posera un problème. Ce que dit François Bayrou, c’est qu’avant de parler des mesures, les « incarnations » sont très importantes.
Comment Emmanuel Macron va-t-il gérer cette nouvelle configuration ?
Il ne se mettra pas en retrait, c’est plus fort que lui. J’ai été le premier et je crois le seul à avoir annoncé la dissolution. Je pense qu’il n’y aura pas de nouvelle dissolution avant le premier trimestre 2026.
À la place d’Emmanuel Macron, j’attendrais que Mélenchon soit candidat à la présidentielle pour dissoudre.
Les socialistes modérés mettront un candidat en face de lui. En conséquence, la gauche ne pourra pas faire le “nouveau nouveau front populaire” et partira divisée aux législatives.Et j’en reviens à mon idée que les deux seuls qui peuvent être Premier ministre derrière Barnier, c’est Cazeneuve ou Bayrou. Je pense que les Français ont surtout besoin en ce moment d’être rassurés. Ils en ont marre du chaos permanent et de l’arrogance des macroniens parisiens.
François Bayrou a ouvert les fiançailles en 2017 avec sa dot de six points offerts à Macron et ce sera lui qui fera la voiture-balai du mariage.
Vous êtes actif sur les questions de sécurité alimentaire ou d’environnement. Les voyez-vous figurer parmi les priorités du nouveau gouvernement ?
Je n’ai aucune confiance, c’est pour ça que je vais faire une proposition de loi transpartisane et modérée, en faveur des consommateurs. Ce sera très concret. En obtenant des signatures à droite et à gauche, j’imposerai un rapport de force au gouvernement.
Même si, comme vous le préconisez, une Assemblée plus autonome pourra mieux répondre aux attentes des Français, cela suffira-t-il à les détourner de la tentation d’« essayer » l’extrême droite en 2027 ?
On l’a vu il y a trois mois : alors que le RN croyait accéder à Matignon, il n’y a pas eu seulement un sursaut de type— Les fascistes vont revenir au pouvoir— . Ceux qui avaient quelques économies se sont dit : — est-ce qu’ils ne vont pas me les bouffer par leur incompétence ?— . Celui qui peut gagner dans la nouvelle configuration politique ne sera plus celui qui parviendra à convaincre les électeurs qu’il a raison mais celui qui sera capable de travailler avec quelqu’un de différent. Au Modem, nous sommes bien placés pour le faire.
Recueilli par Julien Rapegno